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F. Perroux, Recherche et activité économique

Publié le 15/05/2020

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La science a vocation de servir tous les hommes; la technique, qui en est le prolongement, participe de cette même vocation. Or, les économies décentralisées d'Occident reposent sur le principe de la rentabilité plus ou moins corrigée par des interventions sociales. Les goûts sont satisfaits dans l'ordre de leur solvabilité et les productions décidées en vue du profit. D'où plusieurs conséquences. Le fonctionnement de l'économie est régi par des normes toutes différentes de celles que l'on peut tirer des normes des sciences et de la science. Par exemple, les techniques qui donnent des produits immédiatement rentables ne sont pas nécessairement celles qui livreraient les produits socialement bénéfiques en moyenne ou longue période. En outre, les monopoles d'informations scientifiques et techniques, nombreux dans l'économie à base de profit (sans parler des monopoles collectifs des États nationaux), dépriment le niveau matériel et culturel des populations.

Certes, on peut dire que les sociétés occidentales disposent d'un appareil de production, de provisions de produits semi-finis et de machines, de réserves de techniciens : une machine nouvelle, un appareil nouveau pourra être rapidement fabriqué et mis en œuvre. D'autre part, dans nos sociétés, les réseaux d'information sont étendus et complexes : les besoins et les vœux des producteurs « remontent » assez bien vers les techniciens ou les hommes de science; toute grande firme a d'ailleurs ses propres départements de recherche.

En dépit de quoi, des obstacles nombreux s'opposent encore à la propagation la plus rapide et la plus étendue de la science appliquée et de la technique et à leur emploi socialement optimum.

La grande taille des unités de production et de leurs groupes, les rigidités des structures, les imperfections de la concurrence, l'extension des investissements publics, de la dépense publique et du secteur public (établissements publics, entreprises nationalisées) ont transformé les économies contemporaines de manière telle que leur fonctionnement et la distribution des ressources qui s'y opère ne peuvent pas être abandonnées à la régulation par le seul prix du marché. Ces économies appellent, sous des formes manifestes ou officieuses, des programmes et des plans, notamment ces plans nationaux qu'on

« Exercices d'application 65 nomme indicatifs ou actifs, pour marquer qu'ils comportent un dosage de régulations par le marché et de mesures publiques d'orientation, d'incitation et de pression, et qu'ils constituent des réducteurs du ris­ que et de l'incertitude (Pierre Massé) ...

Il est commode de considérer que la planification sociale porte sur l'enseignement, la santé, la nutri­ tion, le logement et le travail, comme si ces matières pouvaient être séparées d'un domaine« économique » et comme si un plan « écono­ mique >> devait être corrigé, rectifié par la prise en considération de variables sociales.

Mais, à la vérité, toute analyse et toute politique économiques sont envahies aujourd'hui par les variables dites« humai­ nes>> ou «sociales>> que l'étroitesse et les lacunes de la théorie conventionnelle avaient conduit à éliminer ou à minimiser sans le moin­ dre motif rationnel.

On tend à inclure ces éléments oubliés tant du côté des variables-objectifs que du côté des variables-moyens dans le plan de développement économique et social.

Si les plans occidentaux for­ mulent leurs objectifs en termes de croissance du produit réel, quel­ ques plans du Sud-Est asiatique retiennent des objectifs complexes (croissance du revenu réel moyen, éducation, santé).

En pays déve­ loppé ou en voie de développement, il n'est pas un plan qui ne range bien ou mal les dépenses de santé et d'hygiène, les dépenses d'éduca­ tion, les dépenses de logement et les dépenses de formation du travail­ leur parmi les moyens de réaliser les objectifs nationaux.

Les plans de développement sont marqués d'une puissante empreinte sociale.

Ils deviennent attentifs à la science et à la technique, plus préci­ sément à la Recherche-Développement considérée comme une vérita­ ble industrie motrice de l'économie nationale.

La science et tout ce qui en découle est un puissant ressort de la croissance.

L'aspect technique · des recherches qui dérivent de cette conviction est l'examen du « fac­ teur résiduel », de la« partie inexplorée » de la fonction de production, c'est-à-dire de ce « reste » étendu que le statisticien rencontre après avoir construit le produit national en le considérant comme une fonc­ tion homogène et linéaire du capital et du travail.

C� «reste >> appelé hâtivement et obscurément « progrès technique » contient un très grand nombre de ces facteurs que l'on ne peut démêler sans examiner de près les actions réciproques entre science-technique et économie. Une politique scientifique ne peut donc, même si elle s'assigne l'objectif autonorne du développement de la science, se concevoir à part du plan de développement économique et social dans \es pays depuis longtemps développés et dans ceux qui sont en voie de déve­ loppement. ■ F.

Perroux, Recherche et activité économique, A.

Colin, 1969, pp.

456 à 458.. »

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