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FICHE DE LECTURE : Max WEBER Le métier et la vocation d'homme politique

Publié le 31/07/2010

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I- Généralités Le texte étudié ici est un extrait d’une conférence donnée par Max WEBER en 1919. Il s’agit de l’édition de 1959 publiée aux éditions Plon et préfacée par Raymond Aron. Max Weber naît en 1864 en Allemagne au sein d’une famille protestante aisée. Il étudie l’histoire, l’économie et le droit. A 29 ans, il accède au poste de professeur d’histoire de droit romain et de droit commercial à la faculté de Berlin. En 1894, Max Weber est nommé à une chaire d’économie politique à l'Université de Fribourg. Trois ans plus tard, après la mort de son père, il est atteint d’une dépression qui le contraint à interrompre ses activités de professeur et de chercheur. En 1904, il touche l’héritage de son père ce qui lui permet donc de poursuivre ses études et recherches tranquillement. Il écrit alors « l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme « début d’un long travail sur les religions. Il fonde en 1909 l’Association Allemande de Sociologie. Max WEBER obtiendra une chaire de sociologie créée spécialement pour lui, à l’université de Munich en 1919. A l'invitation de l'association libre des étudiants, et dans le contexte de l’effervescence révolutionnaire de la fin de la première guerre mondiale, il y prononce deux conférences : La vocation du savant en 1917 et La vocation du politique en 1919. Il décèdera un an plus tard. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des pères fondateurs de la sociologie avec Émile Durkheim et Georg Simmel. Son œuvre touche à de nombreuses disciplines : religion, économie, histoire. Sa définition de la sociologie passe par le sens que l’individu donne à son action sociale. Le Savant et le politique  est la traduction en français de ces deux textes issus de conférences prononcées en 1919 à l'université de Munich. Weber aurait écrit pour cette conférence quelques annotations indicatives sur quelques pages. La conférence avait été sténographiée et il semblerait que Weber ait, d’après la note éditoriale, « largement remanié et augmenté la transcription de son exposé oral, dont il n’était pas satisfait. « Dans la Vocation de politique, ou précisément Politik als Beruf, Weber traite de l'action politique, de son fonctionnement, de sa légitimation, et de sa conception de l’Etat. II- Le texte

