?Fiche de lecture : Voyage au bout de la nuit , Céline
Publié le 11/09/2006
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I: Biographie : Louis Ferdinand Céline
C'est en banlieue parisienne que Louis Ferdinand Destouches voit le jour en 1894 mais il passa son enfance en plein coeur de Paris où sa mère possédait un commerce de dentelles. Son père , Fernand Destouches, travaillait au service de la correspondance d'une compagnie d'assurance dans laquelle il fera une carrière médiocre .Le couple, enlisé dans d'incessants problèmes financiers ne s'entend guère, et l'enfant étouffe dans cette vie familiale étriquée. Il trouve soutien et réconfort qu'auprès d'un oncle et de sa grand-mère maternelle (dont le prénom Céline deviendra son pseudonyme en 1932).Après de brèves et ternes études qui le conduisent jusqu'au certificat d'études , il quitte l'école, effectue des séjours en Allemagne et en Angleterre avant d'être placé comme apprenti dans divers commerces. Il finit par s'engager dans la cavalerie et devient maréchal des logis. Quand la guerre éclate , en aout 1914,il a vingt ans. Son expérience de la guerre (qui fera de lui un pacificateur acharné) ne dure que 3 mois , blessé dès novembre , il sera démobilisé l'année suivante. Il connait une fugitive expérience conjugale en Angleterre , s'embarque pour l'Afrique de l'ouest où il remplit les fonctions de surveillant de plantation pour une compagnie forestière (1916-1917) , à la fin de la guerre Destouches rentre en France. Il passe son bac en 1919 et s'engage dans des études de médecine. Il épouse en seconde noce (remariage) la fille d'un prof de médecine .Son cursus l'amène à soutenir une thèse en 1924 qui représente à bien des égards une première tentative littéraire : la biographie d'un médecin hongrois du 19ème. On lui propose un poste à la section d'hygiène de la SDN à Genève où il demeure de 1924 à 1927 , poste qui lui donne l'occasion de nombreux voyages à New-York (il visitera aussi les usines Ford à Detroit). A la fin de son contrat il s'installe à Clichy où il ouvre un cabinet privé , il y renoncera en 1929 pour travailler au dispensaire municipal .Ayant divorcé en 1926 , il vit alors avec Elizabeth Craig , une danseuse américaine (la dédicataire de Voyage au bout de la nuit). La publication de Voyage fit l'effet d'une bombe et apporte une célébrité immédiate à Céline. Ces années ne sont pourtant pas faciles pour lui : il perd son père et Elizabeth rompt avec lui avant de regagner définitivement les Etats-Unis. Céline continue de voyager et d'exercer son métier tout en s'attelant à son nouveau roman : Mort à crédit (transposition de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence ) paru en 1936 , il reçut un accueil assez froid. Dès lors , son activité littéraire s'élargit : tout en se lançant ans la rédaction d'un nouveau récit , Céline compose des arguments de ballets , des essais théâtraux , des synopsis de films et surtout des pamphlets connus pour leur violence et antisémitisme (En 1938, dans L'Ecole des cadavres , Céline affirme sans ambigüité son admiration pour Hitler .) Entrainé dans l'exode , Céline va durant l'Occupation apporter un soutien public et constant à la collaboration. En 1943 , il se marie pour la troisième fois avec une danseuse qui l'accompagnera jusqu'à ses derniers jours. Il rédige pendant la guerre Guignol's band dont la première partie est publiée en 1944 et la seconde partie de manière posthume en 1964 sous le titre Pont de Londres. Ses activités collaborationnistes valurent à Céline de graves démêlés après la guerre. Au lendemain du débarquement , il suit Pétain en Allemagne , son but étant de gagner le Danemark où il a mis de l'argent en sureté.Il est cependant incarcéré 2 ans puis libéré en juin 1947 , il reste cpt en exil au Danemark jusqu'en 1951.Installé à Meudon , il ouvre un nouveau cabinet médical et revient à l'écriture. Le public lui reste hostile et malgré les visites d'amis fidèles , il reste très isolé. Ce n'est qu'à la fin de sa vie que Céline connut un retour en grâce , avec D'un château à l'autre (1957) . Son succès est à certains égards un succès de scandale car Céline continue de gêner. Le premier juillet 1961 à 67 ans , Céline meurt brutalement d'une congestion cérébrale. II: Céline dans le paysage littéraire de l'entre-deux guerre
