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fin de partie incipit

Publié le 26/02/2011

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            3/ UNE OUVERTURE QUI JOUE donc  PARFAITEMENT  DE L’ATTENTE ET DE L'INDICE  :          Assez classiquement, des questions affluent et font attendre une suite même si on nous dit vite que tout est proche de la fin et d’ailleurs le titre va dans ce sens.         a)ce début multiplie les questions sur l’espace et le temps, préoccupations légitime devant une pareille didascalie:     •   Où sommes-nous? Qu’est-ce donc que cet espace resserré chez Blin (voir INA), désert, dénudé ou presque? Y vit-on? Comment y vit-on? Pourquoi cette claustration ? Où sommes-nous exactement?          À quoi bon des fenêtres trop hautes pour lesquelles il faut un escabeau?? Sur quoi donnent-elles? (on apprendra que l’une (gauche) donne sur mer et l’autre donne sur la terre mais pour bien voir on constatera qu’il faut des  lunettes). Pourquoi fermer des fenêtres pour un aveugle et des gens repliés dans des poubelles?          Sort-on de cette pièce, de la cuisine pour aller dehors?           Cette pauvreté est-elle voulue (par choix) ou  subie (par pénurie) :  on comprendra au fur et à mesure qu’il s’agit d’un choix.     •    Quand sommes-nous? À quelle époque ? Nous aurons bien du mal à nous situer. Et on ne saura jamais ni l’heure ni le jour, ni l’année. Dans les brouillons, Beckett songeait à l'après première guerre mondiale. • un point sert d'indice déjà : la didascalie installe une circularité ( de Clov à Clov). Le cercle ( spatial et temporel) sera omniprésent dans la pièce.                 b) quels sont les rapports entre ces deux personnages?  Quel est le lien entre l’homme sur fauteuil, immobile depuis le début, et Clov le vibrionnant alors qu'il traîne la jambe? Pourquoi Hamm occupe-t-il le centre et pourquoi est-il nommé en premier mais après les poubelles ?  S’agit-il de lien de parenté, de service? Clov semble un homme à tout faire [et, d’après sa première réplique, il répond au coup de sifflet.] Pourquoi ce regard de Clov souligné par la répétition : dépendance, ou pire,  soumission, [punition qui devrait finir 14]?    • plus discrète une question s'impose pourtant : pourquoi autant d'éléments qui vont par deux? Deux fenêtres, deux poubelles, deux êtres (l'un mobile, l'autre inerte encore)?      c) la pièce en son ouverture quasi-silencieuse désarçonne mais donne quelques indices au lecteur-spectateur: indices souvent esthétiques pour intriguer et faire désirer la suite.     •l’hyperactivité de Clov semble cocasse : il lui faut beaucoup de temps pour trouver l’action à faire et il sépare absolument le tirer de rideau du regarder par la fenêtre...Il y a comme une déconnexion en lui et sa pensée semble connaître des décalages : l’escabeau n’est pas utilisé d’une façon fonctionnelle. Dans cette pantomime il y a du comique  qui semble sortir  du cirque ou des films muets (slapsticks) et naturellement on ne manque pas non plus d’entendre clown dans Clov* (mais son patronyme se prête à d'autres interprétations). Le TLF donne ceci =A/Paysan, bouffon du théâtre anglais. Le bouffon anglais n'a rien du valet de comédie (...) Le seul personnage avec lequel on puisse le confondre est son compatriote, le clown qui lui survit encore aujourd'hui (THIBAUDET, Réflexions sur la littér., 1936, p. 90). B. Usuel. Artiste de cirque au costume et au maquillage extravagants qui emploie ses talents à faire rire les spectateurs au moyen de pitreries diverses, fondées principalement sur la parodie et la dérision. Synon. auguste, paillasse, pitre. L'escabeau reviendra souvent et souvent de façon comique (avec la lunette 42)    Notre interrogation : pourquoi le rire accompagne-t-il chaque découverte? Quelle sera  la place du rire dans la pièce qui nous attend? En même temps malgré le rire qui se répète on nous indique d'emblée que le clownesque ne saurait totalement  définir ce personnage déjà pitoyable ( fatigue, lenteur). •autre indice :  on comprend vite que les déplacements dans cet espace restreint vont compter : le lieu  unique, étouffant, presque carcéral sera décisif et déjà les déplacements installent facilement des réseaux, des directions, des places. Avec des corps souffrants (voir le corps chez Beckettici, visuellement, une diagonale des corps prend forme : elle part de gauche (poubelles pour culs de jatte; Ham qui ne peut marcher; Clov qui marche difficilement : ordre des âges...Les plus invalides sont les plus loin de la porte...).Sans en deviner l’importance réelle le va-et-vient entre la cuisine et la salle vide s’impose à nous et nous quittera pas : peu à peu, en termes spatiaux la “quête” de Clov pourra se résumer ainsi : va-t-il oui ou non quitter ce qui va bientôt s’appeler refuge? • enfin une question affleure  qu’on ne pose pas toujours au commencement d’une pièce:  quelle place est réservée au spectateur et du public? -l’espace scénique est barré frontalement (fortement dans la version Blin que diffuse l'INA) ; \"le quatrième mur\" donc, celui du spectateur est le seul libre, le seul ouvert. Au moment où le spectateur jeté devant un espace étrange cherche à comprendre ,Clov se tourne vers nous pour prendre la parole la première fois. Nous verrons que le public est parfois sollicité (ce que SB éliminera de sa mise en scène allemande). -d’autre part il y aura aussi beaucoup d’allusions au théâtre  dans la pièce mais c'est déjà net dans la didascalie: nous avons dit que comme un écho au lever de rideau, les rideaux des fenêtres sont tirés, des draps sur choses et personnes sont levés. Ce qui a commencé fait aussi appel à des éléments théâtraux. Plus largement : que vient faire le tableau  retourné qui sera posé par terre  et remplacé par un réveil 92/3. Que montrait-il et de quoi nous prive-t-on par le choix des personnages? Le théâtre  montrera -t-il ce que que le tableau est forcé de cacher? Sera-t-il question d’art? De réflexion sur l’art?, sur la REPRÉSENTATION?Il n'est pas interdit de le penser. cl: voilà une ouverture fondée sur une didascalie apparemment pauvre, répétitive,  grinçante déjà qui nous situe dans un lieu incertain face à des  personnages qui ont des problèmes de locomotion on nous avertit de l’importance à venir de la pratique même de la didascalie mais, en nous étonnant, on nous donne envie de poursuivre les informations et indices....Une tension s'est installée : nous allons vivre une 1h 30 au rythme de crises et d'accalmies. NOTES (1) Il faut toujours se méfier du mot classique, surtout quand on l'applique à Beckett: disons pour aller vite que l'auteur irlandais met en cause le théâtre mais pas de manière frontale. Il a l'art de la miner, de le décomposer, de le ruiner dans justement ce qu'il peut avoir de classique en apparence.

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