Le texte de Weber peut se diviser en plusieurs parties exprimant chacune une idée force dans laquelle il définit les notions englobant la politique de manière très précise et originale tout en replaçant ces notions dans leur contexte d’évolution historique. Il s’agit bien pour Weber ici d’étudier la politique dans le cadre d’un Etat. L’Etat de WEBER se définit par un moyen et un territoire et non plus par un but : « L’Etat est cette communauté humaine qui à l’intérieur d’un territoire déterminé […] revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence physique légitime «. L’Etat est donc le seul groupement politique à pouvoir prétendre se servir de la force légitimement ou à pouvoir déléguer ce droit à la violence à des individus sous couvert de son approbation. La politique est donc ici «  le fait de chercher à participer au pouvoir ou à influer sur sa répartition « Ceux qui font de la politique aspirent au pouvoir et cela pour deux raisons : pour le pouvoir lui-même et le prestige qu’il procure ou bien pour le pouvoir comme moyen afin d’atteindre d’autres buts, d’obtenir d’autres satisfactions. Pour WEBER, les dominés acceptent de se soumettre à cette domination car ils croient en la légitimité du dominant. Cette légitimité peut se présenter sous trois formes. La première est la domination traditionnelle qui repose sur la croyance en la sainteté de tradition valable de tous temps. La seconde est la domination charismatique. Les dominés se soumettent en raison du caractère extraordinaire, héroïque, à la valeur exemplaire d’une personne. Le chef à une capacité à mobiliser les foules autour de sa personne. Il possède une importante force de conviction. Enfin, la domination en vertu de la légalité c'est-à-dire la croyance en la légalité et la rationalité des directives adoptées et des décisions prises en la compétence objective du chef à appliquer et faire appliquer les règles. Ces trois formes de dominations sont des idéaux-type. Ces modèles sont plutôt rencontrés sous des formes mixtes en réalité. Afin de faire fonctionner le système, l’homme politique a besoin de partisans « qui constituent un appareil humain « fidèle et « animé d’une foi sincère « en sa cause, qu’il doit récompenser durablement. Ces récompenses peuvent être de nature interne (satisfaction d’avoir raison) ou externe (la victoire, le butin, le pouvoir). Afin d’assurer cette domination, L’Etat à besoin d’hommes (l’administration de l’Etat) et de moyens matériels pour exercer si besoin cette violence légitime. Bien qu’au Moyen Age les vassaux, seigneurs et autres personnels de la domination disposaient de leur propre moyen de coercition, dans le cadre de l’Etat contemporain, la séparation entre administration et moyen de l’Etat est complète. Il existe pour Weber trois façons d’exercer la politique : de manière occasionnelle (le vote, la grève..), en tant que profession secondaire tels les dirigeants d’associations qui ne vivent pas de leur activité politique, ou les parlementaires qui n’exercent la politique que sur demande. Enfin, il y a ceux qui exercent la politique comme activité principale. Là aussi il y a deux types de justification : soit ces hommes vivent pour la politique, pour servir une cause qui donne un sens à leur vie, soit ils vivent de la politique, c’est elle qui leur procure majoritairement leur revenu. Il est donc important pour WEBER, pour que l’homme politique soit indépendant moralement qu’il soit indépendant économiquement en ayant des revenu personnels suffisant ou en le rétribuant si cela n’est pas le cas afin de se pouvoir se consacrer entièrement à la politique. Une lutte contre l’engagement politique pour des raisons économiques est exercée dans les Etats modernes grâce à la formation d’un corps administratif qualifié pour faire fonctionner cet appareil de domination, des fonctionnaires « dont le sens de l’honneur lié à leur état et l’intérêt pour l’intégrité sont très développés « De plus on assiste à une montée de « l’homme politique dirigeant «, par opposition à l’homme politique conseiller, assisté par un cabinet. Le développement de la politique « en une entreprise « nécessitant des personnes qualifiées pour cette lutte de pouvoir a entraîné la division des fonctionnaires en deux branches : les fonctionnaires politiques qui peuvent être à tout moment congédiés et ont pour mission principale le maintien de l’ordre et les rapports de dominations existants et les fonctionnaires spécialisés ayant faits des «études universitaires « et très compétent sur le fonctionnement technique de l’appareil de l’Etat qui doivent exécuter les ordres des autorités supérieures même si ceux-ci leurs paraissent erronés, faire fi de leurs propres convictions. Ils font d’après WEBER de très mauvais hommes politiques car peut enclin à la démagogie nécessaire pour enrôler les foules dans une lutte. Le fonctionnaire authentique, doit administrer impartialement. Les hommes politiques sont apparus progressivement pour Weber. D’abord il y eu les clercs, choisi pour leurs capacités à savoir lire et écrire. Puis il y eu les « lettrés dotés d’une formation humaniste «,les nobles de cour, le patriciat, surtout développé en Angleterre dans lequel les nobles assuraient les charges de l’Administration sur leur propre moyens, et en