Figures de Libertins en littérature
Publié le 16/12/2013
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FIGURES DE LIBERTINS EN LITTERATURE Le terme libertin est emprunté au XVe siècle au latin libertinus, « esclave qui vient d'être libéré », « affranchi ». Il comporte deux acceptions principales : dans sa version d'origine, le libertin est celui qui remet en cause les dogmes établis, c'est un libre penseur (ou libertin d'esprit) dans la mesure où il est affranchi, en particulier, de la métaphysique et de l'éthique religieuse (exemple : Dom Juan de Molière) le sens qui prévaut de nos jours se réfère au libertin de moeurs, c'est-à-dire celui qui s'adonne aux plaisirs charnels avec une liberté qui dépasse les limites de la morale conventionnelle. Aux XVIe et XVIIe siècles, un libertin désigne une personne qui s'émancipe d'abord des croyances religieuses, puis des règles sociales et morales, selon un courant philosophique contestataire, inspiré de la philosophie d'Épicure et suivi, entre autres, par Gassendi (mathématicien et philosophe français), Théophile de Viau (poète dramaturge français) et Cyrano de Bergerac (écrivain français). Dans le domaine littéraire, Dom Juan, le héros de Molière, athée et séducteur illustre parfaitement le double aspect du libertinage. Cette écriture met en scène une liberté de penser et d'agir qui se caractérise le plus souvent par une perversion morale ainsi qu'une quête égoïste du plaisir. La vie en société est présente comme un jeu de dupe dont les libertins maîtrisent à la perfection les codes et les enjeux. Cette littérature, proscrite, persécutée par les tribunaux, respire la plus authentique liberté. Les auteurs ne cherchent pas à faire belle figure honorable, mais à dire vrai le désir humain et ses incroyables fantasmes. Cette littérature est la plus libre qui soit et fuse dans toutes les directions de la psyché humaine. Au XVIIIe siècle, le sens se spécialise dans le domaine des moeurs pour qualifier un débauché. De nombreux auteurs (Diderot, Crébillon, Vivant Denon) témoignent de cette réalité dans leurs récits dits libertins. Les auteurs libertins les plus célèbres sont issus du XVIIe et XVIIIe siècle : Molière : Dom Juan (1665) Crébillon fils : le Sopha (1742) Diderot : les Bijoux indiscrets (1748) Choderlos de Laclos : Les Liaisons Dangereuses (1782) Le marquis de Sade : la Nouvelle Justine (1797) Libertinage intellectuel du XVIIe siècle Le libertinage est un courant de pensée. Affirment l'autonomie morale de l'homme face à l'autorité religieuse (aspect surtout spéculatif de la liberté d'esprit), il débouche au XVIIIe siècle sur la forme moderne de l'esprit critique : appliqué à la réalité. Critique envers le dogmatisme, le libertinage refuse la notion de système philosophique ; il se constitue davantage sur une pluralité d'essais philosophiques portant sur divers thèmes, convergeant dans une même critique de la religion ou du dogme. Toutefois, considérant que l'obéissance du peuple repose sur les mensonges des prêtres, ils se montrent extrêmement prudents et secrets : il ne s'agit pas en effet de révéler à tous les impostures du clergé. Si l'on ne retient aujourd'hui volontiers que l'aspect sensuel et vaguement immoral du libertinage, ce rejet d'une morale dogmatique se fonde sur la négation de l'existence de Dieu, qui légitime l'envie de jouir de sa vie terrestre. Parallèlement à ce mouvement se développe une école du doute : un courant de pensée né en Italie remet en question la science en s'appuyant sur Aristote et figée par les dogmes religieux. Une réflexion naît sur les rapports entre la foi et la raison. Vers 1615, un groupe de poètes athées (Boisrobert, Tristan L'Hermite, Saint-Amant et Théophile de Viau) forme une société secrète. Ils se considèrent comme des « antéchrists » et diffusent des oeuvres anonymes défendant leurs thèses. On les considère à l'époque comme des sorciers, et des sorcières. En 1647, Pierre Gassendi réhabilite la philosophie d'Épicure. Ouvrant la voie au libertinage de moeurs, ces idées se font plus discrètes après la condamnation de certains libertins à la mort, à l'emprisonnement ou à l'exil. Le roman libertin du XVIIIe siècle Difficile de parler d'écriture libertine sans évoquer les