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Fiche de lecture : le Prince de Nicolas Machiavel

Publié le 31/07/2010

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Le Prince a été écrit par Nicolas Machiavel environ en 1513. Edité pour la première fois en 1532 par Blado à Rome, il est réédité la même année à Florence par Guinta. Ce dernier fait état de gens qui ne cessent de déchirer âprement cet ouvrage et les passages concernant les procédés d’extermination de la famille d’un prince détrôné (ch III) ou les scélératesses (ch VIII) font scandale. Il choque en somme par la vision que Machiavel donne de la politique, ce qu’on qualifiera plus tard de « réalisme «. En effet contrairement aux autres œuvres écrites jusque là Machiavel dit vouloir se conformer à « la vérité effective des choses et non aux imaginations qu’on s’en fait «. Cet ouvrage connaîtra néanmoins un vif succès comme en attestent les rééditions successives dont il a fait l’objet (1535, 1537,1540 toujours en Italie). Machiavel se heurte de plein fouet à l’Eglise qui ne tolère pas les propos de Machiavel notamment lorsqu’il traite des monarchies ecclésiastiques (ch XI). Le cardinal Pole n’hésite pas à qualifier l’auteur du Prince de « démoniaque «. Face aux pressions de l’Eglise le Prince n’est pas réédité de 1554 au XVIIIe siècle en Italie. Toutefois l’ouvrage ne cesse pas d’être débattu puisque Rousseau ou Spinoza par exemple voient le Prince comme un formidable instrument pour se prémunir contre la tyrannie alors que d’autres comme Fréderic II de Prusse ou les moralistes le voient comme une incitation au mal. Néanmoins l’ouvrage fait date et Machiavel est sans cesse dénigré ou admiré. D’ailleurs bien qu’il soit critiqué, on s’en inspire. Voltaire, dans une correspondance épistolaire avec un ami anglais, parle « de son bon ami roi de Pusse [Fréderic II], qui écrivit si bien contre Machiavel et agit immédiatement comme les héros de Machiavel « faisant référence a l’Anti-Machiavel de Fréderic. On ne peut lire le Prince sans savoir un minimum de choses sur son auteur et sur la période que traverse l’Italie et plus particulièrement la ville d’origine de Machiavel, Florence. Machiavel est le fils d’un homme de loi et né le 3 Mai 1469. De 1434 à 1494, les Médicis, puissante famille florentine, soumettent à leur volonté les institutions de la République de Florence. L’arrivée des Français en 1494 vint troubler la vie de la péninsule et notamment celle de Florence où, inspiré par le moine Savonarole, un soulèvement populaire chasse les Médicis. Pendant 3 ans et demi Savonarole instaure un régime extrêmement rigoureux dont la population se lasse. En 1498 le moine florentin est brulé et à la république théocratique succède une république laïque. Machiavel entre alors dans l’administration de la République. Eclate alors une révolte à Arezzo et dans les villes voisines de Florence. On se résout à reformer le système et Sorderini est nommé gondolfier à vie, fonction somme toute assez proche de celle qu’occupe le doge à Venise. Machiavel devient son homme de confiance et plus proche conseiller. Il contribue par exemple à mettre fin aux rébellions des villes voisines qui durèrent 15 ans. En 1512 les Espagnols sont aux portes de Florence et les Médicis reprennent le pouvoir. Ils ne pardonnent pas à Machiavel d’avoir été l’homme lige de Sorderini si bien qu’il est exclu de l’administration. En 1513, soupçonné de complot, il est mis en prison et torturé pour être finalement relaxé la même année faute de preuve. Il va alors avec femme et enfants se réfugier au sud de Florence. Il essaie en vain de rentrer dans l’administration et se met à écrire les œuvres qui feront sa gloire dont le Prince et les Discours. Ancien haut fonctionnaire d’une République qui a échoué, Machiavel va étudier une République qui a réussi de façon éclatante : Rome. Néanmoins il ne traite pas des républiques dans son ouvrage car guidé par l’idée que l’Italie doit être unifiée à tout prix, il ne conçoit cette unification que sous la houlette d’un monarque. En effet, l’Espagne avec les rois catholiques et la France, par le