EXISTE-T-ELLE UNE NATURE HUMAINE UNIVERSELLE ?
Publié le 04/10/2010
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INTRODUCTION I) IL N’Y A PAS DE NATURE HUMAINE 1) La singularité ethnique 2) Le point de vue de la race 3) Le point de vue de l’histoire et de la culture Transition : II) L’AFFIRMATION D’UNE NATURE HUMAINE 1) Le point de vue scientifique 2) Le point de vue philosophique 3) La nature humaine en devenir Transition : III) LA NATURE HUMAINE COMME CONCEPT REGULATEUR 1) La nature humaine, une exigence méthodologique 2) La notion de nature humaine, une exigence morale CONCLUSION INTRODUCTION - L’expression “nature humaine” désigne généralement ce qui serait présent en tout homme, commun à tous les hommes , et qui correspondrait à un ensemble d’éléments et de comportements innés, héréditaires et spontanés. - Cette expression fait d'abord problème en ce qu’elle suggère une identité invariable et un destin indépassable, car, par définition, “on n’échappe pas à sa nature”. Parler de nature humaine revient donc à postuler qu'il existe une définition de l'homme qui s'appliquerait à tous et à chacun d'entre eux. - Or, lorsqu'on observe les hommes, ce qu'on voit, ce n'est pas l'identité, ce qu'ils ont de commun, mais des différences, une diversité qui semble ruiner l'idée même d'une nature humaine. - Le problème est donc le suivant : d'un côté on parle de nature humaine, d'essence de l'homme et il semble que cette idée d'une définition de ce qu'est l'homme soit légitime. Mais de l'autre, il semble que cette idée soit vaine parce que les différences observables entre les individus sont telles qu'ils semblent n'avoir rien en commun. - Qui plus est, au nom d'une certaine idée de l'homme et en raison de différences observables entre eux, on a pu refuser le statut d'homme à des êtres qui pourtant étaient des membres de l'espèce humaine (exemple des Noirs ou des Juifs). De même, lorsque nous disons de certains êtres humains qu'ils sont des bêtes en raison de leur violence ou de la monstruosité de leurs actes, n'est-ce pas leur refuser le statut d'homme ? - En même temps, renoncer à l'idée de nature humaine revient à s'interdire de penser l'égalité fondamentale des hommes entre eux, au-delà de leur diversité. En effet, n'est-ce pas le concept de nature humaine qui permet de construire les autres comme semblables ? Et ne sommes-nous pas dans l'inhumain quand est rompue l'unité du genre humain au profit d'une classification hiérarchisée entre humains et non-humains ? - Le concept de nature humaine renvoie tout à la fois à la question de la connaissance qu’il est possible d’avoir de l’homme (qu’est-ce que l’homme ?) mais aussi à celle du rapport que nous devons avoir à nos semblables. La question « y a-t-il une nature humaine ? « nous met donc en demeure de fonder la nature humaine dans un critère qui ne doit exclure aucun homme mais qui doit fonder une égalité fondamentale des hommes entre eux, au-delà de leur diversité apparente. I) IL N’Y A PAS DE NATURE HUMAINE - Parler de nature humaine, c’est se référer à un fond permanent et commun à tous les hommes, par-delà les évidentes différences d'apparence physique, de moeurs, de lois. Or cet universel semble en contradiction avec ce qui caractérise fondamentalement les hommes, savoir l’aptitude à la différence culturelle. Qui plus est, la notion de nature humaine n’est pas fondamentalment dangereuse et impropre à penser non seulement l’humanité mais l’égalité entre les hommes ? L’universel qu’est censé incarner la notion de nature humaine parler de peut être refusé de trois façons : au nom de la singularité ethnique, au nom de la race, au nom de la culture ou de la liberté. 1) La singularité ethnique - L'idée d'homme est restée ignorée de la plupart des civilisations passées. L'idée d'humanité n'est pas une idée éternelle. Sa constitution a exigée le contact avec d'autres peuples, ainsi qu'une problématisation explicite du rapport entre les peuples. - La thèse relativiste, celle de Montaigne : il y a entre les hommes diversité : " il y a plus de distance de tel homme à tel homme qu'il n'y a de tel homme à telle beste " (Montaigne, Essais, I, XLII, " De 'inégalité qui est entre nous "). Cette diversité est sans doute le seul critère véritable propre à l'humanité : le genre humain comporte presque autant de sortes d'hommes qu'il y a d'espèces animales. La notion de nature humaine nous interdit de penser cette diversité, elle a une forte teneur ethocentriste puisque c’est elle qui a permis de construire la notion de barbarie. - Evoquer ici la question de l’ethnocentrisme : tendance à réduire l’humanité à un seul peuple, celui dont on fait partie. La nature humaine désigne la singularité ethnique qui entend s’universaliser. Elle manifeste un refus de l’autre. D’après