Il faut les perdre,
pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la
douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire
s'offre à nous. Telle est encore la raison qui nous rend si
douce la mémoire des malheurs surmontés par nous : besoin,
maladie, privation, etc. ; c'est en effet notre seul moyen
de jouir des biens présents. Ce qu'on ne saurait méconnaître
non plus, c'est qu'en raisonnant ainsi, en égoïste
(l'égoïsme, au reste, est la forme même de la volonté de
vivre), nous goûtons une satisfaction, un plaisir du même
ordre, au spectacle ou à la peinture des douleurs d'autrui ;
Lucrèce l'a dit en de beaux vers, et bien nettement, au
début de son second livre.
KANT
Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que,
malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux,
personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents
ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est
que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur
sont dans leur ensemble empiriques, c'est-à-dire qu'ils
doivent être empruntés à l'expérience ; et que cependant
pour l'idée du bonheur un tout absolu, un maximum de
bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition
future, est nécessaire. Or il est impossible qu'un être
fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on le
suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici
véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que
d'envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa
tête! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ?
Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus
pénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus
terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobent encore à
sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger
de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez
de peine à satisfaire.
Le bonheur est un état de généralement admis comme une tranquillité de l’esprit. Il s’agit pour les stoïciens de ne pas être troublé par les évènements extérieurs à soi, il ne faut pas s’occuper de ce qui ne dépend pas de nous. Le bonheur est donc considéré comme une situation passive de l’être humain, ne pas intervenir pour ne pas être dérangé. Cependant, cette passivité peut être déroutante dans certaines conceptions du bonheur. Si nous restons passifs nous ne pouvons améliorer un entourage qui doit être propice à l’état de béatitude. Chez Kant, le bonheur se vit en collectivité, ainsi la passivité pourrait paraître contradictoire. Ainsi, possédons nous une technique capable de permettre d’améliorer notre situation et ainsi nous permettre d’être apaisé et heureux? Le bonheur dépend il de nos actes ou de notre non implication à notre entourage?