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Genet, les Bonnes (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Genet, les Bonnes (extrait). Les Bonnes prennent leurs distances vis-à-vis d'une esthétique réaliste, conservant cependant comme cadre général celui de la comédie de salon. Les domestiques y jouent aux jeux ambigus des maîtres. Les deux bonnes n'ont pas réussi à empoisonner leur maîtresse ; l'excitation de l'inversion des rôles va conduire les deux soeurs à se faire violence au point d'en mourir. L'une d'elles en vient à obliger l'autre à lui servir la tisane fatale et meurt dans le rôle de Madame, tandis que sa soeur devient Mademoiselle Solange, fameuse criminelle homicide de sa soeur. Les Bonnes de Jean Genet CLAIRE : Vous vouliez m'insulter ! Ne vous gênez pas ! Crachez-moi à la face ! Couvrez-moi de boue et d'ordures. SOLANGE, se retournant et voyant Claire dans la robe de Madame : Vous êtes belle ! CLAIRE : Passez sur les formalités du début. Il y a longtemps que vous avez rendu inutiles les mensonges, les hésitations qui conduisent à la métamorphose ! Presse-toi ! Presse-toi. Je n'en peux plus des hontes et des humiliations. Le monde peut nous écouter, sourire, hausser les épaules, nous traiter de folles et d'envieuses, je frémis, je frissonne de plaisir, Claire, je vais hennir de joie ! SOLANGE : Vous êtes belle ! CLAIRE : Commence les insultes. SOLANGE : Vous êtes belle. CLAIRE : Passons. Passons le prélude. Aux insultes. SOLANGE : Vous m'éblouissez. Je ne pourrai jamais. CLAIRE : J'ai dit les insultes. Vous n'espérez pas m'avoir fait revêtir cette robe pour m'entendre chanter ma beauté. Couvrez-moi de haine ! D'insultes ! De crachats ! SOLANGE : Aidez-moi. CLAIRE : Je hais les domestiques. J'en hais l'espèce odieuse et vile. Les domestiques n'appartiennent pas à l'humanité. Ils coulent. Ils sont une exhalaison qui traîne dans nos chambres, dans nos corridors, qui nous pénètre, nous entre par la bouche, qui nous corrompt. Moi, je vous vomis. (Mouvement de Solange pour aller à la fenêtre.) Reste ici. SOLANGE : Je monte, je monte... CLAIRE, parlant toujours des domestiques : Je sais qu'il en faut comme il faut des fossoyeurs, des vidangeurs, des policiers. N'empêche que tout ce beau monde est fétide. SOLANGE : Continuez. Continuez. CLAIRE : Vos gueules d'épouvante et de remords, vos coudes plissés, vos corsages démodés, vos corps pour porter nos défroques. Vous êtes nos miroirs déformants, notre soupape, notre honte, notre lie. SOLANGE : Continuez. Continuez. CLAIRE : Je suis au bord, presse-toi, je t'en prie. Vous êtes... vous êtes... Mon Dieu, je suis vide, je ne trouve plus. Je suis à bout d'insultes. Claire, vous m'épuisez ! SOLANGE : Laissez-moi sortir. Nous allons parler au monde. Qu'il se mette aux fenêtres pour nous voir, il faut qu'il nous écoute. Elle ouvre la fenêtre, mais Claire la tire dans la chambre. CLAIRE : Les gens d'en face vont nous voir SOLANGE, déjà sur le balcon : J'espère bien. Il fait bon. Le vent m'exalte ! CLAIRE : Solange ! Solange ! Reste avec moi, rentre ! SOLANGE : Je suis au niveau. Madame avait pour elle son chant de tourterelle, ses amants, son laitier. CLAIRE : Solange... SOLANGE : Silence ! Son laitier matinal, son messager de l'aube, son tocsin délicieux, son maître pâle et charmant, c'est fini. En place pour le bal. CLAIRE : Qu'est-ce que tu fais ? SOLANGE, solennelle : J'en interromps le cours. À genoux ! CLAIRE : Tu vas trop loin ! SOLANGE : À genoux ! puisque je sais à quoi je suis destinée. CLAIRE : Vous me tuez ! SOLANGE, allant sur elle : Je l'espère bien. Mon désespoir me fait indomptable. Je suis capable de tout. Ah ! nous étions maudites ! CLAIRE : Tais-toi. SOLANGE : Vous n'aurez pas à aller jusqu'au crime. CLAIRE : Solange ! SOLANGE : Ne bougez pas ! Que Madame m'écoute. Vous avez permis qu'elle s'échappe. Vous ! Ah ! quel dommage que je ne puisse lui dire toute ma haine ! que je ne puisse lui raconter toutes nos grimaces. Mais, toi si lâche, si sotte, tu l'as laissée s'enfuir. En ce moment, elle sable le champagne ! Ne bougez pas ! Ne bougez pas ! La mort est présente et nous guette ! CLAIRE : Laisse-moi sortir. SOLANGE : Ne bougez pas. Je vais avec vous peut-être découvrir le moyen le plus simple, et le courage, Madame, de délivrer ma soeur et du même coup me conduire à la mort. CLAIRE : Que vas-tu faire ? Où tout cela nous mène-t-il ? SOLANGE, c'est un ordre : Je t'en prie, Claire, réponds-moi. CLAIRE : Solange, arrêtons-nous. Je n'en peux plus. Laisse-moi. SOLANGE : Je continuerai, seule, seule, ma chère. Ne bougez pas. Quand vous aviez de si merveilleux moyens, il était impossible que Madame s'en échappât. (Marchant sur Claire.) Et cette fois, je veux en finir avec une fille aussi lâche. CLAIRE : Solange ! Solange ! Au secours ! SOLANGE : Hurlez si vous voulez ! Poussez même votre dernier cri, Madame ! (Elle pousse Claire qui reste accroupie dans un coin.) Enfin ! Madame est morte ! étendue sur le linoléum... étranglée par les gants de la vaisselle. Madame peut rester assise ! Madame peut m'appeler mademoiselle Solange. Justement. C'est à cause de ce que j'ai fait. Madame et Monsieur m'appelleront mademoiselle Solange Lemercier [...] Je suis l'étrangleuse, Mademoiselle Solange, celle qui étrangle sa soeur ! Source : Genet (Jean), les Bonnes, Paris, Arbalète, 1976. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.