mariage d’Anne de Bretagne et de Charles se sont unifiées, au moins de fait, alors que l’Italie est déchirée par des querelles intestines du fait du nombre de seigneurs féodaux qui y règnent. Le Prince est ainsi un ouvrage de philosophie politique destiné à montrer aux princes les actions à faire pour se maintenir sur leur trône, tout cela dans le but qu’un prince prenne assez de pouvoir pour unifier l’Italie. Ce livre est composé de 4 parties. La première comprend dix chapitres et Machiavel y examine toutes les sortes de monarchie et comment elles peuvent être conservées. Dans un second temps il traite des affaires militaires (ch XII à XIV) puis il veut montrer « comment gouverner avec ses sujets et amis «. Les trois derniers chapitres forment une conclusion centrée sur l’Italie dans laquelle il dit comment faire pour l’unifier. En lisant le prince il faut s’intéresser à la portée de cet ouvrage. En quoi le prince constitue-t-il une rupture dans la philosophie politique et plus particulièrement dans la vision du pouvoir ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître en quoi peut-on dire que Machiavel est l’un des pères du libéralisme en politique ? Après avoir résumé l’ouvrage, nous en expliquerons les points essentiels qui ont fait de Machiavel un auteur auquel il est impossible de ne pas se référer. I) Résumé de l’ouvrage Machiavel écrit le Prince avant tout pour être réintégré dans l’administration, et pour que sa « grande et continuelle malignité de fortune « (p2) cesse. Ainsi il dédicace cet ouvrage à Laurent de Médicis, le capitaine général des florentins en 1516. Il y traite de toutes les situations conflictuelles en politique et notamment les prises de pouvoirs, révoltes dans le but d’enseigner aux princes comment maintenir l’Etat. Le Prince n’est pas découpé en parties découlant les unes des autres si bien que l’on peut lire chaque partie séparément. Dans l’introduction Machiavel fait part de « sa longue expérience des choses modernes « sur laquelle il fonde son analyse. Toujours dans cette même introduction Machiavel distingue deux régimes politiques : la république et la monarchie. Mais l’Italie, déchirée par de multiples seigneurs, a besoin d’un prince pour qu’il rétablisse un Etat fort. Dès lors, Machiavel ne traitera que des monarchies. Le premier type de monarchies dont il parle est la monarchie héréditaire. Elles sont, nous dit-il, beaucoup plus facile à conserver que les autres car il suffit de ne pas altérer l’ordre établi pour pouvoir se prémunir contre tout ressentiment populaire pouvant venir soit du « peuple «, soit des « grands «. C’est dans les monarchies « mixtes « ou « nouvelles « que se trouvent les difficultés car « les hommes changent volontiers de maître, croyant rencontrer mieux et cette croyance leur fait prendre les armes contre lui « (ch III). Le Prince, dans une monarchie nouvelle, doit conserver l’amitié de ceux qui l’ont fait entrer sur le territoire tout en essayant de ménager ceux qu’il a lésés en y entrant. Machiavel conseille au prince d’éteindre la lignée de l’ancien prince mais aussi de ne modifier ni les lois ni les impôts de son prédécesseur de telle façon que le changement de régime soit vite oublié par la population. De même sur le plan international, le prince doit s’assurer le soutien de ses voisins en protégeant les plus faibles et en affaiblissant les plus forts. Dans les chapitre suivants l’auteur traite de cas particuliers : des monarchies dirigées par un prince seul (ch IV), des sociétés qui vivaient libres avant l’arrivée de l’envahisseur (ch V), des monarchies nouvelles (ch VI et VII) mais aussi devenus princes par scélératesses (ch VIII) ou des monarchies ecclésiastiques (ch XI). Dans la seconde partie, Machiavel s’intéresse aux armes, thème récurrent dans ses écrits. Il fait la distinction entre armes propres, auxiliaires ou mercenaires. Il écrit ainsi au chapitre XI : « les [armes] mercenaires et auxiliaires sont inutiles et dangereuses «. Le prince aux yeux de Machiavel a une fonction principale : la guerre. D’où le fait que dans son ouvrage il y consacre une partie importante. Il écrit au