Voyage au bout de la nuit fait partie de ses oeuvres qui surgissent dans l'histoire de la litterature en rupture radicale avec la production de leur temps. 1: la vogue des récits de guerre Malgré la divergence de leurs positions politiques , l'écrivain Henri Barbusse (1837-1935) est une référence constante pour Céline. Il publie en 1916 son ouvrage le plus connu Le Feu qui relate l'expérience collective des tranchées en faisant le procès de la société . Son succès est considérable , il obtient le prix Goncourt (récompense que convoitera Céline en 1932 sans succès) .Dans le sillage de Feu de très nombreux récits sur la vie et la mort des combattants surgissent après l'armistice comme la Vie des Martyrs de Georges Duhamel ou Les croix de de Roland Dorgelès .Dans le Feu , Céline a sans doute admiré l'évocation d'une expérience vécue mais transposée , le ton de la protestation, et surtout la place faite au langage parlé des soldat. Mais chez Barbusse , cette oralité est limitée aux seuls dialogues des "poilus" : la langue parlée reste juxtaposée au langage écrit et littéraire du narrateur , ce qui relègue le parlé au rang du simple pittoresque. Dans Voyage , l'oralité se généralise jusqu'à caractériser la langue du narrateur lui-même .
2:Le nouveau souffle de la littérature prolétarienne Barbusse est aussi l'un des principaux acteurs d'un courant de pensée qui a certainement interessé Celine: le courant proletarien .Dans les années 1900-1930 , la production romanesque française reste encore marquée par le naturalisme de Zola et des frères Goncourt.Ce mouvement s'efforce de reproduire dans les livres le réel, même dans ses aspects les plus sordides , et s'inspire des principes de la science moderne pour analyser les effets du milieu social sur les comportements individuels .Expérience scientifique aussi bien qu'instrument de dénonciation , le roman naturaliste s'interesse particulièrement aux conditions de vie des classes défavorisées. Après la guerre de 1914 , la revolution bolchevique et la diffusion des thèses relayées par l'Internationale communiste , cet héritage est infléchi .Pour dire la justesse de la boucherie guerrière comme celle du monde du travail,il faut laisser la parole aux veritables acteurs et témoins de ces drames , c'est-a-dire donner une chance à des gens que rien ne predestinait à devenir écrivain .Il ne s'agit plus seulement d'ecrire sur le peuple mais de donner la parole et la plume au peuple.Ainsi nait le concept de litterature prolétarienne , qui rassemble des textes à caractère autobiographique écrits par des ouvriers ou paysans inconnus.Dans Voyage , la parole est accordée à un laissé-pour-compte , à un homme que la société a exclu .L'incipit du roman peut d'ailleurs se lire comme l'irruption d'une parole , celle du pauvre , qui n'a "jamais rien dit" : "ça a debuté comme ça .Moi j'avais jamais rien dit.Rien". Durand les années où est redigé Voyage , on s'interroge donc beaucoup sur la legitimité du discours : provient-elle de l'origine sociale des auteurs ou bien de leur seule compétence littéraire? Au sein de ce débat se dégage une école romanesque qui a sans doute influencé les principes d'élaboration de Voyage : le populisme.
3:Céline et le mouvement populiste La litterature populiste hérite à la fois du naturalisme (dont elle gomme les postulats scientifiques et la dimension provocatrice) et de l'humanisme romantique d'un Victor Hugo ou d'une George Sand.Elle se donne pour thème central la vie et les moeurs des gens du peuple.Cependant , ces auteurs , tout en se réclamant du peuple comme le fera Céline, rejettent toute politisation de l'activité litteraire.André Thérive et Léon Lemonnier fondent le mouvement populiste en 1929 ; c'est contre la litterature bourgeoise que se constitue le populisme.Le monde des aristocrates et des grands bourgeois n'intéresserait plus , Proust serait devenu illisible: il s'agit à présent de redescendre vers le peuple , les humbles et les petites gens.Cette dynamique est celle de Voyage.Selon Céline , l'univers proustien manque de vie , de chair et de désir; il manque de cette "substance" , de ces "rudes appétits,bêtes et précis" dont Proust remplace l'évocation par l'analyse psychologique. Mais Céline ne conserve pas pour autant l'héritage naturaliste et se démarque en cela des populistes , comme de la litterature proletarienne dans son ensemble.Le naturalisme , selon Céline et impossible .Parce qu'il ne serait plus possible de dire la vérité , l'écriture celinniene se charge d'explorer le réel non à partir d'une observation minutieuse des faits mais à travers des symboles et des reves: elle est une écriture du "délire", selon sa propre expression.