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« SOLANGE : Je suis au niveau.

Madame avait pour elle son chant de tourterelle, ses amants, son laitier. CLAIRE : Solange… SOLANGE : Silence ! Son laitier matinal, son messager de l'aube, son tocsin délicieux, son maître pâle et charmant, c'est fini.

En place pour le bal. CLAIRE : Qu'est-ce que tu fais ? SOLANGE , solennelle : J'en interromps le cours.

À genoux ! CLAIRE : Tu vas trop loin ! SOLANGE : À genoux ! puisque je sais à quoi je suis destinée. CLAIRE : Vous me tuez ! SOLANGE , allant sur elle : Je l'espère bien.

Mon désespoir me fait indomptable.

Je suis capable de tout.

Ah ! nous étions maudites ! CLAIRE : Tais-toi. SOLANGE : Vous n'aurez pas à aller jusqu'au crime. CLAIRE : Solange ! SOLANGE : Ne bougez pas ! Que Madame m'écoute.

Vous avez permis qu'elle s'échappe.

Vous ! Ah ! quel dommage que je ne puisse lui dire toute ma haine ! que je ne puisse lui raconter toutes nos grimaces.

Mais, toi si lâche, si sotte, tu l'as laissée s'enfuir.

En ce moment, elle sable le champagne ! Ne bougez pas ! Ne bougez pas ! La mort est présente et nous guette ! CLAIRE : Laisse-moi sortir. SOLANGE : Ne bougez pas.

Je vais avec vous peut-être découvrir le moyen le plus simple, et le courage, Madame, de délivrer ma sœur et du même coup me conduire à la mort. CLAIRE : Que vas-tu faire ? Où tout cela nous mène-t-il ? SOLANGE , c'est un ordre : Je t'en prie, Claire, réponds-moi. CLAIRE : Solange, arrêtons-nous.

Je n'en peux plus.

Laisse-moi. SOLANGE : Je continuerai, seule, seule, ma chère.

Ne bougez pas.

Quand vous aviez de si merveilleux moyens, il était impossible que Madame s'en échappât.

(Marchant sur Claire.) Et cette fois, je veux en finir avec une fille aussi lâche. CLAIRE : Solange ! Solange ! Au secours ! SOLANGE : Hurlez si vous voulez ! Poussez même votre dernier cri, Madame ! (Elle pousse Claire qui reste accroupie dans un coin.) Enfin ! Madame est morte ! étendue sur le linoléum… étranglée par les gants de la vaisselle.

Madame peut rester assise ! Madame peut m'appeler mademoiselle Solange.

Justement.

C'est à cause de ce que j'ai fait.

Madame et Monsieur m'appelleront mademoiselle Solange Lemercier […] Je suis l'étrangleuse, Mademoiselle Solange, celle qui étrangle sa sœur ! Source : Genet (Jean), les Bonnes, Paris, Arbalète, 1976. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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