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Faut-il s'abstenir de penser pour être heureux ?

Publié le 24/03/2011

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   Nous sommes en présence d’un paradoxe : l’activité de penser, qui inclut toute activité intellectuelle et qui est propre à l’homme en ceci qu’elle nous différencie de l’animal qui lui vit uniquement par instinct, serait opposé au concept de bonheur c'est-à-dire de plaisir durable. Il s’agit ici de savoir s’il est nécessaire de s’empêcher de penser pour parvenir à être heureux. Il peut paraître évident que penser en toute circonstance peut nuire au bonheur en empêchant son accomplissement par l’exercice continu de la pensée. Cependant il semble difficile et même impossible de vivre sans penser ce qui conduirait à vivre comme des « imbéciles heureux » et à renoncer en quelque sorte à notre humanité. Faut-il dans ces conditions s’abstenir de penser pour être heureux ? Cette contrainte soulève bien des interrogations : Pourquoi penser empêcherait le bonheur ? Quelles seraient les conséquences de l’absence de pensées ? Ne peut-on pas malgré tout concilier le bonheur et l’exercice de la pensée ?

 

 

   S’il faut s’abstenir de penser pour être heureux cela sous-entend qu’il n’y a pas de bonheur intelligent et que pour atteindre le bonheur il faut demeurer dans l’ignorance et l’inconscience. Mais pourquoi être dans un tel état conduirait au bonheur ?

 

   La première réponse qui me vient à l’esprit est que penser sans cesse peut empêcher d’atteindre le bonheur car la pensée inclut la concentration et la réflexion et ainsi empêche la distraction et peu compromettre à plus long terme le bonheur. Ainsi comment parvenir à être heureux après la mort d’un proche si en pensant sans arrêt à ce décès nous ne pouvons divertir la pensée et avons toujours en tête ce fait. Mais se distraire l’esprit pour espérer atteindre le bonheur est-ce la bonne solution ? Ne serait-ce pas se berner soi-même, ce qui au final aura un effet néfaste sur la personne ? Si nous prenons le même exemple du décès, une personne préférant ne pas penser et se distraire l’esprit pour ne pas souffrir de la mort du proche ne fera pas son deuil et au final sera vraisemblablement très malheureuse à cause de ce refus d’accepter la réalité, il existe en effet de nombreux cas d’individus ayant refusé d’accepter la mort préférant penser à autre chose et qui des années après n’ont toujours pas admis la mort de la personne.     

 

   Ensuite il m’apparaît un autre aspect qui est que penser mène à la connaissance de la vérité ce qui peut en effet nuire à la quête du bonheur. Ne dit-on pas que toute vérité n’est pas bonne à entendre ? Ainsi la connaissance de la vérité ne gâcherait t’elle pas le bonheur ? En effet il parait difficile de jouir de plaisirs matériels ou immatériels en pensant, ce qui au final à de forte chance d’empêcher le bonheur par la connaissance de la vérité qui entoure ce plaisir. Prenons l’exemple d’une  personne visitant un zoo pourra t’elle accéder au bonheur en pensant aux mauvais traitements que les animaux, extraits de leur milieu naturel, peuvent subir et, en ne cessant de peser le pour et le contre durant toute la durée de la visite. Le bonheur semble en effet difficile à atteindre dans de telles circonstances mais est-ce une solution de faire abstraction de la vérité dans notre volonté de jouir de nos plaisirs pour atteindre coûte que coûte le bonheur ? En réutilisant à nouveau l’exemple du zoo peut-on se voiler la face en  se cachant la vérité pour espérer pouvoir parvenir au bonheur et ignorer tout ce qui entoure le système du zoo. Il me semble qu’il serait stupide de visiter ce zoo en s’abstenant de penser ce qui nous permet de nous situer dans la réalité et non pas dans une illusion qui nous procurerait qu’un « faux bonheur ».

