Flaubert: La vision de l'homme et du monde dans madame Bovary
Publié le 11/05/2011
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BIOGRAPHIE : Gustave Flaubert, auteur majeur dans la deuxième moitié du XIXe siècle, naît le 12 décembre 1821, à Rouen. Il est le deuxième enfant d’Achille Cléophas et d’Anne Justine Flaubert, avec un frère aîné, né huit ans auparavant, et une petite sœur, Caroline, née en 1824. Son père est chirurgien et médecin-chef de cet hôpital ; sa mère est elle aussi fille de médecin. Le petit Gustave passe une enfance assez triste, dans l'atmosphère austère de l'hôpital, délaissé par rapport à son frère aîné, brillant élève et porteur de toutes les ambitions de la famille. Se sentant lui-même passif, instable et différent, il met peu de temps à se réfugier dans la littérature. De 1832 à 1839, il étudie dans un lycée à Rouen. Plutôt doué, il est néanmoins jugé indiscipliné. En 1837, Flaubert écrit Passion et vertu, inspiré La chartreuse de Parme de Stendhal, histoire d’une femme adultère ; c’est le début d’un succès croissant. En 1844, terrassé par une crise d’épilepsie, il abandonne ses études de droit, et se réfugie dans l’univers littéraire ; c’est comme ça qu’en 1845, il achèvera la première version de L’Education sentimentale. L’année qui suit est marquée par le décès de son père et de sa sœur ; il s’installe alors à Croisset, près de Rouen, où il rencontre Louise Colet, qui deviendra sa maîtresse. Par la suite Flaubert voyagera beaucoup, et ne sera de retour à Croisset qu’en 1851, où il commence à écrire Madame Bovary. Sa correspondance avec Louise devient plus littéraire, jusqu’à la rupture, en 1854. En 1856, Gustave achève Madame Bovary, qui paraîtra dans la revue de Paris, en octobre. Par la suite il publiera Salammbô, en novembre 1862, la 2e version de L’Education sentimentale, en novembre 1869, La Tentation de saint Antoine, en 1873, puis enfin, il publiera les Trois contes en 1877. Le 8 mai 1880, Flaubert meurt subitement à Canteleu, hameau de Croisset. LES PERSONNAGES : Les personnages principaux : • Madame Bovary : Elle est le protagoniste du roman, malgré qu’elle n’apparaisse qu’au chapitre 2, lors de sa rencontre avec Charles Bovary. Emma Bovary est décrite par petites touches tout au long du roman, et le plus souvent à travers le regard d’un personnage. Les cheveux, les yeux et le teint sont trois traits évoqués pas le narrateur, appuyant sur le pouvoir de séduction de la jolie jeune femme, aux traits fin, et aux couleurs fraîches. Sa chevelure est tout de même l’attribut majeur de sa féminité, reflétant son état d’âme. Cette héroïne se marie avec Charles pour échapper sa vie dans la ferme, qui lui donne un dégoût de la campagne. Elle sentimentale, passioniste et connait fréquemment l’ennui. Entre l’idéal et la médiocrité quotidienne, l’esprit d’Emma se meut sans cesse de la torpeur à l’exaltation. Passionnée de lecture, elle a passé sa jeunesse à lire des œuvres romantiques, et la vie à deux est, pour elle, une déception : en effet, elle ne correspond pas à ce qu’elle avait lu dans les livres. Elle a une fille, Berthe, mais elle n'est pas maternelle. Pour trouver l'excitation, elle a des liaisons avec Léon et Rodolphe. Ayant dépensé tout l'argent de son mari, et étant insatisfaite par sa situation, elle finit par se suicider. • Charles Bovary : Le roman de Flaubert s’ouvre par l’arrivée du jeune Charles Bovary au collège. C’est lui qui, dès les premières pages, occupe l’attention. Emma ne sera vue, d’abord, qu’à travers lui, et c’est en lui que le drame trouvera sa résonnance la plus tragique, après le suicide de la jeune femme. Charles a une éducation négligée : En effet, tiraillé entre des parents désunis, son instruction a été fortement négligée. Ce dernier est peu intelligent et intéressant, manque de fantaisie et demeure peu brillant Les bourgeois : Être bourgeois constituait, aux yeux de Flaubert, la plus grave des tares. En effet, son sujet les « dégoûtait «, et ses personnages lui étaient antipathiques, dans la mesure où ils étaient « bourgeois «. Pour Flaubert, « quiconque pense bassement « et bourgeois. Même si elle n’y échappe pas elle-même, par bien des côtés, Emma Bovary, grâce à