auteurs de romans libertins comme Crébillon, Sade ou Laclos, autant d'auteurs appartenant au siècle dit « des Lumières ». C'est donc bien au XVIIIe siècle, que l'écriture libertine à proprement parler prend une toute autre dimension. Elle met en scène, à travers le roman, une liberté de penser et d'agir qui se caractérise le plus souvent par une dépravation morale, une quête égoïste du plaisir. Des oeuvres majeures comme les Liaisons dangereuses de Laclos ou encore Les Égarements du coeur et de l'esprit de Crébillon fils, ont introduits de nouveaux codes, une nouvelles façon de penser, d'écrire et de décrire le libertinage. La vie en société est présentée comme un jeu de dupe dont les libertins maîtrisent à la perfection des codes et enjeux. La séduction y est un art complexe que l'on entreprend par défi, désir ou amour-propre. La femme est identifiée comme une proie à entreprendre, qui finit plus ou moins rapidement par céder devant son chasseur. On retrouve bien souvent, prodiguée par un libertin, une initiation au sexuel, au cynisme, au comportement à adopter en société, destinée à celui ou celle qui devra lui succéder dans ses préceptes. L'expression choisie est fine, raffinée, souvent allusive, tranchant avec une littérature dite licencieuse. Les Liaisons dangereuses - Laclos (1782) Les Liaisons dangereuses, est un roman épistolaire écrit par Pierre Choderlos de Laclos et publié en 1782. Cette oeuvre littéraire majeure du XVIIIe siècle, qui narre le duel pervers de deux nobles bien-nés manipulateurs, roués et libertins du siècle des Lumières, est considérée comme un chef-d'oeuvre de la littérature française, bien qu'il fût tombé dans un quasi-oubli durant la majeure partie du XIXe siècle, avant d'être redécouvert au début du XXe siècle. Roman inscrit dans la tradition du libertinage de moeurs illustrée par Crébillon fils, roman d'analyse psychologique dans la lignée de la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, il porte à un degré de perfection la forme épistolaire : aucun élément n'est gratuit, chaque épistolier a son style et la polyphonie des correspondances croisées construit un drame en quatre étapes au dénouement moralement ambigu, qui continue à fasciner le lecteur. Les personnages sont divisés en deux groupes : les libertins et leurs victimes, même si certains personnages peuvent être classés ailleurs que dans la catégorie des victimes (Le chevalier Danceny qui deviendra dans une certaine mesure un libertin par la suite, et Madame de Rosemonde qui fait plus office de spectatrice). L'absence de narrateur principal fait que le lecteur se construit peu à peu son opinion sur chaque personnage, puisqu'il a à sa disposition l'ensemble des lettres. Il peut mesurer la naïveté des victimes, la duplicité et le cynisme des libertins, et savourer l'ironie des situations. Les meneurs de jeu sont ces libertins qui n'ont pour but que de séduire et arriver à leur fin avec les femmes qu'ils rencontrent. En un mot : collectionner les conquêtes. Mais les libertins apprécient aussi la compagnie de jeunes filles. Libertinage agissant du XXe siècle Se posant sur une référence plus ou moins explicite aux intellectuels et écrivains du libertinage philosophique, en particulier sur les auteurs les plus érotiques (Sade, Laclos), les pratiques libertines contemporaines (clubs libertins, échangismes) s'appuient sur le matérialisme rationaliste pour contester et remettre en question, de fait, les principes jugés puritains des sociétés occidentales. Cet aspect des choses est souvent négligé, à tort, par les penseurs de la société contemporaine et diverses études en science sociales tentent à montrer aujourd'hui le lien entre les pensées philosophiques libertines (XVIIe - XIXe siècles) et les pratiques sexuelles et érotiques actuelles. Figures de Libertins en Littérature Théophile de Viau 1590 - 1626 Pierre Gassendi 1592 - 1655 Poète et dramaturge Mathématicien, philosophe, théologien et astronome Donatien Alphonse François de Sade 1740 - 1814 Ecrivain, philosophe et homme politique Claude-Prosper Jolyot de Crébillon ou Crébillon fils Pierre Choderlos de Laclos 1741 - 1803 Écrivain et officier militaire 1707 - 1777 Écrivain
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