Occident principalement : l’homme politique juriste détenteur d’une formation universitaire. Cette caractéristique propre à l’Occident serait, d’après Weber un héritage du droit romain dans lequel le développement de l’Etat rationnel avait été porté par des juristes. Ce sont les personnes les plus armées pour défendre une cause de manière rationnelle et éloquente afin de mettre en place cette logique de domination charismatique et de faire adhérer le plus grand nombre à la dite cause. Les hommes politiques doivent assumer personnellement la responsabilité de leurs actes puisqu’il prennent des décisions conformes à une cause à laquelle ils adhèrent, pour laquelle ils luttent et prennent position. En tant qu’exécutant, le fonctionnaire spécialisé ne peut pas être tenu personnellement responsable de ces actes. L’action des hommes politiques peut être motivée, d’après WEBER par deux formes d’éthique : l’éthique de conviction : l’homme est convaincu de la justesse de sa cause et de son action, toute conséquence indésirable est due aux autres, il est simplement responsable de la ferveur et de l’adhésion du peuple à cette cause et l’éthique de responsabilité : l’homme est conscient de la faillibilité des autres hommes et ne peut en aucun cas les tenir pour responsable de l’échec de ses actions dans la mesure où, en étant conscient, il pouvait anticiper les conséquences de ses actions. L’homme authentique est d’après WEBER constitué de ces deux formes d’éthique, une conscience de vouloir changer un environnement parfois défaillant tout en assumant les conséquences de ses actes. « Pour atteindre des fins qui sont bonnes, on est obligés dans de nombreux cas de s’accommoder de moyens douteux ou au moins dangereux du point de vue moral « quelque soit l’éthique mise en place. En résumé et malgré une condamnation morale, dans les faits on pourrait dire un peu trivialement que tous les moyens sont bons pour arriver aux fins voulues y compris la violence. L’éthique du pouvoir est ainsi parfaitement paradoxale et quiconque veut faire de la politique doit y adhérer et s’en satisfaire moralement. En définitive, WEBER interpelle le public de cette conférence sur la réelle vocation d’un homme pour la politique. Celle-ci « consiste à creuser avec force et lenteur des planches dures, elles exige parfois la passion et le coup d’œil. « Seul ceux capables de persévérance de courage, de ténacité et de « viser l’impossible « pour obtenir le possible ont alors vraiment « la vocation de la politique «. III- Jugement personnel Le fait que ce texte soit issu d’une conférence lui confère un caractère didactique, vivant et éloquent propice à un accès facile et une compréhension aisée des concepts développés par Max Weber. La richesse des exemples contemporains de Weber et la contextualisation dans un cheminement historique permettent une approche assez instinctive de chaque concept. Souvent opposé à Durkheim dans son approche du monde social (Max Weber est un sociologue précurseur du mouvement compréhensif voir atomiste, pour lui c'est l'individu qui crée la société.Émile Durkheim est un sociologue précurseur de la sociologie français, il met en évidence les notions d'une sociologie positiviste se basant sur l'holisme, principe selon lequel le tout est supérieur à la somme des partie qui le compose), il montre ici encore grâce à la notion de carrière politique, d’éthique personnelle, à quel point c’est l’individu qui fonde la société. Cependant, lorsqu’il parle de soumission à un chef, à un groupe, par la violence, on peut s’interroger sur le fait que malgré tout il reconnaît un poids au groupe, à la société qui influe sur les comportements individuels et donc sur le développement personnel. Cette conférence, donnée il y a près d’un siècle, conserve un sens très actuel. La notion de carrière politique est plus que jamais présente : des socialistes intègrent un gouvernement aux convictions politiques libérales plutôt éloignées des leurs, le gouvernement français d’essence libérale adopte des mesures d’aide aux établissement financiers qui peuvent paraître assez éloignées de la notion d’autorégulation du marché financier, et l’ENA occupe une place de choix dans la formation des hauts fonctionnaires de l’Etat. La démarche de WEBER semble prendre en compte de nombreux aspects relatifs à la notion intangible de pouvoir politique : qu’est-ce que la politique ? Comment est organisé l’Etat ? Qui commande ? Pourquoi ? Comment la cause est-elle motivée et faite adopté à l’ensemble du groupe ? Pourquoi le peuple adhère-t-il ? Ce texte permet d’ancrer de nombreuses notions postérieure à son édition et objectivement inspirées de la pensée de WEBER. Ainsi en est il de la théorie des champs de BOURDIEU, de l’idéalitique de la bureaucratie de CROZIER, de la rationalisation et du désenchantement du monde de BOUDON. De plus, il permet d’un point de vue plus pragmatique de décrypter le discours et les actes parfois paradoxaux du politique en révélant les tenant et les aboutissant : le dogme du discours, l’ambition de celui qui le tient, la croyance en une juste cause, le besoin de fédérer vis-à-vis d’un discours et les raisons qui font qu’un peuple adhèrent à cette cause ainsi qu’à son porte parole.

 

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