chapitre XV que le prince ne doit avoir d’autre objet que la guerre car elle est « le seul art qui convienne à qui commande «. C’est pourquoi il insiste sur le fait de bien choisir ses armées et de privilégier ses armées propres à des mercenaires ou auxiliaires car elles sont plus fidèles. Dans la troisième partie, l’auteur met l’accent sur les qualités que le prince doit avoir ou plutôt sur la nécessité de « paraître les avoir « (ch XVIII). Sur ce point Pascal rejoint Machiavel puisqu’il dira « qu’en politique, il faut paraître «. Les qualités sur lesquelles il insiste sont notamment la libéralité et la parcimonie (ch16). Il conseille au prince de privilégier la crainte à l’amitié qu’il pourrait inspirer car la crainte est un sentiment moins instable que l’amitié (ch XVII). De la même façon, n’être ni méprisé ni haï constitue « un des plus puissants remèdes qu’ait un prince contre les conspirations « (ch XIX). La haine nuisant au maintien de l’Etat doit ainsi être à tout prix évitée. En somme il faut emprunter certaines caractéristiques aux animaux, c’est ce qu’il conseille lorsqu’il dit que le prince doit être « renard pour connaître les rets et lion pour effrayer les loups « (ch XVII). Machiavel se penche dans les chapitres suivants sur ce que doit faire le prince pour se faire estimer, à savoir ne jamais toucher au patrimoine de ses sujets par exemple. L’entourage du prince est scrupuleusement examiné pour éviter toute rancœur de la part de la population (ch XXII). Il est nécessaire au prince de préférer des gens éclairés aux flatteurs mais le prince doit lui aussi être sage car « les bons conseils […] naissent nécessairement de la sagesse du prince et non la sagesse du prince des bons conseils « (ch XXIII). En guise de conclusion, l’auteur explique tout d’abord pourquoi les princes d’Italie ont perdu leurs Etats, chose qu’il attribue à leur commun défaut quant aux armes. Il est nécessaire à ces princes de séparer l’Eglise de la politique ce que l’Italie n’a pas su faire contrairement à la France et à l’Espagne ce qui constitue un important facteur de déstabilisation. Finalement l’auteur exhorte les Médicis de rassembler l’Italie et de mettre fin aux querelles intestines qui la déchirent. II) Les principaux concepts et intérêts de cette œuvre Dans une Italie encore fortement empreinte de religion, le Prince est très mal perçu par les milieux ecclésiastiques. Plusieurs aspects de l’ouvrage sont à l’origine de ce ressentiment des religieux. Tout d’abord, la description de l’homme fait par Machiavel ne coïncide pas avec celle de la Bible. Il qualifie les hommes de naturellement « méchants « au chapitre XVIII et ne cherche pas à faire taire cette méchanceté mais plutôt à l’appréhender. Dès lors, il est bien loin de l’idée de la repentance des péchés prônée par la religion. L’autre aspect qui a fourni des prétextes à la censure de Pince par les religieux est la description des monarchies ecclésiastiques faite par Machiavel au chapitre XVI. Il y dénonce l’intérêt du pouvoir temporel pour l’Eglise qui s’éloigne de sa mission spirituelle. En ce sens, l’Eglise est un des facteurs de la déstabilisation de l’Italie. Le pape Alexandre VI est caractéristique de la volonté de puissance temporelle de l’Eglise. Ainsi l’auteur dit de lui qu’il était celui qui « de tous les papes qui furent jamais, montra combien un pape, et par l’argent et par les forces, pouvait gagner en puissance « (ch XI). Il s’attaque alors à la corruption de la cour pontificale et à l’influence des religieux sur les princes. Dès lors, Machiavel a opéré une révolution en écrivant le Prince, celle de relâcher le lien qui unit le divin au politique. Il a enseigné aux princes que la justification de leurs actes ne se situait pas dans le monde céleste mais dans l’intérêt public lequel est indispensable au maintien du prince. Les chefs politiques ne doivent plus songer au salut de leur âme mais à la grandeur de la collectivité dont ils ont la charge. Satisfaire le peuple est « là une des matières les plus importantes pour le prince «. Machiavel, pour les personnes ayant simplement lu ou pas du tout le