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GÉNOCIDE DES JUIFS

Publié le 22/02/2012

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Le génocide des Juifs est devenu le symbole de la politique criminelle du régime nazi, au point de faire oublier parfois qu'il fut la manifestation extrême d'un ensemble de politiques meurtrières, depuis la mise à mort des Allemands « indignes de vivre » (il est établi qu'au moins 70 000 personnes souffrant de troubles psychiques en furent victimes) jusqu'à l'extermination des Tsiganes (estimation de 250 000 morts), en passant par le mouroir concentrationnaire (environ 550 000 morts de 1939 à 1945), l'hécatombe des prisonniers de guerre soviétiques (environ 3 330 000 morts), sans oublier les projets de transfert de populations slaves qui, aboutis, auraient fait des millions de victimes. Dans l'enfer nazi, tout comme dans le cercle des génocides, l'extermination des Juifs garde pourtant une place spécifique pour avoir été une entreprise idéologiquement motivée, administrativement réalisée et industriellement exécutée. L'extermination est advenue à la fin d'une chaîne de discriminations parfois zigzagante, mais allant dans une seule direction : le départ des Juifs d'Allemagne, du Grand Reich, et si possible de toute l'Europe. La persécution débuta en 1933 par l'exclusion des Juifs de certains emplois, en particulier de l'administration. Elle se poursuivit en 1935 (lois de Nuremberg) par la séparation sexuelle et la réduction de leur statut à celui de citoyens de seconde zone et aboutit en 1938 à leur exclusion de toute la vie économique et à la spoliation de leurs biens (au nom de l'« aryanisation »). Cette politique fut appliquée par la suite aux populations juives tombées sous la domination allemande, en y ajoutant, pour celles de l'Est européen, le confinement dans des ghettos. La « solution finale ». Sur la « solution finale » à donner au « problème juif », les conceptions évoluèrent. Pendant près de huit ans, le régime nazi encouragea l'émigration. À partir de 1938, il commença à évoquer publiquement l'idée de rassembler dans une sorte de réserve, située si possible dans un territoire lointain, la population juive d'Europe ; en 1939-1940, il fut question d'utiliser à cette fin la région de Lublin en Pologne, puis l'île de Madagascar. À partir de l'été 1941, l'extermination vint prendre la relève de solutions que l'extension de la guerre rendait de moins en moins réalisables. À défaut, les Juifs disparaîtraient du sol européen par la mort, une hypothèse probablement inscrite dès le départ sur l'horizon mental de Hitler, sans devenir une priorité indiscutable avant 1941. La guerre contre l'URSS entraîna le passage à des fusillades à grande échelle (au moins 750 000 victimes entre l'été 1941 et le printemps 1942). À partir de l'automne 1941, la SS (Schutzstaffel) mit en place des installations de gazage industriel qui permettaient d'éviter les inconvénients des fusillades (le manque de secret, la faible efficacité, les « tensions psychologiques » chez les bourreaux). Mi-1942, la machine de destruction tournait à plein régime. De toute l'Europe nazie, de l'arc atlantique jusqu'aux îles grecques, mettant à profit le contexte de guerre totale et utilisant l'aide des administrations des pays occupés et de certains régimes alliés ou satellites, la SS déporta une grande partie de la population juive d'Europe vers six camps d'extermination, dont quatre étaient exclusivement des camps de la mort (Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka) et deux à la fois des camps de travail et des camps d'extermination (Lublin-Majdanek et Auschwitz-Birkenau). Au total, un bilan d'un peu plus de cinq millions de victimes juives : 800 000 personnes mortes à la suite des conditions de vie effroyables dans les ghettos ; environ 1,3 million assassinées par fusillades (en URSS principalement, mais aussi en Serbie) ; 2,7 millions exterminées par gaz (dont un million à Auschwitz) ; enfin 300 000 décédées dans les camps de concentration (allemands, mais aussi roumains et croates). Philippe BURRIN Le monde yiddish anéanti. Sur les 3,25 millions de Juifs de Pologne qui constituaient en 1939 la communauté la plus nombreuse et la plus dynamique du monde juif ashkénaze, à peine 35 000 à 80 000, selon les estimations, ont survécu aux ghettos et aux camps tandis que 154 000 ont été rapatriés d'Union soviétique où ils s'étaient réfugiés ou avaient été déplacés. Leur retour porte à environ 250 000 le nombre de survivants sur cette terre dévastée. Les Juifs de Hongrie et de Roumanie ont été proportionnellement un peu moins touchés que ceux de Pologne. La destruction du judaïsme hongrois a été tardive puisqu'elle débuta en avril 1944, mais d'une extrême brutalité. Sur quelque 800 000 Juifs que comptait la Hongrie au début des années 1940, 260 000 environ ont survécu. Quant à la Roumanie, 270 000 de ses Juifs ont été assassinés. En Union soviétique, le génocide a fait entre 650 000 et 800 000 victimes, mais il subsiste encore une population juive nombreuse d'environ deux millions de personnes en 1945. En Allemagne, le nombre de morts fut d'au moins 120 000, en Tchécoslovaquie de 260 000, en Lituanie d'au moins 130 000, en France de 75 000, en Lettonie de 70 000, en Grèce de 60 000, en Yougoslavie de 60 000, en Italie de 9 000 et en Estonie de 2 000. La population juive de Bulgarie a, quant à elle, été globalement épargnée. La communauté juive des Pays-Bas a été détruite à 80 %, celle de Belgique à 43 %, celle de la France à 20 %. C'est, au sortir de la guerre, au Royaume-Uni que vit le plus grand nombre de Juifs (410 000) en Europe. Un retentissement durable dans les mémoires. Beaucoup de Juifs allemands, polonais, hongrois notamment, qui ont survécu aux camps de concentration, aux camps de travail ou aux ghettos, ont refusé d'être rapatriés dans leurs pays d'origine. Ils se sont entassés dans des conditions difficiles dans des camps, attendant qu'un nouveau pays veuille bien les accueillir. Selon une estimation du Joint Distribution Committee, ils étaient 237 150 en février 1947, principalement dans les zones d'occupation américaines d'Allemagne et d'Autriche. Il faut attendre 1948, avec la création de l'État hébreu et le Displaced Persons Act de 1949 aux États-Unis, suivi du Refugee Relief Act, pour que ces survivants puissent enfin se rendre aux États-Unis ou en Israël, alors qu'une minorité d'entre eux choisit d'autres destinations : France, Royaume-Uni, Suède, Amérique latine, Australie, Afrique du Sud. Le génocide a profondément modifié le judaïsme. Avec l'annihilation des grandes communautés de l'Europe centrale et orientale, le monde yiddish a été anéanti. Les grands centres du judaïsme seront désormais (pour l'essentiel) les États-Unis et Israël. La perte de leurs populations juives marque également les pays dans lesquels elles vivaient et où leur absence est aujourd'hui source de débat. Elle pose aussi à la communauté internationale une série de questionnements présents jusqu'à nos jours. Annette WIEVIORKA

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