ses aventures, sert de révélateur à cet état d’esprit, qui domine chez Rodolphe, Léon, Lheureux, et surtout Hormais, qui incarne l’individu le plus achevé du petit bourgeois vulgaire et insatisfait. • Rodolphe : Rodolphe est un bel homme âgé de trente-quatre ans et vivant dans un milieu bourgeois. Il est immédiatement séduit par la grâce d’Emma Bovary, et ne tarde pas à le lui faire comprendre. Si, dans les premiers jours, il semble plein de fantaisie, on comprend vite que c’est quelqu’un de fade, qu’il n’a rien d’intéressant, aucune expérience avec les femmes ainsi qu’un tempérament extrêmement négatif. Selon lui, la conquête d’une femme est une simple affaire de stratégie. EXPLICATION D’UN PASSAGE MARQUANT : Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d'être endormie ; et, tandis qu'il s'assoupissait à ses côtés, elle se réveillait en d'autres rêves. Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d'où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d'une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes. On marchait au pas, à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir les mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s'envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramide au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d'eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C'est là qu'ils s'arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse, à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu'ils contempleraient. Cependant, sur l'immensité de cet avenir qu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l'horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l'enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s'endormait que le matin, quand l'aube blanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la place, ouvrait les auvents de la pharmacie. Flaubert - Madame Bovary Dans cet extrait, Emma rêve dans le lit conjugal. Flaubert met en dérision ce rêve, mais rajoute aussi une certaine compassion. Les trois thèmes principaux de l’extrait sont le rêve, l’ironie I- Le rêve caricatural d'un esprit romanesque On sait qu’Emma a vécu une enfance plongée dans les livres. Ceux-ci sont à l'origine du rêve " idiot " de ce passage. Idiot car tous les clichés romanesques et romantiques habituels s'y trouvent: Flaubert souligne les excès et les faiblesses du courant romantique dont il ne peut nier l'influence sur son écriture. Il donne ainsi une nouvelle image de l’amour, en exposant les faiblesses de ce dernier. Emma s'imagine un pays nouveau (une sorte de méli-mélo d'éléments conventionnels), une vie à l'opposée de la sienne donc belle ; elle rêve d'un grand amour (mais celui-ci reste un cliché, il est indéfini). Son goût pour la richesse se retrouve aussi dans ce passage. II- Un rêve porteur des aspirations du romantisme - abolition des limites spatiales et temporelles. - phrases longues => respiration - ponts, navires => abolition des limites. - la contemplation: pas de participation (" sans parler ") III - L'échec de la rêverie - Le rêve s'épuise peu à peu (le " cependant " amorce la cassure) - Le " mais " annonce le retour au réel, médiocre (toux, ronflements...), qu'Emma n'apprécie pas. - Cet échec s'aperçoit tout au long du texte : abaissement du point de vue, les constructions se rabaissent, les temps grammaticaux passent au conditionnel, moins de couleurs, d'actions... Cette page est représentative du style de Flaubert : il se moque du Romantisme, d'Emma, mais en même temps autodérision ("la Bovary c'est moi"). Il y a en même temps un flou général (voulu), une ambiguïté qui empêche de porter un jugement. Peut-être ne valons-nous pas mieux ? La rêverie est sans doute nécessaire pour survivre. RECEPTION PAR LE PUBLIC : Pendant la rédaction de son « Madame Bovary «, Flaubert mesure l’effet social de son œuvre : il est très conscient d’écrire un livre qui scandalisera une partie de son public. Le procès à venir s’ouvre déjà dans le roman lui-même, par les discussions entre Charles et sa mère, qui veut interdire à Emma les « mauvais livres «, et qui menace « d’avertir la police, si le libraire persistait dans son métier d’empoisonneur «. Avant le procès proprement