Prince, est celui qui a légitimé le mal en politique. Or en se penchant un peu plus sur cet ouvrage, on peut faire de Machiavel l’un des précurseurs du libéralisme, en politique tout du moins. En disant qu’il « faut savoir entrer dans le mal s’il le faut «, Machiavel ne fait que rendre compte de ce qu’est vraiment la politique et de ce que l’histoire de la politique nous enseigne. On parle aujourd’hui du réalisme de Machiavel. Pour lui, le mal en politique est indissociable du maintien de l’Etat. Mais il nuance tout de même ce principe. Ainsi le prince doit à tout prix éviter la haine (ch XVII), pour cela, il faut « surtout qu’il s’abstienne des biens de ses concitoyens, et de ses sujets, et de leurs femmes «. En somme, ce qu’il enseigne, c’est comment on prend et on garde le pouvoir par la ruse et par la force. D’où le besoin pour le prince de « savoir bien user de la bête, il doit parmi elles prendre le renard et le lion « car le lion effraie les « loups « et le renard se protège des pièges. La pensée de Machiavel ne se résume pas à cette légitimation du mal. En effet pour lui, le « bien « est fondé par le « mal «. Le « mal «, nécessaire au maintien de l’Etat, permet de satisfaire le peuple car le recours à celui-ci offre un régime stable, propice aux affaires et à la satisfaction des intérêts privés. Pierre Manent dans l’histoire intellectuelle du libéralisme dit du mal, chez Machiavel, qu’il est fécond. C’est la thèse de la fécondité du mal. Au chapitre VII du prince, Machiavel relate un fait historique. Lorsque César Borgia occupa la Romagne, celle-ci était dirigée par de petits seigneurs qui faisaient régner leurs lois et dépouillaient les sujets de leurs biens. Borgia fit appel à Rémy d’Orque à qui il donna pleine puissance pour soumettre ces seigneurs à son autorité. Rémy d’Orque, cruel et expéditif rétablit l’ordre en les faisant assassiner. Son commanditaire, Borgia, estima qu’une autorité si excessive ne pouvait que lui nuire et le fit assassiner, laissant son corps sur la place publique de Césene, village de Romagne. Dans cet épisode, Machiavel distingue trois types de violences : la violence des petits seigneurs, la violence exercée par Rémy d’Orque et celle exercée contre le ministre du prince. La seconde violence rétablit l’ordre mais laisse les citoyens en proie au ressentiment en raison des cruautés commises. La troisième violence, en montrant que le prince ne tolérait pas la cruauté de son ministre, fit « tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide « (ch VII). En sachant utiliser « à bon escient « du mal, le prince Borgia réussit à satisfaire le peuple. C’est cette idée de fécondité du mal qui est sans cesse présente dans l’œuvre de Machiavel et ce à quoi elle doit à tout prix aboutir, la satisfaction de peuple, fait de Machiavel l’un des pères du libéralisme. On a fait de Machiavel un inculte, un fonctionnaire médiocre et j’en passe, mais il n’en reste pas moins que dès sa parution, son ouvrage fait date. On est interpellé par la cohérence du récit où tout est organisé en vue d’une action efficace. Machiavel n’adopte pas une pluralité de points de vue puisque tout son récit est toujours guidé par le même objectif, le bien commun, la satisfaction du peuple. L’évidence de celui-ci nait d’une mûre réflexion sur l’histoire, d’une pratique longue des affaires et de la nécessité d’unifier à tout prix l’Italie. L’œuvre de Machiavel a largement contribué à faire accepter l’idée moderne et laïque de l’Etat. Il ne s’agit pas de dire si l’on est d’accord ou pas avec Machiavel puisque son ouvrage a été érigé en dogme et il n’y a, à l’heure actuelle, aucun philosophe qui n’ose remettre en cause l’héritage de la pensée du florentin. On alla même jusqu’à dire que le prince devait être le livre de chevet de tout homme politique. Même Rousseau, qui était on ne peut plus républicain, disait de Machiavel qu’en « feignant de donné des leçons aux rois, il en donna de bien grandes aux peuples «. Machiavel est, signe de l’influence de sa pensée, l’un des rares auteurs dont le nom a donné naissance à un terme de la langue courante : le machiavélisme.