Lévi-Strauss, 2) Le point de vue de la race - A la différence de l'ethnocentrisme qui exprime le besoin d'un autre à nier pour être, le racisme repose non plus sur une réalité objective (l'ethnie, le peuple), mais sur un fantasme (la "race"). Le racisme “différentialiste” notamment (cf. Taguieff), qui met l’accent sur la “différence” entre les races et qui obéit à une logique d’extermination systématique de l’autre (ex: nazisme), est la négation la plus radicale, la plus tragique, de l’idée de nature humaine. D’après cette théorie, ce qu’on appelle « les hommes « est un ensemble hétérogène et inégal constitué par des « races « hiérarchiquement réparties. Le racisme est fondé sur l'affirmation de la supériorité d’une “race” ou d’un “peuple” et sur la justification, à partir de cet axiome, de son droit à dominer les autres groupes, ou “races”, tenus pour inférieurs. 3) Le point de vue de l’histoire et de la culture - Autre manière de nier la nature humaine au nom cette fois de l'histoire et de la culture : il n'y a pas de nature humaine universelle, identique en tout temps et en tout lieu; ce qui fait l'homme, ce n'est pas un ensemble de caractère a priori, mais une série d'acquis historiquement produits et culturellement déterminés. Notion denature humaine définie ici comme essence immuable et éternelle, comme destin indépassable. - La notion rousseauiste de perfectibilité au fondement de l’historicité de l’homme. Ce qui fait l’identité des hommes, c’est qu’ils sont tous des hommes de culture. La nature de l’homme consiste alors, si l’on peut dire, à ne pas en avoir a priori. Nature absolument libre, l’homme peut se faire, se choisir, il n’a pas d’essence prédéfinie. C’est donc la liberté qui fait l’homme, ce pouvoir de choisir qui fait du sujet humain la cause première et volontaire de sa conduite, et en lequel résident la dignité et la responsabilité humaines. C’est cette ouverture permanente vers les possibles dont témoigne l’historicité humaine. La liberté est la faculté de s'écarter de soi en même temps que du monde ou des contextes particuliers dans lesquels on est englué. - D’où la célèbre affirmation de Sartre dans L’existentialisme est un humanisme selon laquelle l’homme n’a pas de nature, à la différence des objets ou des êtres inertes, c’est-à-dire dépourvus de conscience. Il n’y a pas de nature humaine mais seulement une condition humaine, définissable par quelques traits universels (les nécessités de la mort, d’une vie avec les autres, etc. ). Paradoxalement, la seule nature de l’homme est de ne pas en avoir. L’homme a une condition et une histoire, une histoire individuelle qui prend place dans une histoire collective. Or, tout ce qui a une histoire n’a pas de définition parce que tout ce qui a une histoire est en devenir et on ne peut définir que ce qui ne devient pas, ce qui est déterminé de telle sorte que quoi qu’il arrive, ce qui est ne devient pas, ou pas foncièrement, pas essentiellement. Exister , c’est toujours être ce qu’on n’est pas, et ne pas être ce qu’on est. Exemples du voyou (Jean Genet) et du mythe de l’éternel féminin (Simone de Beauvoir). - Cette non-coïncidence de l’homme avec soi-même ou avec une situation (caractéristique de la conscience), Sartre l’appelle le néant. Je suis toujours séparé de moi-même par ce néant qui est la marque de la conscience. “L’existence précède l’essence ”: c’est par son choix que l’homme détermine son essence. En choisissant, il se choisit en quelque sorte lui-même dans ce choix. L’homme est entièrement libre dans toutes les circonstances et dans chacun de ses actes. La liberté est l’essence de notre existence. - La notion de nature humaine peut alors servir à nier cette liberté qui est souvent lourd à porter. Dire qu’il y a une nature humaine est un acte de mauvaise foi. Transition : - Y a-t-il une nature humaine, si l’on entend par nature humaine un universel, une essence immuable, une définition ? Il nous est apparu, en premier lieu, que cette notion de nature humaine n’est pas simple à penser : l'élaboration de l'idée de genre humain est liée à la témoigne de la force et de l'universalité du préjugé ethnocentriste. Ensuite, la négation de cette notion, comme on l’a vu avec le racisme, peut jouer dans un double sens : soit elle est le fondement de l’idée même de tolérance et, dans cette optique relativiste, nier l’existence d’une nature humaine revient à accepter et à valoriser les différences entre les hommes ; soit elle sert au contraire à hiérarchiser les hommes et à en exclure certains de l’espèce humaine : la négation de la nature humaine est porteuse d’une logique d’extermination systématique de l’autre. En même temps, cette notion semble relever d’une attitude de mauvaise foi qui interdit à l’homme d’assumer sa liberté et sa responsabilité qui sont de tous les instants. Or, est-il possible de parler d’une nature humaine en évitant ces apories ? II) L’AFFIRMATION D’UNE NATURE HUMAINE - Si la négation de la nature humaine semble aporétique et si l’on peut tout aussi bien exclure l’autre en niant ou en affirmant l’existence d’une nature humaine, de quel point de vue peut-on parler de nature humaine ? Que recouvre exactement cette idée ? 