dit, un différend entre l’auteur et les premiers éditeurs a déjà failli les conduire en justice, Flaubert se trouvant alors dans le rôle du plaignant. Maxime Du Camp et Laurent-Pichat, directeurs de la Revue de Paris, jugeaient en effet indispensables de pratiquer des coupures dans une œuvre qui leur paraissait « embrouillée «. Ils trouvaient trop longs la noce, les Comices, l’opération du pied-bot. Le manuscrit du copiste porte les multiples traces des interventions de l’auteur et ses éditeurs-censeurs : d’abord les corrections par Flaubert des erreurs commises par ses copistes, puis les sacrifices volontaires de nombreux passages, enfin les ratures pratiquées par Laurent-Pichat, identifiables par les réactions de Flaubert en marge, qui rétablit son texte en le recopiant (parfois avec des variantes) quand il est devenu peu lisible sous les traits de biffure, ou en intimant à l’imprimeur l’ordre de composer le texte. Malgré la parole donnée à l’auteur, les éditeurs reculent au dernier moment devant la publication de la scène du fiacre, par crainte de la police correctionnelle. Sous la pression de cet argument, Flaubert finit par s’exécuter, en obtenant toutefois que la suppression serait signalée dans la Revue par une note. Mais la publication de la dernière partie du roman, dans le numéro du 15 décembre, entraîne de nouvelles coupes : c’est alors que Flaubert envisage d’intenter un procès aux directeurs de la Revue. Il se contente de leur imposer la publication d’une note de protestation. Flaubert tente d’obtenir des recommandations auprès d’écrivains et de critiques célèbres, Lamartine et Sainte-Beuve, qui ont apprécié son roman. Il pense faire imprimer une sorte de mémoire, composé du roman annoté et d’une préface comportant des « explications esthético-morales «. Le mémoire fut interdit et la préface jamais écrite, mais on en a retrouvé récemment un brouillon, publié dans La Censure et l’œuvre (voir la bibliographie qui suit). Le procès eut lieu le 29 janvier 1857. Flaubert avait fait sténographier le réquisitoire et la plaidoirie, qui nous sont donc parvenus. Le premier reproche à l’auteur de Madame Bovary la couleur « lascive « de son roman, la « beauté de provocation « qui caractérise son héroïne et le mélange du sacré et du profane. Le second plaide en faveur d’un fils de bonne famille respectée dont le roman prêche par le contre-exemple : le suicide d’Emma montre suffisamment la punition du vice. Bien que Flaubert ait trouvé la plaidoirie de son avocat « splendide «, le lecteur d’aujourd’hui est peut-être plus sensible au trouble à la fois moral et esthétique exprimé en son temps par le procureur Pinard, choqué par la « domination « qu’exerce Emma sur les hommes, et sensible à l’effet immoral produit par le procédé de l’impersonnalité : l’auteur n’intervient jamais dans son œuvre pour juger la conduite de ses personnages, et il n’a pas pris la peine d’y introduire une figure positive qui eût été le porte-parole du bon sens. Le jugement est rendu huit jours après le procès, le 7 février 1857. Flaubert est acquitté, mais blâmé pour son « réalisme vulgaire et souvent choquant «. Le roman peut alors paraître en librairie, sans les coupures imposées par les dernières livraisons de la Revue de Paris, mais après être passé par la double censure des coupures préventives et de la parole d’un procureur, le texte se défait en fragments produisant des « effets lubriques « que Flaubert ne sait pas toujours comment faire rentrer dans un ensemble homogène. L’auteur est évidemment satisfait par le succès foudroyant de son coup d’essai, mais il aurait préféré ne le devoir qu’à l’art, et non au scandale judiciaire. Le roman paraît chez Michel Lévy le 16 avril 1857. Dès qu’il est en possession de ses volumes, Flaubert reporte sur un exemplaire les 71 corrections indiquées par Laurent-Pichat sur le manuscrit du copiste ou effectivement faites dans la Revue de Paris. Cet exemplaire témoin, conservé à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, a été reproduit en fac-similé pour les cent cinquantenaires de la publication du roman. Lors de sa réédition chez Charpentier en 1873, Flaubert joindra en appendice les pièces du dossier pénal.
