Explication D'un Document « L'urss Au Grand Air », Affiche Du Mouvement « Paix Et Liberté »

Explication d'un document

« L'URSS au grand air «, affiche du mouvement « Paix et liberté «, 1951

Questions

1/ Présentez le document.

2/En analysant deux des scènes représentées sur ce document, montrez quel est le point de vue des auteurs.

3/ Identifiez différents aspects du système soviétique dans les années 50, illustrés dans ce document

4/ Quel aspect de la guerre froide ce document illustre t-il ?

1/ Présentez le document. Ce document iconographique est une affiche de propagande politique éditée en 1951 par une célèbre association anticommuniste, Paix et Liberté, dans contexte de guerre froide. En France, le Parti communiste, première force politique du pays, est dans l'opposition systématique aux différents gouvernements. Il dénonce la guerre coloniale en Indochine contre le Viêt-minh (mouvement d'obédience communiste, l'implication américaine dans la guerre de Corée et son caractère jugé belliqueux et impérialiste. Le PCF s'appuie sur le prestige de l'URSS et vante ses réalisations sociales. C'est cette image que souhaite démonter l'affiche. Sur un mode ironique, présentant au premier abord l'URSS sur le modèle d'une brochure touristique, sont dénoncées les réalités du régime totalitaire stalinien.

2/ En analysant deux des scènes représentées sur ce document, montrez quel est le point de vue des auteurs.

Premier corrigé possible : Toutes les vignettes représentées sur l'affiche jouent sur le même ressort, le contraste entre un thème annoncé (par ex « éducation «, « musées «) et les réalités que ces illustrations suggèrent. Les dessins montrent Staline en gouvernant unique du peuple (du haut du Kremlin, ils dispense la bonne parole avec un porte-voix sur la vignette « éducation «, il « formate « les esprits) constituant de surcroît la seule référence pour la population soviétique avec la reproduction à l'infini de son portrait (« Musées «). Il est ici directement fait allusion au caractère dictatorial du régime et à la pratique du culte de la personnalité. Les représentations de Staline au sein du musée renvoient à la propagande officielle qui le présente comme un être unique et infaillible. Autant de dérives que le mouvement « Paix et liberté « condamne.

Second corrigé possible : Cette affiche est d'abord un outil de propagande soviétique. Ainsi, la scène présentant l'éducation à la soviétique montre Staline qui, du haut du Kremlin, assène la propagande à la population. Pour Paix et Liberté, les projets éducatifs se limitent donc à diriger et à formater les esprits. Pourtant, sans nier cette réalité, l'URSS a également rencontré de nombreux succès dans le domaine de l'instruction. De même, la scène intitulée « la bonne chère « présente Staline comme un cochon diabolique qui s'engraisse avec le pillage fait par l'armée Rouge sur les pays libérés, c'est à dire les pays de l'Est. Le système du CAEM est ici dénoncé : destiné officiellement à renforcer les liens économiques entre pays du bloc de l'Est, le CAEM est en réalité perçu comme une entreprise de pillage avec le déplacement d'usines vers l'URSS par exemple.

3/ Identifiez différents aspects du système soviétique dans les années 50, illustrés dans ce document.

Corrigé possible 1 : Trois thèmes sont représentés dans l'ensemble des autres vignettes.

l'idée que l'URSS est un immense bagne où les populations sont obligées de travailler (« les grandes curiosités à découvrir à l'est du pays... au fond des mines). L'allusion est très claire, il s'agit de la dénonciation du goulag, ce système de camp de concentration (nombreux camps en Sibérie).

L'idée d'une militarisation à outrance du régime. Les militaires sont présents dans 6 des 10 vignettes, ils sont armés pour traquer les « ennemis du peuple « (« la chasse «). La vignette « footing « montre l'Armée Rouge défilant au pas derrière un char qui écrase les populations. Ils apparaissent donc comme les instruments de la répression jusqu'au-delà des frontières.