 

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« monarchies dirigées par un prince seul (ch IV), des sociétés qui vivaient libres avant l'arrivée de l'envahisseur (chV), des monarchies nouvelles (ch VI et VII) mais aussi devenus princes par scélératesses (ch VIII) ou desmonarchies ecclésiastiques (ch XI).

Dans la seconde partie, Machiavel s'intéresse aux armes, thème récurrent dansses écrits.

Il fait la distinction entre armes propres, auxiliaires ou mercenaires.

Il écrit ainsi au chapitre XI : « les[armes] mercenaires et auxiliaires sont inutiles et dangereuses ».

Le prince aux yeux de Machiavel a une fonctionprincipale : la guerre.

D'où le fait que dans son ouvrage il y consacre une partie importante.

Il écrit au chapitre XVque le prince ne doit avoir d'autre objet que la guerre car elle est « le seul art qui convienne à qui commande ».C'est pourquoi il insiste sur le fait de bien choisir ses armées et de privilégier ses armées propres à des mercenairesou auxiliaires car elles sont plus fidèles.

Dans la troisième partie, l'auteur met l'accent sur les qualités que le princedoit avoir ou plutôt sur la nécessité de « paraître les avoir » (ch XVIII).

Sur ce point Pascal rejoint Machiavelpuisqu'il dira « qu'en politique, il faut paraître ».

Les qualités sur lesquelles il insiste sont notamment la libéralité et laparcimonie (ch16).

Il conseille au prince de privilégier la crainte à l'amitié qu'il pourrait inspirer car la crainte est unsentiment moins instable que l'amitié (ch XVII).

De la même façon, n'être ni méprisé ni haï constitue « un des pluspuissants remèdes qu'ait un prince contre les conspirations » (ch XIX).

La haine nuisant au maintien de l'Etat doitainsi être à tout prix évitée.

En somme il faut emprunter certaines caractéristiques aux animaux, c'est ce qu'ilconseille lorsqu'il dit que le prince doit être « renard pour connaître les rets et lion pour effrayer les loups » (chXVII).

Machiavel se penche dans les chapitres suivants sur ce que doit faire le prince pour se faire estimer, à savoirne jamais toucher au patrimoine de ses sujets par exemple.

L'entourage du prince est scrupuleusement examiné pouréviter toute rancœur de la part de la population (ch XXII).

Il est nécessaire au prince de préférer des gens éclairésaux flatteurs mais le prince doit lui aussi être sage car « les bons conseils […] naissent nécessairement de lasagesse du prince et non la sagesse du prince des bons conseils » (ch XXIII).

En guise de conclusion, l'auteurexplique tout d'abord pourquoi les princes d'Italie ont perdu leurs Etats, chose qu'il attribue à leur commun défautquant aux armes.

Il est nécessaire à ces princes de séparer l'Eglise de la politique ce que l'Italie n'a pas su fairecontrairement à la France et à l'Espagne ce qui constitue un important facteur de déstabilisation.

Finalementl'auteur exhorte les Médicis de rassembler l'Italie et de mettre fin aux querelles intestines qui la déchirent.II) Les principaux concepts et intérêts de cette œuvreDans une Italie encore fortement empreinte de religion, le Prince est très mal perçu par les milieux ecclésiastiques.Plusieurs aspects de l'ouvrage sont à l'origine de ce ressentiment des religieux.

Tout d'abord, la description del'homme fait par Machiavel ne coïncide pas avec celle de la Bible.

Il qualifie les hommes de naturellement« méchants » au chapitre XVIII et ne cherche pas à faire taire cette méchanceté mais plutôt à l'appréhender.

Dèslors, il est bien loin de l'idée de la repentance des péchés prônée par la religion.

L'autre aspect qui a fourni desprétextes à la censure de Pince par les religieux est la description des monarchies ecclésiastiques faite parMachiavel au chapitre XVI.

Il y dénonce l'intérêt du pouvoir temporel pour l'Eglise qui s'éloigne de sa missionspirituelle.