1) Le point de vue scientifique - Contrairement à ce que pense Sartre, ce n’est pas l’existence qui précède l’essence mais le contraire. Comment un être vivant pourrait-il exister - agir, choisir, créer - sans être d’abord ceci ou cela - un corps, un cerveau, une essence génétiquement déterminée ? Il faut être d’abord pour exister ou pour choisir quoi que ce soit. Mais que l’essence précède l’existence, cela ne signifie nullement que l’existence se réduise à l’essence. Qu’il faille être fait - par la nature, par ses gènes -, avant de se faire comme dit Sartre, cela n’empêche qu’on se fasse aussi, qu’on se construise, qu’on se transforme, et c’est ce qui distingue un homme d’un coupe-papier pour reprendre l’exemple que donne Sartre dans L’existentialisme est un humanisme. - La biologie nous enseigne, en effet, que l’homme a bien une essence, une nature: s’il est vrai que l’homme n’a pas de nature, dans ce cas comment se fait-il que nous nous méfions des manipulations génétiques et que nous en appelions à la bioéthique? Existent, en effet, des traits communs à tous les êtres humains (le langage et les apprentissages, par exemple, qui sont, selon J. Monod et F. Jacob, génétiquement programmés; la démesure, le fantasme, le délire qui sont, selon E. Morin, dans notre nature et que nous transformons en ordre, rationalisons ;certaines émotions fondamentales…); nous sommes hommes par nature : les possibilités exceptionnelles de l’espèce humaine proviennent de l’évolution naturelle des espèces; les comportements des animaux, comme l’expliquent les éthologues, sont souvent des ébauches des nôtres (ils sont capables de sensations, d’émotions et, chez certains d’entre eux, de comportements altruistes, érotiques, etc.). - Cette essence ou nature nous laisse cependant une marge de jeu, d’indétermination, de choix qui n’abolit pas notre nature, mais qui lui permet au contraire de s’exprimer. - D’autre part, l'idée de nature humaine ne saurait, au regard de la science, justifier le rejet, l'exploitation, la hiérarchisation des êtres humains. Elle peut au contraire donner un fondement puissant à l'idée d'une unité du genre humain, laquelle rend possible l'idée d'une égalité du genre humain, même si la science, encore une fois, dit ce qui est et non ce qui doit être. Contrairement à la théorie raciste, la science nous enseigne d'abord l'unité génétique et phylogénétique du genre humain. Il y a beaucoup plus de points communs que de différences entre les deux types physiques les plus éloignés l'un de l'autre – par exemple un Norvégien et un Papou. Tous les hommes appartiennent à un même genre (Homo) et à une même espèce (Sapiens). Au sein de cette espèce, les hommes forment tous une même variété (sapiens). - A la question : « y a-t-il une nautre humaine, la science répond incontestablement oui. Nous avons une nature au même titre que les êtres vivants mais une nature bien évidemment spécifique. 2) Le point de vue philosophique - La notion de naure humaine répond qui plus est à une exigence légitime et ancienne d’une recherche de l’homme sur lui-même qu’on retrouve au fronton du temple de Delphes (“connais-toi toi-même”) et qui était déjà l’exigence socratique, avant d’être aussi celle de Kant (“qu’est-ce que l’homme”). - Recherche d’abord d’une définition de l’homme au sein de la nature . Définition par le genre prochain et la différence spécifique : l’homme, animal doué de parole, de raison, de sociabilité. Ici sont réunis en un seul concept les deux usages du mot « nature « - la nature comme réalité physique et la nature comme essence. L’accent est mis ou bien sur les valeurs intellectuelles ou psychologiques de la pensée et de la parole, ou bien sur les valeurs éthiques et juridiques de la dignité et du respect. - Recherche également d’une unité de l’homme, comme on le voit dans la cnception des droits de l’homme. 