George Bush, président et commandant en chef
Publié le 22/02/2012
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10 juin 1991 - Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Américains ont vu et entendu, mercredi soir 23 janvier 1991, leur commandant en chef, le président George Bush, s'adresser à eux en direct. Mais son commentaire optimiste sur le bilan et l'avenir des opérations contrastait par sa relative brièveté avec le long exposé, non moins optimiste mais très riche en détails, du général Powel, chef de l'état-major combiné, sur la stratégie alliée.
Délibérément, le président Bush reste discret et en retrait. A la différence de l'ancien président Lyndon Johnson, qui, pendant la guerre du Vietnam, passait beaucoup de son temps dans le sous-sol de la Maison Blanche pour choisir les objectifs des bombardements aériens, ou de John Kennedy, affectant un certain détachement aux pires moments de la crise des missiles de Cuba en 1962, George Bush laisse ses généraux établir leurs plans, quitte ensuite à donner son approbation. En fait, le commandant en chef se préoccupe beaucoup de l' " arrière ", des réactions du pays auquel il entend donner l'image d'un chef imperturbable tenant la barre d'une main ferme. Sa femme Barbara le confirmait aux journalistes : " Le président est merveilleux, il est stable, calme et ferme... Il est souvent au téléphone. " Un président se doit avant tout de contrôler ses émotions. Une tâche difficile pour un homme enthousiaste et émotif, passant facilement du rire aux larmes. " Nous, les Bush, pleurons facilement ", concède-t-il dans une interview donnée au journaliste britannique David Frost. Pas d'exultation, pas de triomphalisme... Son attitude réservée est celle d'un patricien bien élevé, auquel ses parents ont appris qu'il est de mauvais goût de " faire l'intéressant ", de jouer les bateleurs.
Parfois, cependant, il a une défaillance et oublie sa bonne éducation en déclarant par exemple aux parlementaires qu'il " botterait les fesses " de Saddam.
George Bush a la sérénité du juste. Il est en paix avec sa conscience.
Sa religion le soutient dans les moments d'épreuve. Avant et pendant les hostilités, il s'est entretenu avec de nombreux hommes d'Eglise, dont notamment son ami de vingt ans, le prédicateur Billy Graham.
Selon certaines indiscrétions, chaque nuit avant d'aller se coucher, le président et sa femme prient ensemble à haute voix pour la sécurité des soldats et une victoire décisive dans le Golfe.
George Bush s'efforce aussi de maintenir son emploi du temps normal : 7 h 15-18 h 30. Il passe la plupart de son temps à faire le point et à discuter des perspectives de l'action offensive avec le petit groupe ( sept personnes) formant en quelque sorte son " cabinet de guerre ".
Mais il entend préserver ses heures de détente du week-end à sa résidence de Camp David. Il veut ainsi souligner à ses compatriotes qu'il n'est pas " prisonnier " de la crise et les invite à suivre son exemple, c'est-à-dire à maintenir une vie normale, à se distraire en ignorant la menace terroriste, et surtout à ne pas manquer dimanche prochain la grande finale de football ( américain).
Cependant, son discours télévisé, le soir du début de l'opération " Tempête du désert ", manquait de vibrato et avait été jugé plat par les spécialistes de la communication, qui évoquent toujours avec nostalgie le talent de son prédécesseur Reagan et le parti que ce dernier aurait pu tirer de ce moment historique. Mais, conscient de la faiblesse de son impact télégénique, George Bush préfère s'entretenir directement avec les journalistes. Au cours des deux dernières années, il a tenu quatre-vingt-onze conférences de presse et prononcé seulement cinq discours télévisés. En revanche, il n'a eu de cesse d'utiliser le téléphone-son instrument de travail favori-pour appeler les dirigeants alliés, s'assurer de la solidité de la coalition ou échanger des informations. Le président est tenu au courant, de jour comme de nuit, par le général Scowcroft, son conseiller pour les affaires de sécurité. Mais, impatient, il s'installe comme tout le monde devant le petit poste de télévision installé dans le Bureau Ovale, qui le renseigne parfois plus rapidement que les téléscripteurs de son état-major de crise.
HENRI PIERRE
Le Monde du 26 janvier 1991
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