faut-il condamner le monopole?
Publié le 18/01/2011
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FAUT-IL CONDAMNER LE MONOPOLE ? Le monopole est une entreprise qui se trouve seule à produire un bien ou un service et doit donc satisfaire la totalité de la demande exprimée sur le marché correspondant. Cela signifie que l’entreprise est le seul offreur du produit sur la branche : la firme se confond avec la branche.Le monopole remet donc en cause les hypothèses de la concurrence pure et parfaite, deux surtout : atomicité et libre accès au marché. Pour cette raison, le monopole est considéré par les économistes libéraux et néo-classiques comme une situation néfaste. Cette nuisance potentielle du monopole en fait aussi un enjeu de la politique économique des Etats.Ainsi le monopole a un coût économique et social, mais il est présente aussi des avantages qu’il est possible d’encadrer et de réguler. I. Le monopole a un coûtOn verra successivement ce qu’est une situation de monopole, pourquoi elle est nuisible du point de vue de l’analyse néo-classique, et comment en longue période elle peut perturber le système productif.A. Qu’est-ce qu’une situation de monopole ?On l’a déjà définie comme le seul vendeur réel ou potentiel du bien caractérisant le marché. L’échelle de l’observation et les moyens de transport disponibles entrent aussi en jeu : une entreprise peut être la seule productrice d’un bien au niveau national mais subir la concurrence internationale, auquel cas elle n’est plus en situation de monopole (exemple de la SEITA en France).Les monopoles entrent en général dans l’une des trois grandes catégories suivantes:• le monopole naturel : les conditions techniques de production et la taille du marché font qu’à long terme des entreprises concurrentes ne sont jamais rentables. Le processus concurrentiel élimine donc les producteurs les moins performants et débouche inéluctablement sur la constitution d’un monopole.• Le monopole d’innovation : caractérise la position d’une entreprise qui à la suite d’une innovation se trouve seule à vendre un nouveau produit. Cette situation est toujours temporaire : en situation de concurrence, de nouveaux producteurs peuvent arriver sur le marché.• Le monopole légal : existe du fait d’obstacles réglementaires ou législatifs empêchant l’arrivée sur le marché de nouveaux producteurs.L’équilibre du monopole est différent de celui de la firme concurrentielle : le monopole est le seul offreur sur le marché, il peut donc fixer les prix (price-maker). On démontre ainsi qu’en longue période le monopole produit moins et vend plus cher qu’un producteur sur un marché concurrentiel.B. Critique des néo-classiques et des libéraux : rupture de l’équilibre de la CPPEn situation de CPP, le jeu du marché débouche nécessairement sur une situation d’équilibre optimale résultant de l’action individuelle de chacun des acteurs présent sur le marché (théorie de la main invisible). En longue période les profits ont tendance à s’annuler, ce qui incite les producteurs à baisser leurs coûts de production. Un cercle vertueux s’établit donc; il permet d’atteindre un optimum économique au sens de Pareto : l’allocation des ressources est optimale. Or ce n’est pas le cas en situation de monopole puisque les prix sont plus élevés que sur un marché concurrentiel et les quantités produites inférieures.Le monopole, parce qu’il exerce un contrôle sur les prix, peut se montrer discriminant. Il peut être discriminant entre les clients en pratiquant des tarifs plus élevés pour une catégorie de clients dont la demande est très peu élastique.Surtout, il a la possibilité de faire payer les premières unités vendues à un tarif plus élevé que les suivantes. L’analyse de la courbe de demande qui est décroissante permet en effet de constater que les consommateurs sont disposés à payer plus cher les premières unités, puis de moins en moins cher les suivantes. Sur un marché concurrentiel, toutes les unités leur sont facturées à un prix unique, le prix d’équilibre fixé par le marché. Le monopole a lui la possibilité d’adapter ses prix de façon à prélever une partie de ce surplus. On peut même imaginer une situation de monopole parfaitement discriminant où celui-ci parviendrait à faire payer chaque unité au prix correspondant sur la courbe de demande : le monopole confisque alors l’intégralité du surplus du consommateur.C. Perversités de la situation de monopole prolongéEn théorie, le monopole est donc une situation privilégiée pour la firme car elle permet de réaliser des super-profits. Certains économistes ont décelé des comportements conservateurs dans certains monopoles, nuisibles à l’activité économique. Si toutes les entreprises en situation de monopole ne sont pas conservatrices, il est certain qu’elles cherchent à maintenir cette situation qui leur est profitable. Cela se manifeste par :• des moyens agressifs pour empêcher l’arrivée de la concurrence : rachat de brevets, des moyens de production, pratique du dumping forme de vente à perte. Ces moyens perturbent le système productif et peuvent être nuisibles à la firme monopolistique.