En ce sens, l'Eglise est un des facteurs de la déstabilisation de l'Italie.

Le pape Alexandre VI estcaractéristique de la volonté de puissance temporelle de l'Eglise.

Ainsi l'auteur dit de lui qu'il était celui qui « de tousles papes qui furent jamais, montra combien un pape, et par l'argent et par les forces, pouvait gagner enpuissance » (ch XI).

Il s'attaque alors à la corruption de la cour pontificale et à l'influence des religieux sur lesprinces.Dès lors, Machiavel a opéré une révolution en écrivant le Prince, celle de relâcher le lien qui unit le divin au politique.Il a enseigné aux princes que la justification de leurs actes ne se situait pas dans le monde céleste mais dansl'intérêt public lequel est indispensable au maintien du prince.

Les chefs politiques ne doivent plus songer au salut deleur âme mais à la grandeur de la collectivité dont ils ont la charge.

Satisfaire le peuple est « là une des matières lesplus importantes pour le prince ».Machiavel, pour les personnes ayant simplement lu ou pas du tout le Prince, est celui qui a légitimé le mal enpolitique.

Or en se penchant un peu plus sur cet ouvrage, on peut faire de Machiavel l'un des précurseurs dulibéralisme, en politique tout du moins.

En disant qu'il « faut savoir entrer dans le mal s'il le faut », Machiavel ne faitque rendre compte de ce qu'est vraiment la politique et de ce que l'histoire de la politique nous enseigne.

On parleaujourd'hui du réalisme de Machiavel.

Pour lui, le mal en politique est indissociable du maintien de l'Etat.

Mais ilnuance tout de même ce principe.

Ainsi le prince doit à tout prix éviter la haine (ch XVII), pour cela, il faut« surtout qu'il s'abstienne des biens de ses concitoyens, et de ses sujets, et de leurs femmes ».

En somme, ce qu'ilenseigne, c'est comment on prend et on garde le pouvoir par la ruse et par la force.

D'où le besoin pour le prince de« savoir bien user de la bête, il doit parmi elles prendre le renard et le lion » car le lion effraie les « loups » et lerenard se protège des pièges.La pensée de Machiavel ne se résume pas à cette légitimation du mal.

En effet pour lui, le « bien » est fondé par le« mal ».

Le « mal », nécessaire au maintien de l'Etat, permet de satisfaire le peuple car le recours à celui-ci offre unrégime stable, propice aux affaires et à la satisfaction des intérêts privés.

Pierre Manent dans l'histoire intellectuelledu libéralisme dit du mal, chez Machiavel, qu'il est fécond.

C'est la thèse de la fécondité du mal.

Au chapitre VII duprince, Machiavel relate un fait historique.

Lorsque César Borgia occupa la Romagne, celle-ci était dirigée par depetits seigneurs qui faisaient régner leurs lois et dépouillaient les sujets de leurs biens.

Borgia fit appel à Rémyd'Orque à qui il donna pleine puissance pour soumettre ces seigneurs à son autorité.

Rémy d'Orque, cruel etexpéditif rétablit l'ordre en les faisant assassiner.

Son commanditaire, Borgia, estima qu'une autorité si excessive nepouvait que lui nuire et le fit assassiner, laissant son corps sur la place publique de Césene, village de Romagne.Dans cet épisode, Machiavel distingue trois types de violences : la violence des petits seigneurs, la violenceexercée par Rémy d'Orque et celle exercée contre le ministre du prince.

La seconde violence rétablit l'ordre maislaisse les citoyens en proie au ressentiment en raison des cruautés commises.

La troisième violence, en montrantque le prince ne tolérait pas la cruauté de son ministre, fit « tout le peuple demeurer en même temps satisfait etstupide » (ch VII).

En sachant utiliser « à bon escient » du mal, le prince Borgia réussit à satisfaire le peuple.

C'estcette idée de fécondité du mal qui est sans cesse présente dans l'œuvre de Machiavel et ce à quoi elle doit à toutprix aboutir, la satisfaction de peuple, fait de Machiavel l'un des pères du libéralisme.. »

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