FIN DE PARTIE – Une vision de l’humanité
Publié le 27/02/2008
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FIN DE PARTIE – Une vision de l’humanité
Le théâtre de Beckett, écrit après la seconde guerre mondiale exprime le traumatisme lié à la guerre, à la déportation d’êtres aimés et questionne une vision positive du monde, un espoir en l’humain.
1) L’humanité est mutilée et souffrante, condamnée à disparaitre
Trois des personnages de Fin de partie sont incapables de se mouvoir et disposer de leurs corps en toute liberté. Hamm est dépendant de Clov pour déplacer son fauteuil et Nagg et Nell sont enfermés dans leurs poubelles. Ils ne peuvent même plus en tant que mari et femme avoir de contacts physiques et s’embrasser. Clov est le seul à disposer de ses membres mais il ne peut plus s’asseoir. Les sens de ces êtres sont atrophiés : Hamm est aveugle, Nagg souffre de surdité, Clov semble condamné à la cécité et à l’immobilité à moyen terme. Ces quatre personnages sont les derniers représentants de l’humanité. Rien ne leur parvient de l’extérieur : « il n’y a pas d’autre place », il n’y a « personne d’autre ». Le monde autour d’eux semble bien mort : la Mère Pegg est morte n’a pas été enterrée mais est restée dans sa poubelle. Nell aussi va connaître la même fin.
2) L’humanité se meurt, sans espoir et sans Dieu
Les relations humaines devraient pouvoir sauver l’homme mais sans société comment s’élever ? Les valeurs humaines sont mises à mal. Hamm demande pardon à Clov pour la souffrance quotidienne qu’il lui inflige mais c’est une simple posture sans sincérité. Clov au moment de quitter Hamm lui chante une petite bergerette où l’amour est « emmerdé ». Pas de pitié, chacun crève et souffre dans son coin, dans une poubelle, en tout cas bien empêtré dans son triste sort. Seul Nagg pleure la mort de Nell. A la fin du « roman » de Hamm, le personnage déclare « Prions Dieu »: la prière est une forme de divertissement au même titre que toutes les autres activités. Clov et Nagg prononcent le Notre Père précipitamment et Hamm abandonne vite la prière, avant de jurer « Bernique », « Macache », « Le salaud! Il n’existe pas! ». Ce passage posa d’ailleurs problème à l’auteur avec les responsables de la censure britannique en 1957, ce qui contraignit à ce que la première de la pièce soit une représentation privée avec invitations. Dieu est une figure à inventer « Pas encore » répond Clov alors que Hamm constate l’inexistence de Dieu. Le messie est à venir et sa venue est suffisamment tardive pour ne pas pouvoir prévenir les catastrophes. Dans la cosmologie personnelle de Beckett, on peut dire que la création du monde est un échec, l’humanité un échec dont il faut s’accommoder tant bien que mal…
3) Fin de partie ou le non-sens ?
La pièce ne se situe ni dans un espace, ni dans une époque précise. Pourtant cette pièce peut être lue comme une parabole post-atomique avec ses rescapés dégénérés, leur « refuge » improbable. Avec Auschwitz, le génocide et la folie meurtrière qu’ont connu les hommes dans la première partie du XXe siècle, avec la bombe atomique, quels peuvent être les rôles de la belle culture et de la philosophie ? La culture est décomposée « Mon royaume pour un boueux » dira Beckett. Avec Fin de partie, l’homme n’est plus au centre du système, il est victime du non-sens: les personnages sont infirmes, au milieu d’un monde bric-à-brac. Clov qui souhaiterait mettre de l’ordre dans cet univers se voit confronté à un « laisse tomber » qui s’autorise à entasser, juxtaposer plutôt qu’ordonner, donner du sens et chercher à signifier: » Nous ne sommes pas en train de signifier quelque chose ? » demandera Hamm à Clov qui lui répondra, désabusé « Nous, signifier ! Ah ! Qu’elle est bonne ! ».
Conclusion
Fin de partie s’impose comme une oeuvre qui met en scène le non-sens de l’existence, non sens résolu par la présence des spectateurs, cette « intelligence revenue sur terre » qui pourrait tenter de comprendre ce qui est montré là, ce que tout cela signifie, ce « quelque chose qui suit son cours »…Le théâtre deviendrait alors une façon de nier la négativité, l’absurdité de l’existence, de la lire en la vivant directement par le déroulement du spectacle sur scène… mais surtout pas en la pensant!
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