• La « recherche de la rente » : cette théorie a été étudiée par l’économiste américain Gordon Tullock. Une rente économique consiste en un excès des recettes sur les coûts d’opportunité, excès durable voire permanent. Une rente correspond à un blocage du mécanisme économique et implique des raretés « artificielles ». Cela caractérise la situation de monopole. La recherche de rente consiste dans la somme de toutes les ressources allouées à la persuasion des pouvoirs publics. C’est une activité de lobbying coûteux et nuisible du point de vue économique puisqu’elle détourne des ressources en temps et en moyens financiers. Cette activité n’est pas spécifique au monopole (exemple du marché agricole français concurrentiel) mais le concerne tout particulièrement. II. Mais il peut trouver des justifications pratiques3 choses : il existe des limites pratiques à la constitution de monopoles, ceux-ci trouvent parfois une justification économique solide, enfin l’Etat est susceptible d’adopter des politiques encadrant leurs effets.A. Limites pratiques à la constitution de monopolesC’est la théorie des marchés contestables. Dans l’analyse micro-économique traditionnelle, une place déterminante est accordée au nombre d’entreprises sur le marché : un nombre important doit garantir le marché de tout risque de déviation monopolistique et donc contribuer à asseoir une situation de CPP. C’est pourquoi le monopole est condamné.Mais dans les années 1980, les travaux de certains économistes ont permis de remettre en cause cette vision du marché. Ils ont montré que le degré de concurrence sur un marché ne dépend pas tant du nombre de concurrents effectifs que de la possibilité pour des firmes extérieures d’entrer sur ce marché pour y contester la position acquise par les firmes en place. Ils définissent un marché contestable comme un marché où la liberté d’entrée est totale, et où les entreprises qui sortent après une tentative d’entrée ratée ne risquent pas d’autres coûts que l’amortissement normal des moyens de production engagés. Cela incite les firmes à entrer dans les secteurs où l’on fait des super-profits quitte à s’en retirer lorsque ceux-ci auront disparu. Un monopole qui se trouverait en situation contestable devrait donc, pour empêcher l’arrivée de nouveaux producteurs sur le marché, se comporter comme une firme en situation de CPP.B. La justification économique du monopoleLe monopole est une force économique : du fait de sa taille, supérieure à celle des entreprises en concurrence, il peut réaliser des économies d’échelle. Cela lui permet d’atteindre des coûts de production moins élevés.Schumpeter dans Capitalisme, socialisme et démocratie, montre que la perspective d’un profit de monopole est une des conditions nécessaires de l’innovation. Innover est un risque, c’est pourquoi une firme ne sera tentée d’innover que si elle peut en profiter pendant un certain délai : l’entreprise cherche à constituer un monopole d’innovation. Même en situation de CPP, la stimulation introduite par la perpective d’un profit monopolistique est bénéfique puisqu’elle stimule l’innovation.Le monopole peut aussi permettre à une entreprise de croître en sécurité avant d’atteindre une taille suffisante pour affronter la concurrence. C’est la théorie de List. Ainsi une firme peut accéder à une position de monopole national, au besoin grâce à l’intervention de l’Etat, avant d’être suffisamment performante pour affronter la concurrence internationale.C. L’encadrement politiqueL'Etat a le choix entre différentes politiques pour gérer le problème des monopoles, politiques qui couvrent 3 degrés d’intervention possibles :• une politique de concurrence : l’Etat défini les règles du jeu et le cadre légal de la concurrence économique. Il surveille les ententes, fusion de sociétés et monopoles. Il assure en définitive la contestabilité des marchés.• Une politique de régulation : plus interventionniste, l’Etat contrôle directement la constitution des monopoles, peut imposer des quotas.• Une politique de gestion directe : l’Etat gère directement le monopole par son administration ou par une entreprise publique. C’est le cas, en France, des nationalisations des monopoles de fait prévues dans les constitutions de 1946 et 1958 (cas de la SNCF).Ce dernier point est le plus intéressant : certains monopoles et tout particulièrement les monopoles nationaux sont gérés différemment. Ils ne cherchent pas les superprofits. Ils pratiquent une gestion à l’équilibre qui égalise recette marginale et coût marginal. Cette tarification au coût marginal est adoptée en France par la SNCF et l’EDF. Elle permet la suppression des superprofits et de la perte du surplus du consommateur. On ne peut pas répondre de façon tranchée au problème des monopoles : ni leur suppression, ni le laissez-faire ne sont acceptables. L’intervention de l’Etat est la bienvenue dans la mesure où les marchés ne remplissent jamais totalement les conditions de la concurrence pure et parfaite. Cela est aussi valable au niveau supra-étatique : toute la controverse sur le rôle des pouvoirs publics se retrouve dans les instances de l’UE qui tout en imposant la déréglementation doivent composer avec les spécificités et les groupes de pression des différents Etats membres.
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