 

  Le dernier élément qui me semble monter que l’activité de penser peut s’opposer au concept du bonheur est que, comme le met en avant la conception épicurienne du bonheur, les conséquences qui résultent de penser au passé ou au futur ont de fortes chances de  conduire au malheur. Pour ce qui est de penser au passé, si nous prenons l’exemple d’une personne pensant à une occasion manquée, comme ne pas avoir choisis de faire telle ou telle étude par exemple, cela ne peut entraîner que des regrets. Dans d’autres circonstances cela peut provoquer des remords pour une mauvaise action effectuée par exemple. Ou encore cela peut donner naissance à de la nostalgie en pensant à une époque révolue ce qui au final se caractérisera par de l’amertume. Quand à penser au futur cela a de forte chance de nuire au bonheur par l’angoisse que ça représenterait comme la perspective d’un entretien d’embauche qui serait source de peur et entraînerait le malheur à cause de l’anticipation qui avait été faite. Penser au futur gâcherait ainsi le présent et le rendrait malheureux. Mais cela me pousse à m’interroger : après tout ne peut-on pas atteindre le bonheur en pensant à un fait particulièrement heureux du passé ou en pensant à un avenir plus heureux comme par exemple avec l’arrivé prochaine d’un « heureux événement » ?  Une projection en avant ou en arrière  permettrait ainsi de s’évader d’un présent monotone ou malheureux. Ne prenons-nous pas des photographies lors des événements dis heureux de notre passé, comme un mariage, pour pouvoir mieux se le remémorer et atteindre un certain bonheur.

 

 

   S’empêcher de penser dans l’espoir d’atteindre le bonheur peut inclure la création de certaines contraintes et ainsi de certains risques. En effet s’interdire de penser serait contraire à la maxime de Descartes « Cogito, ergo sum » (je pense donc je suis) soulignant la spécificité des êtres pensant. Renoncer à penser équivaudrait donc à renoncer d’exister et à accepter de n’être « rien » même si cela conduit au bonheur. Ainsi s’il faut s’arrêter de penser pour être heureux cela ne veut-il pas dire que le bonheur réside dans l’ignorance, et qu’il faut renoncer à notre humanité pour être heureux ?

 

   S’il faut s’abstenir de penser pour être heureux cela à pour conséquence directe de vivre dans l’ignorance en renonçant à prendre en compte la réalité. En effet nous ne pouvons être conscient sans penser et aller au-delà des apparences. En s’abstenant de penser nous refusons donc de comprendre et d’interpréter le monde qui nous entoure. Un individu se refusant à penser lors d’un évènement quelconque n’aura aucune chance d’en saisir la réalité, d’interpréter cet événement et d’anticiper ses conséquences et ainsi d’adapter sa conduite de vie en fonction. Ainsi une personne s’interdisant de penser qui tombera malade ne pourra pas prendre conscience de sa maladie et penser à aller se faire soigner. Peut on vraiment parler de bonheur dans un tel cas d’inconscience? Je suis tenter d’explorer une autre question que la recherche du bonheur qui est simplement peut-on vivre sans penser ? Il s’agit déjà d’analyser quel sens donner au mot vivre, après tout quelqu’un dans un état de légume dont la vie est maintenue artificiellement vit ou plutôt subsiste mais je doute qu’il pense ; mais quelqu’un en état normal peut-il mener une vie normale sans penser ? Rien n’est moins sûr pour les raisons mises en avant précédemment. La question serait en réalité : comment vivrait l’homme sans penser ?                                                                          

 

 

