Flaubert, Gustave - écrivain.
Publié le 28/04/2013
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Les œuvres de jeunesse de Flaubert annoncent souvent, par leur thématique, celles de sa maturité.
C’est le cas de ses Mémoires d’un fou (écrits en 1838), qui se présentent comme le récit autobiographique de sa passion pour Mme Schlésinger, une
femme mariée qu’il a rencontrée à Trouville en 1836.
Bien que composé dans une veine encore très romantique, ce récit annonce déjà la problématique désenchantée de l’Éducation sentimentale. Quant à Smarh (écrit en 1839), c’est une sorte de
« mystère » qui préfigure la Tentation de saint Antoine (première version en 1849, puis 1856 et 1874), récit inspiré par un tableau de Bruegel aperçu en Italie.
Citons aussi Novembre (écrit en 1842), recueil de réflexions autobiographiques, et une
pièce, le Candidat, créée en 1874 au théâtre du Vaudeville.
3. 4 Le chef-d’œuvre : Madame Bovary
On l’a dit, peu de génies furent aussi précoces que Flaubert qui, dès les bancs du collège, noircissait cahier après cahier.
Pourtant, à l’âge de trente ans, lorsqu’il entreprend d’écrire Madame Bovary, il n’a encore rien publié.
En 1849, il fait à Du Camp
et à Bouilhet la lecture de son récit la Tentation de saint Antoine ; ses amis, réticents devant ces débordements lyriques, lui conseillent d’aborder un sujet plus proche de la réalité ordinaire.
Il s’inspire alors d’un fait divers pour bâtir l’intrigue d’un
roman réaliste, Madame Bovary. L’élaboration du roman, particulièrement pénible pour l’auteur, comme en témoignent les lettres qu’il écrit à cette période à Louise Colet, dure près de cinq ans — de 1851 à 1856 — et constitue l’occasion pour
Flaubert de préciser sa démarche créatrice.
Si la publication du roman en 1857 fait date dans l’histoire du roman français, c’est parce qu’il n’obéit pas aux règles traditionnelles de la narration.
Flaubert y affine notamment la technique de la variation des points de vue, ou « focalisation », usant
de ce procédé pour donner du réel une vision, non pas unique et organisée comme dans le récit balzacien (où le narrateur omniscient est le détenteur de la vérité), mais multiple, mouvante, complexe et subjective.
C’est cette technique qui permet au
narrateur de généraliser la dérision, en particulier de montrer avec une telle acuité les illusions d’Emma et la banalité de ses rêves et de dénoncer avec une ironie aussi mordante la médiocrité et la suffisance des petits bourgeois provinciaux.
Le roman, considéré comme une offense à l’égard de l’Église, est aussi accusé d’immoralité parce qu’il met en scène l’adultère.
Le suicide d’Emma, le malheur de Charles et de son enfant ne semblent pas une punition suffisante aux yeux des tenants
de la morale : il manque la sanction de la société.
C’est pourquoi, le 29 janvier 1857, à la suite de la parution de Madame Bovary en feuilleton dans la Revue de Paris, Flaubert est convoqué à la sixième chambre correctionnelle pour répondre à une
accusation d’irréligion et d’immoralité.
L’accusateur est le procureur Pinard, célèbre pour avoir, la même année, fait condamner les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.
Finalement acquitté par ses juges, Flaubert tire plus d’avantages que de
désagréments de l’« affaire Madame Bovary » , puisqu’il obtient un vrai succès de scandale.
Pour une présentation plus détaillée de l’œuvre, voir l’article Madame Bovary.
3. 5 Autres grandes œuvres
En 1862, Flaubert publie Salammbô, roman qui a pour cadre Carthage à la fin de la première guerre punique.
Inspiré de faits historiques (la révolte des Mercenaires qui, n’ayant pas été payés, se soulevèrent contre la ville), cette fresque grandiose
raconte aussi la passion de Mâtho, chef des mercenaires, et de Salammbô, fille du général carthaginois Hamilcar et prêtresse de la déesse Tanit.
Avec le même souci de vérité qui caractérise déjà son travail sur Madame Bovary, Flaubert réunit pour ce
récit une colossale documentation.
Fasciné par la beauté et la cruauté des grands faits guerriers et des mythes antiques, il souhaite « faire vrai » tout en se permettant toutes les fantaisies sur cette époque mal connue.
L’autobiographie tient une grande place dans l’Éducation sentimentale (1869), qui est un peu l’équivalent français du Bildungsroman allemand ou du life novel anglais et qui constitue une autre étape majeure de l’évolution romanesque au XIX e siècle.
Pour Flaubert, l’autobiographie romancée est surtout un moyen de régler ses comptes avec le jeune homme qu’il fut.
Évoquée déjà dans les Mémoires d’un fou, sa rencontre avec Élisa Schlésinger inspire aussi l’Éducation sentimentale, qui relate
l’amour avorté du jeune Frédéric Moreau pour une femme mariée, plus âgée que lui, Marie Arnoux.
L’absence de dramatisation et d’illusion romanesque, au sein d’une narration construite comme un enchaînement de tableaux, explique le fait que l’Éducation sentimentale fut prise comme modèle par toute la génération naturaliste.
À la fois fresque
historique et peinture de la Révolution de 1848, ce roman est surtout le récit de l’échec, incarné par Frédéric Moreau.
Le jeune homme, nourri de rêves amoureux et d’ambitions sociales, se montre en fait incapable de vivre pleinement son amour pour
Mme Arnoux et incapable d’agir face aux événements politiques auxquels il est confronté.
Au-delà de l’anecdote autobiographique, il est le symbole du naufrage de toute une génération.
La genèse de Bouvard et Pécuchet remplit presque toute la période qui va de 1874 à la mort de Flaubert, en 1880.
Certes, pendant ces années, Flaubert a également retravaillé la Tentation de saint Antoine et composé ses Trois Contes, mais Bouvard
et Pécuchet reste l’illustration et l’aboutissement du parcours intellectuel de Flaubert.
Ce roman inachevé constitue la manifestation de la crise du romanesque.
En effet, seul le premier chapitre a une vraie forme narrative — il relate la rencontre de ces deux copistes autodidactes —, le reste du livre consiste en une gigantesque
nomenclature des sciences auxquelles s’adonnent successivement les deux héros sans pour autant les maîtriser : la narration y laisse la place au catalogue.
Flaubert réalise là une mise en scène de la difficulté — de l’impossibilité — d’une entreprise
démiurgique (ou littéraire) qui voudrait embrasser la réalité tout entière.
L’échec de Bouvard et de Pécuchet symbolise ainsi, de façon caricaturale, le drame de Flaubert et de nombre d’écrivains.
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