Fin De Partie: Les Rapports Hamm Et Clov + Les Objets Dans L'oeuvre.
Publié le 05/12/2010
Extrait du document
I "Quels rapports entretiennent Hamm et Clov?"
II "Place et rôle des objets"
Ecrit après la seconde guerre mondiale, Fin de partie s'inscrit dans le mouvement littéraire anti-conventionnel de l'absurde. Dans sa pièce de théâtre Beckett nous présente une humanité diminuée derrière deux personnages aux relations aussi ambigües que l'homme. D'où une question qui s'impose d'elle même: « Quels rapports entretiennent Hamm et Clov? « Pour y répondre nous allons analyser leur relation fonctionnant à priori sur un mode Maître/Domestique, et dans un deuxième temps l'interdépendance qui les uni.
Dés le début de la pièce le spectateur peut voir au milieu de la scène, bien au centre, une forme cachée derrière un drap blanc, que Clov enlèvera en bon domestique pour découvrir Hamm, assis tel un roi déchu sur une chaise roulante bien au centre de la pièce. La relation maître esclave se voit dans la position scénique (Clov debout qui coure dans tous les sens) mais aussi dans les paroles: c'est hamm qui donne les ordres, utilisant des impératifs: « Prépare moi «; « Va chercher de drap. «; « assez! «, et pour incarner son rôle de maître un sifflet est pendu autour de son cou, qu'il utilisera à la fin pour appeler un Clov qui ne viendra jamais...
La relation des deux personnages est plus compliquée que celle, classique, du maître et du domestique, car ici le domestique semble être un fils adopté, car Hamm raconte qu'un homme affamé a frappé à sa porte accompagné de son fils moribond, et qu'il lui aurait demandé de garder et soigner son fils. Or cette histoire père fils mêlée à une relation d'esclave rappelle une autre histoire, qui part du nom même de Hamm, qui ressemble à s'y méprendre au nom de « Cham «, Fils d'un Noé furieux qui l'aurait maudit, lui prédisant que sa progéniture sera esclave. Or Clov, dans sa manière de répondre à tous les ordres de Hamm s'apparente de près à un esclave, son nom même le prouve: Clov, très proche visuellement du mot « clou «, s'accorde parfaitement dans cette relation avec Hamm, diminutif anglais de « Hammer «, un marteau assénant au clou des ordres parfois vindicatifs... qui ne seront d'ailleurs pas toujours exécutés.
Pour complexifier d'avantage cette relation Clov est loin d'être un servile domestique comme on le voit souvent dans les pièces plus classiques, il résiste à son maître, comme lorsque Hamm lui ordonne à plusieurs reprises de le préparer et que Clov ne bouge pas. De même, comme vu plus haut Clov ne répondra pas au coup de sifflet donné par Hamm à la fin. Serait-ce son statut de fils qui le lui permet? L'ambigüité de ce statut laisse supposer que ce n'est pas le cas... Mais alors, quel autre élément entre en compte dans leur relation?
Leur relation est pour le moins originale car tout en étant domestique il n'est pas inférieur à Hamm, car il peut marcher! Hamm est donc totalement dépendant de Clov, ce qui se voit parfaitement quand il lui demande de bouger son fauteuil, chose qu'il est incapable de faire. De plus Clov peut s'écarter de lui sans qu'il s'en aperçoive, puisqu'il est aveugle. Hamm est donc totalement dépendant de Clov, sans qui il serait même incapable de se nourrir, c'est Clov qui le maintient en vie, mais alors pourquoi ne part il pas?
La raison est simple, Clov est lui aussi dépendant de Hamm, nous avons à faire ici à une relation d'interdépendance car quand Hamm demande à Clov « Pourquoi ne me tues tu pas? «, Clov répond qu'il ne connait pas la combinaison du buffet. Sans Hamm, Clov aussi semble condamné, pourtant il semble n'attendre que ça: « Si je pouvais le tuer, je mourrais content. «
Pour conclure la relation Hamm-Clov n'est pas dénuée d'ambigüités, Hamm traite Clov, pourtant son fils adoptif, comme un domestique, comme le prouvent son sifflet, l'interprétation des sifflets et sa position scénique, parce que ou alors qu'il est handicapé! Il est donc totalement dépendant de Clov, il ne devrait pas le traiter trop violemment par conséquent, mais il s'avère que Clov lui même est dépendant de son maître. Ce cycle infernal résume leur relation.