   Cesser de penser réduirait finalement l’homme à l’état animal agissant uniquement par l’instinct fondé sur la nécessité, instinct qui subvient uniquement aux besoins vitaux tels que dormir, manger et boire. De plus ces gens non-pensant ne seront pas indépendants car prisonniers de l’apparence et de la sensation sans pouvoir aller plus loin par l’absence de pensées, ils ne pourront donc pas connaître d’évolution mentale. Cela semble contradictoire avec notre histoire durant laquelle l’espèce humaine n’a jamais cessé d’évoluer, de perfectionner les techniques et de s’approprier le monde qui l’entoure ce qui serait impossible si l’homme n’avait pas pensé. Même l’homme préhistorique utilisait la pensée pour se confectionner des vêtements, chasser … S’abstenir de penser serait donc une déshumanisation totale. Peut-on réellement accéder au bonheur, en perdant ainsi notre humanité en se bornant au nécessaire sans jamais penser? Je ne peux ici que constater un paradoxe, comment peut-on avoir conscience d’être heureux si nous vivons sans penser ? Il semble donc impossible de vivre à la fois en s’abstenant de penser et en étant heureux.                                                                                    

 

 

   Dans les 2 premières parties de ce développement nous avons seulement pris en compte le bonheur en le considérant comme le but de l’existence et que donc penser était soit une entrave à son accomplissement soit au contraire un moyen d’y parvenir mais le bonheur est-il réellement le but de l’existence ?

 

   Après tout selon la conception kantienne le bonheur est uniquement un moyen et non le but de l’existence dont la finitude serait d’être un être moral. Le rôle du bonheur serait donc de permettre de construire un être moral. Etre moral serait donc le but de l’existence, mais cela implique t’il automatiquement le bonheur ? Après tout je suppose qu’il est parfaitement envisageable de mener une existence morale et être malheureux. La moralité selon moi n’implique pas automatiquement le bonheur qui même s’il n’est pas nécessairement le but de l’existence est bien plus qu’un simple moyen. Quelqu’un pourra-il donner un sens à sa vie en vivant dans le malheur ? Ainsi le bonheur me semble nécessaire pour pouvoir atteindre une tranquillité de l’âme et une paix intérieure. Pour parvenir à cet objectif le bonheur serait ainsi étroitement lié à la pensée qui saurait l’utiliser et le diriger pour se créer cette paix intérieure qui ira de paire avec le bonheur. Cependant après avoir montrer que penser pouvait nuire au bonheur et que s’abstenir de penser ne pouvait conduire à un « vrai bonheur » je ne peux que me demander si le bonheur est de ce monde et pas seulement « un idéal de l’imagination » comme l’a mentionné Kant. Si c’est un idéal de l’imagination cela signifie que ce n’est pas le cas pour la raison et que l’on peut uniquement se former l’idée de bonheur dans l’imagination alors que celle-ci disparaîtrait avec la raison.

Mais ne pouvons-nous pas atteindre le bonheur grâce à la raison ?

Nous pouvons facilement accéder au plaisir et même à l’extase mais ceux-ci se révèlent être souvent vains, loin de conduire au bonheur. La solution serait donc comme pour la conception épicurienne d’utilisée la raison en pensant pour effectuer un minutieux « calcul des plaisir » et ainsi pouvoir atteindre le bonheur. Le bonheur et la pensée seraient donc conciliables et se serait même cette dernière qui permettrait d’atteindre le bonheur. 

 

 

   Nous avons pu constater pour commencer que l’activité de penser pouvait compromettre bonheur par l’impossibilité de se distraire l’esprit, de cacher la réalité, et en se projetant dans le passé et le futur ; puis que s’empêcher de penser aurait pour conséquence l’inconscience et la déshumanisation qui nous feraient vivre dans un bonheur artificiel ; et pour finir nous avons vu que malgré tout penser et bonheur sont conciliable, la pensée pouvant conduire au bonheur même si celui-ci n’est pas forcement le but de l’existence.

Le bonheur ne serait donc pas seulement une illusion et pourrait être atteint grâce à la pensée mais est-ce suffisant ; après tout il s’agit ici uniquement d’un bonheur personnel, mais ne serait-ce pas égoïste de pourvoir uniquement à son propre bonheur ? Ne faut-il pas aussi subvenir au bonheur d’autrui ? Il s’agit ici d’une question uniquement d’ordre moral qui interroge sur le devoir d’aider son prochain à accéder au bonheur, mais il me vient une autre questions qui est tout simplement pouvons-nous être heureux seul ?

 

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