La dernière idée est celle de la mort omniprésente, mort provoquée par les armées, par les exécutions (« cures de repos «) ou encore par les conditions d'existence dans les camps sibériens (« Sport d'hiver «).

Cette affiche a donc un contenu très clair : le système de l'URSS est celui d'un régime totalitaire soumettant les peuples soviétiques et les pays de l'Est par la terreur.

Corrigé possible 2 : Cette affiche dénonce le modèle soviétique qui, selon Paix et Liberté, loin d'être soucieux de la vie « au grand air « pour ses concitoyens est en fait un régime totalitaire. Hormis le dirigisme économique qui n'est pas abordé, on en retrouve en effet toutes les caractéristiques : la terreur sous toutes ses formes, le culte de la personnalité et la propagande.  La terreur est le thème qui se prête le plus à la dénonciation puisque plusieurs scènes y font explicitement référence. Sont évoqués successivement : la poursuite des opposants et leur déportation, assimiliés respectivement à la chasse et aux excursions organisées en train ; leur internement dans de soi-disant stations thermales ; le travail forcé apparenté à des visites de mines ; et enfin leur mort à la suite de leur exécution ou des difficiles conditions de survie dans les camps. C'est une vision réaliste de l'URSS. Le Parti communiste est en effet un parti unique, toute opposition est perçue comme une atteinte contre l'Etat et donc pourchassée. Cette charge est confiée à une police politique nombreuse, le NKVD (puis KGB), qui encourage la dénonciation pour faciliter le contrôle total de la population. Lors des procès de Moscou de 1936-1938 puis des purges de l'après-guerre, les accusés sont amenés à dénoncer des innocents. Les condamnés étaient soit exécutés, soit déportés jusqu'en Sibérie pour être internés au Goulag (fait évoqués dans la vignette « stations thermales « qui est en fait un camp avec ses miradors et barbelés). La plupart se situaient au nord du pays dans les régions froides et enfermaient alors plus de 5 millions de détenus. Ces camps fonctionnaient avec le travail forcé. Du fait des conditions de vie et des conditions climatiques, la mortalité y était très élevée, comme le suggère la scène sur les sports d'hiver.  La figure de staline est présentée à trois reprises dans les scènes pour évoquer le culte de la personnalité. Les visites dans les musées se limitent, selon l'affiche, à la contemplation d'une suite ininterrompue de portraits de Staline. Son portrait est en effet omniprésent dans les rues, les usines , sa personne et sa politique sont vantées à la radio, au cinéma. Ce culte va être dénoncé en 1956 par son successeur Krouchtchev. Sa figure est également utilisée pour le présenter comme le maître d'oeuvre du régime totalitaire : c'est lui qui, du haut du Kremlin, vocifère la propagande officielle à la population, lui encore qui chevauche et dirige ce qui ressemble à un soldat asiatique à la frontière avec la Corée.

4/ Quel aspect de la guerre froide ce document illustre t-il ? Cette affiche évoque un pays qui serait un immense lieu de villégiature : le titre est explicite (« L'URSS au grand air «), les vignettes suggèrent des excursions, du footing, des cures thermales. Or les réalités sont celles du totalitarisme. Pour les auteurs, le modèle soviétique est conçu comme un grand mensonge dans lequel l'image du paradis socialiste et des « lendemains qui chantent « dissimule l'enfer des réalités. Ce document s'inscrit clairement dans un contexte de bipolarisation et d'affrontements idéologique. La guerre froide a été un moment de tensions militaires mais aussi doctrinales, où les deux camps utilisent la propagande Cette affiche de propagande est un des nombreux exemples de cette guerre idéologique que se livrent les deux blocs, le but étant de discréditer l'ennemi afin de restreindre son influence politique. Aux Etats-Unis, la lutte idéologique passe par la « chasse aux sorcières « pendant laquelle, au début des années 50, tous ceux soupçonnés d'avoir des sympathies communistes ont été pourchassés.