Fin de Partie de Beckett s'inscrit dans le courant de l'absurde, et dans sa pièce Beckett fait preuve, pour bousculer les conventions, de procédés originaux: La mise en abîme par exemple, très présente dans sa pièce. Cette pièce, écrite en 1957, tente à décrire l'homme après les horreurs de la seconde guerre mondiale, mais tout en laissant une pointe humoristique, bousculant encore une fois les règles de la bienséance. Dans cette étude, « Place et rôle des objets dans Fin de partie de Beckett «, Nous nous intéresseront à tous ces aspects de la pièce, en commençant par ceux qui nous permettent de sortir de la pièce, et ceux qui nous y invitent, puis ceux qui décrivent la déchéance de l'homme et enfin ceux, rares, qui permettent à l'humour de s'exprimer.
Dans une pointe d'originalité Beckett a fait placer sur pièce, avant même que le rideau ne s'ouvre, des objets cachés sous des draps. La pièce n'a pas encore commencé. Ces draps permettent à Clov d'ouvrir petit à petit le monde du théâtre au public, qui découvre avec étonnement Hamm, avec sur le visage un mouchoir rouge, comme la couleur du rideau. La pièce n'a toujours pas commencé, ce sont les objets qui présentent la pièce, mais le mouchoir est aussi celui qui marque sa chute: A la fin Hamm déplie son mouchoir pour le reposer sur son visage, rendant le rideau rouge inutile.
Cependant lorsque Clov découvre Hamm l'objet qui frappe tout de suite le spectateur c'est la chaise à roulette sur laquelle il est assis, preuve de son infirmité, au même titre que le sifflet qui pend à son cou, seul moyen de réclamer qu'on le déplace, en étant lui même incapable. De plus il sera la preuve son impuissance car il ne lui servira qu'à siffler infructueusement une fois, à la fin, en un ultime et inefficace sursaut d'autorité. Ensuite lorsqu'il découvre son visage, marquant le début de la pièce, il laisse visible ses lunettes noires, signe de sa cécité, preuve encore de sa dépendance aux être qui l'entourent, à savoir Clov, le seul encore en état de marcher. D'autres objets encore dégradent l'état de l'homme, de l'humanité, qui ne semble plus n'être qu'une immense poubelle pour Beckett puisque les parents de Hamm vivent dans des poubelles. Enfin, à défaut d'un vrai chien, Hamm doit se contenter d'une peluche, et à laquelle il manque une patte en plus, misérable succédané aussi diminué que son maître. Il aura pourtant une dernière fonction plus réjouissante...
Mélangé à la noirceur de la pièce l'humour s'insinue pour bafouer les règles de bienséance, rangeant la pièce dans aucun registre pré-conçu, et le dit chien en peluche y contribue... Presque malgré lui, car lorsque Hamm dira à Clov « Il est blanc «, alors qu'il est noir, et Clov répondra avec humour « presque «, la litote déplacée créant l'humour. L'escabeau aussi permettra à Clov, d'une part de marquer la décrépitude du monde parce qu'il l'oubliera toujours, mais par cette même action créera un comique de geste et de répétition, Clov l'oubliant à plusieurs reprises lorsqu'il ouvrait les rideaux au début de la pièce. Enfin un dernier objet permit lui aussi d'amuser le public, c'est la longue vue, qu'utilisera Clov pour regarder le public, permettant en même temps de créer un lien avec le public, car lorsque Hamm lui demandera « Qu'est-ce que tu vois «? Il répondra « Je vois une foule en délire «, Chose totalement ironique au vu de la noirceur de la pièce.
Finalement les objets par eux mêmes permettent à l'auteur d'illustrer ses intentions, de décrire par exemple l'humanité la plus noire, tout en rompant avec les règles de bienséance en y ajoutant de l'humour. Enfin, ce sont les objets qui permettent d'ouvrir et de refermer le monde noir que décrit Beckett dans sa pièce.
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