4:le roman urbain L'entre-deux-guerres est également marquée par la une littérature du terroir , toujours située dans des villages de province,et représantant les groupes sociaux de la campagne,dont les travailleurs agricoles (ex:romans de François Mauriac situés dans la région de Bordeaux , ceux de Colette en Bourgogne , Jean Giono en province...).Le roman rustique et campagnard exaspère cet homme de la banlieue qu'est Céline , l'un des objectifs de l'auteur est de creer une image très fidèle de l'homme des villes.
5:Freud et la psychanalyse Au moment de la publication de Voyage , Celine multiplie les déclarations d'admiration pour Freud et le cite comme la seule influence intelectuelle vraiment determinante pour lui : "Notre grand maitre actuellement à tous c'est Freud" (interview de fevrier 1933) , "les travaux de Freud sont réellement très importants ,pour autant que l'Humain soit important"(lettre à une amie). Voyage recèle d' allusions explicite à la psychanalyse .D'une part lorsque Bardamu affirme que de nos jours il n'est plus possible de se livrer à la psychologie classique qu'incarne Jean de La Bruyère , parce que "l'inconscient se débine devant vous dès qu'on s'approche" . On sent constamment dans Voyage la volonté démystificatrice de faire place à des désirs ou à des représentations que censure le discours officiel, dans les scènes de vomissements ou dejections par exemple.Plus clairement encore , quand est affirmé , à la fin d'un paragraphe évoquant les tueries guerrières "ça vanait des profondeurs et c'était arrivé" , c'est bien aux "profondeurs" de l'inconscient que renvoie le narrateur. En fait , Céline semble avoir trouvé chez Freud une sorte de confirmation théorique de ce que ses deux mois de front lui ont révélés sur l'homme.En 1927 , Freud avance l'hypothèse "d'une pulsion de mort" , désir inconscient de meurtre inscrit dans la nature meme de l'homme.Bien sur , ce désir se trouve nié et réprimé par la civilisation .Mais Freud et Céline voient justement dans la guerre l'occasion d'une reactivisation de ce désir de mort.Le consentement allègre des gens à la guerre s'explique par le fait que celle-ci satisfait en eux quelque chose d'inconscient : la volonté de tuer et de se tuer.Telle est le "ça" qui vient des profondeurs , telle est l'atroce découverte que fait Bardamu durant la guerre : "je savais moi , ce qu'ils cherchaient , ce qu'ils cachaient avec leurs airs de rien les gens.C'est tuer et se tuer qu'ils voulaient..."(287-288).Juste avant d'avouer au narrateur sa tentative d'assasinat de la vieille Henrouille , Robinson qui ira jusqu'au bout de ce désir , "au bout de la nuit" ne dit pas autre chose : "moi je sais à quoi ils pensent...ils s'en rendent pas toujours compte eux-mêmes ...mais moi je sais à quoi ils pensent....Quand ils sont debout,il pensent à vous tuer..." A travers l'itinéraire de Robinson , meurtrier finissant par se laisser tuer , toute la seconde moitié de Voyage poursuit l'exploration de cette pulsion de mort et de ses réalisations concrètes en période de paix . III: Genre et registre : apprentissage et autobiographie
1-Les ambigüités du rapport au réel Il y a quelques points de convergence entre l'auteur et le personnage principal qui est aussi le narrateur : Louis Destouches a fait l'experience de la guerre de 1914 (que quelques mois) , il est envoyé dans les services d'occupation d'anciennes colonies allemandes au Cameroun , il a voyagé aux Etats-Unis où il étudia la medecine du travail , séjournant à New-York et visitant l'usine Ford .Il a aussi travaillé dans les dispensaires et exercé la médecine en banlieue parisienne à Clichy-la-Garenne devenu Garenne-Rancy dans Voyage. Céline insiste sur la part vécue de son livre "c'est de la vie , la vie telle qu'elle se présente" .Il s'agit de voir le livre comme résultant de la vie vécue , comme un témoignage. Il s'agit en fait du vécue concernant la misère humaine. Cette restriction fait sortir l'oeuvre du strict champ autobiographique et montre qu'il est avant tout le