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Georges BLIN (né en 1917) Le romancier transmue la contingence en nécessité

Publié le 15/01/2018

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Ce texte constitue une réponse, trente ans après, aux accusations que Paul Valéry portait contre le genre romanesque.

Le roman fait mouvoir, comme il est évident, non des personnes, mais des personnages, et encore tels que n'étant point incarnés, ils disposent d'une existence encore plus fantomatique que ceux de la comédie. Jamais un récit romanesque n'a été pris pour une relation historique, pas plus, comme J.-P. Sartre l'a bien montré dans L'Imaginaire, qu'aucun tableau n'a jamais été confondu avec l'être ou l'objet qu'il représente. Tout ce qui s'inscrit dans le cadre du roman reste hors-jeu par rapport au réel, pris dans un autre circuit qui possède sa finalité propre, détaché dans une autre région de l'être qui est celle de l'absolu. Si Valéry s'en était souvenu, il n'aurait pas été tellement effrayé par l'obligation à laquelle il jugeait le romancier tenu, de noter des détails insignifiants. De même qu'un objet réel : algue, feuille ou coupure de journal, lorsqu'on le colle sur une toile est absorbé par l'imagi¬naire, de même que la même tache de couleur ici dans la nature et là dans le tableau, où elle devient un intelligible, n'a pas la même valeur, de même la circonstance la plus stupidement anecdotique, lorsqu'on vient à la trans¬férer dans l'univers romanesque, prend une portée qu'elle ne possédait point

 

dans l'existence empirique. Autrement dit, et pour reprendre la terminologie de J.-P. Sartre, elle y joue le rôle d'un « analogon », elle y est en posture désidérative, en valeur intensive, elle y renvoie à plus loin qu'elle ou, si l'on préfère, elle y est devenue soit une image, soit un signe.

« ANT HOLO GIE dans l'existence empiri que.

Autre ment dit, et pour reprendre la termin ologie de J.-P.

Sartre , elle y joue le rôle d'un «a nalogon », elle y est en posture dési dérati ve, en valeur intensive, elle y renvoie à plus loin qu'elle ou, si l'on préfère, elle y est devenue soit une image, soit un signe.

N' est-ce pas là l'idée que sous-en tenda it, dans sa maladresse même, le réalis me, quand il vou lait impo ser le critère de la ressemblance ? Ou qu'es­ quisse le comm un des lecteurs quand il définit le roman vrai comme celui qui possède sa contrep artie dans la réalité ? «C 'est bien comme cela dans la vie 1>, autre ment dit : c'est comme dans la vie, tranche l'approb ateur qui, bien entendu, pas un instant n'a pu admettre que cette histoire, ç ' a été de la vie ou dans la vie .

On voit par là que la vérité du roman est de l'ordre de la com paraison, quand la fascinat ion joue encore assez mal, et de l'ordre de la métaphore quand donne à plein l'hypnose ( ...

).

Redou terait-on de le com promettre ainsi avec le lyris me, c'est-à- dire avec la forme de litté­ rature la plus gratuite et la plus subjective, lui qui , comme narratif- descriptif et fils légiti me de l'épopée, représente le genre même de l'obj ectivit é, en ce cas on doit le distancer un peu de l'im aginat ion et le rapprocher des fonctions rat ionne lles.

On expl iquera donc que la vérité dont il peut se préva loir est de l'ordre non de l'ima ge, mais de la signi fication.

C'est ce qu'on postule comm unémen t quand on déclare d'une fiction qu'elle est plus vraie que la vi e.

Comme tel, le roman n'est pas une copie, mais une explicati on; non un cliché , ma is un sché ma.

En fait, dans le récit imagina ire, le réel n'est ja ma is cons igné sans motivat ion, même dans le cas où l'auteur s'interd it rig oureusement d'entrer en scène pour épiloguer sur les faits.

Ce la, Claude ­ E dmonde Magny l'a bien montré en répli que à un Valéry scandalisé par l'ar­ bitraire du genre.

Le jeteur de Charmes n'ava it pas vu que le roman est au con traire , avec, peut-être, le théâtre, l'espèce littéraire qui en app elle le plus à la nécess ité.

Si l' œuvre est réuss ie, c' est-à- dire réussit à «s uggest ionner�>, même la plus contingente des péripéties tend à s'y lever avec, à la fois, le visage fatal et le carac tère intelligible que nous reconna issons à un fait his­ torique ; même si l'envoû tement n'opère qu'à un faible degré, elle sonne encor e plus véritable que le réel du fait de la raison qui l'a organisée.

Le roman ne ment ionne en effet que l' essentiel ,et non seule ment il présen te la supér ieure clarté de l'abrégé et fait comprendre par le choix, mais dans son enchaînement même il rétabl it, dirigées vers le dénouement, des finalités que la vie, tou jours vécue à l'i ndice de cou rte vue du présent , ne mon tre que tronq uées ou enche­ vêtré es.

Stendhal et les pro blèmes du roman, José Corti, 1954, pp.

10-11.. »

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