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Passionnée de lecture, elle a passé sa jeunesse à lire des œuvres romantiques, et la vie à deux est, pour elle, unedéception : en effet, elle ne correspond pas à ce qu'elle avait lu dans les livres.
Elle a une fille, Berthe, mais ellen'est pas maternelle.
Pour trouver l'excitation, elle a des liaisons avec Léon et Rodolphe.
Ayant dépensé toutl'argent de son mari, et étant insatisfaite par sa situation, elle finit par se suicider.
• Charles Bovary :
Le roman de Flaubert s'ouvre par l'arrivée du jeune Charles Bovary au collège.
C'est lui qui, dès les premières pages,occupe l'attention.
Emma ne sera vue, d'abord, qu'à travers lui, et c'est en lui que le drame trouvera sa résonnancela plus tragique, après le suicide de la jeune femme.
Charles a une éducation négligée : En effet, tiraillé entre desparents désunis, son instruction a été fortement négligée.
Ce dernier est peu intelligent et intéressant, manque defantaisie et demeure peu brillant
Les bourgeois :
Être bourgeois constituait, aux yeux de Flaubert, la plus grave des tares.
En effet, son sujet les « dégoûtait », etses personnages lui étaient antipathiques, dans la mesure où ils étaient « bourgeois ».
Pour Flaubert, « quiconquepense bassement » et bourgeois.
Même si elle n'y échappe pas elle-même, par bien des côtés, Emma Bovary, grâceà ses aventures, sert de révélateur à cet état d'esprit, qui domine chez Rodolphe, Léon, Lheureux, et surtoutHormais, qui incarne l'individu le plus achevé du petit bourgeois vulgaire et insatisfait.
• Rodolphe :
Rodolphe est un bel homme âgé de trente-quatre ans et vivant dans un milieu bourgeois.
Il est immédiatementséduit par la grâce d'Emma Bovary, et ne tarde pas à le lui faire comprendre.
Si, dans les premiers jours, il sembleplein de fantaisie, on comprend vite que c'est quelqu'un de fade, qu'il n'a rien d'intéressant, aucune expérience avecles femmes ainsi qu'un tempérament extrêmement négatif.
Selon lui, la conquête d'une femme est une simple affairede stratégie.
EXPLICATION D'UN PASSAGE MARQUANT :
Début du chapitre 12, partie 2 :
Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d'être endormie ; et, tandis qu'il s'assoupissait à ses côtés, elle seréveillait en d'autres rêves.
Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d'où ils ne reviendraientplus.
Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler.
Souvent, du haut d'une montagne, ils apercevaient toutà coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et descathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes.
On marchait au pas, à causedes grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corsetrouge.
On entendait sonner des cloches, hennir les mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines,dont la vapeur s'envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramide au pied des statues pâles, quisouriaient sous les jets d'eau.
Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets brunsséchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes.
C'est là qu'ils s'arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient unemaison basse, à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer.
Ils se promèneraient engondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie,toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu'ils contempleraient.
Cependant, sur l'immensité de cet avenirqu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient commedes flots ; et cela se balançait à l'horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil.
Mais l'enfant se mettaità tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s'endormait que le matin, quand l'aubeblanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la place, ouvrait les auvents de la pharmacie..
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