fruit d'une transposition de l'expérience. L'autiographie se présente par définition comme un genre référentiel , c'est à dire un type de texte non fictionnel, convoquant des personnages , des lieux et des phénomènes réels. Or il n'en est rien dans Voyage au bout de la nuit. C'est ici le problème du statut de la narration , un statut complexe .Céline revendique le caractère imaginaire de son histoire comme le prouve d'emblée le paratexte : "Voyager c'est bien utile,ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que deceptions et fatigues.Notre voyage à nous est entièrement imaginaire . Voilà sa force. Il va de la vie à la mort.Hommes,betes , villes est choses,tout est imaginé. C'est un roman , rien qu'une histoire fictive.Littré le dit , qui ne se trompe jamais. Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant.Il suffit de fermer les yeux. C'est de l'autre coté de la vie. " Il s'agit donc bien de se réclamer de la fiction ,idée mise en valeur par la répétition significative de la notion d'imagination .Dans une interview accordée après la publication de Voyage , Céline va dans le même sens dans une interview accordée après la sortie de Voyage : "Une autobiographie , mon livre ?C'est un récit à la troisième puissance. Céline fait délirer Bardamu qui dit ce qu'il sait de Robinson .Qu'on y voie pas de tranche de vie mais un délire. Et surtout pas de logique .Bardamu n'est pas plus vrai que Pantagruel et Robinson et Picrochole. Il ne sont pas à la mesure de la réalité. Un délire!" A travers la notion de délire , c'est bien sur celle d'imagination que le romancier met en avant. Les contradictions et mystères des déclarations de Céline ne font que refléter les paradoxes propres au genre du "roman autobiographique" , tiraillé entre le fictionnel et le référentiel et auquel se rattache bel et bien voyage.Dans l'autofiction (forme du biographique qui apparait dans les années 1980-1990) l'auteur raconte une histoire dont il est l'acteur principal mais qui ne lui est jamais arrivée, le personnage est donc tiraillé entre une personnalité authentique et un destin fictionnel. La valeur de Voyage n'est pas documentaire , les experiences relatées sont sans doute vécues mais elles sont aussi et surtout recrées , reconstruites et réinventées : à la vie s'est substitué l'art. La préscience du fantastique suffirait toutefois pour rejeter toute idée de réalisme autobiographique dans Voyage. L'épisode de la galère qui transporte le héros d'Afrique en Amérique est présenté comme une hallucination : fondé sur un renversement des perceptions rationnelles du réel , il est teinté d'un doute caractéristique du fantastique mais peut encore s'expliquer par la vision purement subjective qui nous est donnée des événements par Bardamu , victime de fièvre et délire. L'évocation du passage des morts dans le ciel de Paris est plus probante , véritable réécriture d'une descente aux enfers. Mais c'est surtout la réalité du personnage de Robinson qui trouble : ses rencontres successives avec le héros peuvent au départ passer pour des coïncidences mais en se multipliant elles deviennent de moins en moins vraisemblables .Dès lors , Robinson devient l'objet fantasmatique d'une quête effrénée , une obsession de Bardamu qui ne cessera plus de l'appeler et de le chercher. Le premier personnage n'est au fond qu'une vision du second .Voyage est le récit d'une même histoire vécue par deux héros différents : Bardamu et Robinson suivent le même itinéraire , traversent les mêmes épreuves , adoptent les mêmes postures , à ceci près que Robinson va plus loin : peu à peu plongé dans le malheur de vivre , c'est lui qui ira "au bout de la nuit" , dénouement impossible pour B puisqu'il ne peut pas raconter sa propre mort .Cette substitution tend alors à rapprocher Voyage de certaines formes narratives propres au fantastique comme les contes de double , qui connaissent pendant l'entre-deux guerres un regain d'intérêt . 2-Le voyage comme principe structurant et symbolique
