Genese
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
C’était l’heure préférée de mon père. Les rayons du soleil, vaincus par une journée passée à nous éreinter, à assécher l’air immobile, à larder de mille lames nos nuques et nos mains brunies, acceptaient enfin de caresser lentement les courbes alanguies de nos collines. La douceur des ombres étirées donnaient soudain le signal de départ à une insoupçonnable fraicheur. Cette vivifiante respiration s’étant lovée toute la journétouffante, au creux des puits, dans les entrailles de la terre jaillissait chaque soir avec la vigueur innocente d’une jeune mariée sous le dais nuptial. Elle inondait nos sols et faisait remonter en nous la sève de la vie. Elle se jetait à terre ! A terre ! Atterre !
Ce n’était, au début, qu’un relatif rafraichissement mais il suffisait à faire naitre dans toute la ville un sentiment de plénitude, de relâchement intellectuel et physique. Soufflecourt et front tendu. Mon père attendait la montée de cette invisible et bienfaisante fraicheur du soir. Il s’asseyait toujours sous l’étroite véranda qui longeait trois des quatre côtés de notre maison. Il y installait son fauteuil d’osier, face à l’est, face aux ombres fuyantes. Celles-ci dessinaient des serpents rosés aux flancs des collines beiges et ocre. Les chemins, marqués par la poussière paresseuse qui les surplombait, entouraient de leurs bras amoureux les oasis imaginaires et les villages flous déposés ça et là par la main d’un semeur céleste. La poussière soulevée par les voyageurs, aimantés irrésistiblement vers la ville, dessinait de lentes volutes qui rythmaient ces paysages immobiles.
Comme le silence des oiseaux devance et accompagne les éclipses, la civilisation toute entière, alliée à la nature retenait son souffle innocent pendant cette heure propice. Rare instant, tellement souhaité, silencieusement désiré et pourtant presque inattendu. Moment de grâce dont le moindre sanglot, l’impatience d’un cri ou d’un sursaut en aurait effrayé la magie. Ne pas la faire fuir. Se laisser porter par le flux, se fondre dans le mouvement. Ne plus rien souhaiter, ne rien demander. Renaitre lentement en se laissant emporter par. Sentir le ralentissement des battements de l’âme. La souplesse retrouvée de chaque muscle. La peau enfin qui s’abandonne et s’adoucit. Mon père, le front luisant de sueur, finissait toujours par s’endormir lentement dans ce fauteuil d’osier. Ne pas réagir aux pas comptés de sa servante. Ignorer le craquement docile des lattes du plancher. Deviner le mouvement ample de la pièce de coton écrue qu’elle dépliait prestement devant lui, et qu’elle déposait sur ses genoux cagneux. Mimer le sommeil et ne la remercier que par l’esquisse d’un sourire de contentement. Sombrer dans le flux vespéral pour voguer enfin dans les territoires inconnus de son esprit. Sa respiration rythmait une musique régulière et tranquille. Devant lui, les herbes jaunes dansaient lentement sous le vent du soir qui se levait enfin.
Liens utiles
- GENESE DE VIENNE (La) (résumé)
- genese et evolution de la democratie
- Vocabulaire: GENESE
- genese
- GENESE 6 ET 7