-Un voyage picaresque : Meme s'il suit la chronologie , le récit célinien ne cesse de dérouler une serie chaotique d'évènements qui n'obéissent jamais à un pur enchainement de causes à effets .La narration est grevée d'ellipses, par exemple sur le temps que met le héros à aller d'un endroit à l'autre, et donne ainsi le sentiment d'un itinéraire entièrement soumis au hasard .Cette discontinuité rapproche l'oeuvre d'un sous-genre du roman : le picaresque. Peut-etre heritier des héros de certains romans satiriques de l'Antiquité comme le Satiricon de Pétrone , le personnage du picaro apparait en Espagne au 16ème siècle , à une époque où le pays est frappé d'une crise économique sévère qui jette sur les routes des hordes de gueux et de marginaux errant de province en province.Véritable anti-héros , le picaro est un jeune vagabond d'origine incertaine qui , ne parvenant pas à trouver sa place dans la société , doit rivaliser des ruses pour vivre d'expedients , de vol et de mendicité .Chassé de partout , toujours en fuite , il traverse une série d'épreuves qui le ramènent toujours à son point de départ.Les premiers romans picaresques sont donc espagnols avec le Lazarillo de Tormes , un ouvrage anonyme de 1554 , qui ouvre la lignée , bientôt suivi , entre autres, du Guzmàn d'Alfarache de Mateo Aleman (1599) .En France , le genre connait son plus grand essor au 18ème siècle avec Gil Blas de Santillane de Lesage (1715-1735) avant de mourir avec l'Ancien Régime.Il s'agit toujours , en mettant en scène un décalage social,de s'attaquer à la société telle quelle est et de dénoncer des injustices , des inégalités , des aliénations.En ce sens , le picaresque survint au XXème siècle en tant que thème avec des romanciers particulièrement sensibles au climat social de leur temps : c'est le cas de Céline; Points comuns qui permettent de rattacher Voyage à ce type de roman : Bardamu est un bien un "picaro des temps modernes" : envers du héros traditionnel , réprouvé menant une vie d'errance , lache comme il l'avoue très vite durant son passage à la guerre, il se montre aussi capable de mensonges , de compromissions hypocrites et de renoncement à tout amour-propre (épisode de l'Amiral-Bragueton ou celui de la péniche toulousaine). Le courage et l'honneur sont les valeurs des classes régnantes , par et pour , les riches : en ce sens , le pauvre ne saurait s'y conformer (d'où l'insistance de l'auteur sur la méchanceté et l'immoralité des pauvres) .Le pessismisme anthropologique qui sous-tend Voyage explique le mouvement de fite "picaresque" dans lequel est pris Bardamu , tout comme chacun des personnages du roman : "c'est des hommes et d'eux seulement qu'il faut avoir peur , toujours" (p20).Face à ces persecuteurs au moins potentiels (dont chaque acte n'est motivé par le désir de nuir ou de tuer) il est impossible de demeurer longtemps dans un meme lieu (p367) "il faut toujours un peu de temps pour que les gens arrivent à vous connaitre , et (..) pour qu'ils trouvent le truc pour vous nuire" . Idée que reprendra Bardamu en arrivant à Toulouse et en s'enthousiasmant (p405) .Idée qui s'exprime également , sous une forme plus métaphorique , à travers l'image de la corruption , du pourrisement qu'engendre l'immobilité.La menace que l'autre constitue en tant que tel pousse ainsi Bardamu à changer d'air sans cesse , comme la perpetuelle hostilité du monde organisé poussait au vagabondage les picaros du "siècle d'or" espagnol.
2-Un voyage initiatique ce voyage picaresque n'est cependant pas n'importe quel voyage , dans son préambule Céline annonce qu'il va de "la vie à la mort" , insistant en cela sur sa nature symbolique. On peut alors classer le récit parmi les voyages imaginaires et le rattacher à la littérature du XVIIIème siècle.Par sa plasticité et sa capacité à rendre compte de l'homme et du monde ,le motif du voyage imaginaire recèle une valeur litteraire très puissante : déjà présent dans la Bible avec l'histoire de Noé , il est exploité dès les origines de
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