3) La nature humaine en devenir - Si nature humaine il y a, il faut entendre cette notion non point comme une essence immuable ou une définition a priori de l’homme, mais comme quelque chose qui ne nous est pas donné par naturte comme sa nature est donnée à l’animal dans une sorte de perfection. La nature humaine est à accomplir dans l’éducation (cf. Kant) pour ce qui regarde l’individu et dans le devenir historique pour ce qui concerne l’espèce humaine. - Différence entre une nature animale statique, au sens où elle a déjà tout donné à l’animal (cf. Rousseau : “[…] un animal est au bout de quelques mois ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu’elle était la première année de ces mille ans”, Discours sur l’origine de l’inégalité), et une nature humaine qui se manifeste dans un devenir. L anature humaine est de l’ordre du devenir que l’homme se réapproprie pour accomplir ce qu’il est appelé à être. C’est à l’humanité qu’incombe la tâche de se donner sa propre nature. Il y a une nature humaine mais elle est à distance et, à ce titre, elle est problématique. Transition : - Si l’idée de nature humaine au sens d’essence immuable nous a paru aporétique, la notion de nature humaine telle que l’envisage la biologie, qui permet de fournir une première conception de l’unité du genre humain, dans une volonté de définir la spécificité de l’homme, est plus satisfaisante. Si nature humaine il y a, elle désigne une tâche à accomplir dans l’éducation et le devenir historique. Elle n’est pas donnée une fois pour toute comme chez l’animal mais à réaliser à titre d’idéal. Si la nature humaine semble corresponder à une réalité biologique, ne désigne-t-elle pas fondamentalement un concept régulateur ? III) LA NATURE HUMAINE COMME CONCEPT REGULATEUR - Y a-t-il une nature humaine ? Oui, si l’on entend par là un concept régulateur, une idée de la raison, une exigence pour penser nos rapports avec les autres. 1) La nature humaine, une exigence méthodologique - La notion de nature humaine relève d’une construction méthodologique : chez Rousseau, elle est la norme à l’aune de laquelle il condamne la société et distingue la “nature originaire” de l’homme par rapport à sa “nature actuelle” qui est, en tant que culturelle, dépravée et artificielle. La question est non seulement de savoir ce qu’est la nature de l’homme, mais aussi de connaître ce qui en est encore repérable dans ce qu’il est devenu. L’idée de nature renvoie ici à celle d’essence, c’est-à-dire aux caractéristiques permanentes et récurrentes qui permettraient de définir l’homme. - De même, dans Les structures élémentaires de la parenté, Lévi-strauss reprend la distinction rousseauiste entre nature et société, et montre que le concept de nature, qui ne saurait avoir la moindre signification historique, est un bon instrument de méthode pour le sociologue : “la distinction entre état de nature et état de société…présente une valeur logique qui justifie pleinement son utilisation, par la sociologie moderne, comme un instrument de méthode. L’homme est un être biologique en même temps qu’un individu social…”. 2) La notion de nature humaine, une exigence morale - La nature humaine, dans sa prétention à l'universalité, renvoie à l'idée d'une égalité fondamentale des hommes, d'une homogénéité de l'humanité au-delà de la diversité constatable. Le concept de nature humaine est un concept qui mène à poser les hommes comme égaux, quelles que soient leurs différences et qui ne doivent pas devenir des différences. - L’unité du genre humain relève d’une exigence morale fondamentale qui est nécessaire contre l’exclusion, l’oppression, le sous-développement ou la misère. Selon Tzvetan Todorov, l’universalité est un instrument d’analyse, un « principe régulateur permettant la confrontation féconde des différences «. Ce qui est universel, c’est notre appartenance biologique à la même espèce, c’est la liberté ou la perfectibilité, de sorte qu’il convient de reconnaître à la fois l’unité fondamentale du genre humain et la pluralité des cultures. Eviter un mauvais usage de la notion de nature humaine qui peut servir à l’exclusion. - Un bon usage : ne pas faire de notre humanité particulière le modèle de l’humanité en général. Toutes les voies de déploiement de la nature humaine sont à explorer et à suivre, à condition qu’elles ne protent pas atteinte à la dignité de l’homme et aux droits fondamentaux de l’homme. - La notion de nature humaine préside à la notion de droit naturel et de droit de l’homme. Universalité de certains principes éthiques dont la validité n’est pas limitée au domaine d’une culture donnée. Ces principes, ces normes sont posés comme transcendants, dès lors qu’ils sont définis, non comme un fait, mais comme un idéal dont il faut sans cesse se rapprocher. Les droits de l’homme ne sont pas une culture; ils définissent les principes formels qui permettent de juger des cultures, à commencer par la nôtre. Ils permettent de déterminer ce qui n’est pas acceptable, ils définissent les critères qui permettent de juger. CONCLUSION - S’il y a une nature humaine, elle est toujours à distance de l’homme, elle est toujours à réaliser, mais jamais entièrement actualisée. Aucune manifestation de l’humanité ne détient et ne peut revendiquer pour elle seule la nature humaine. Cette dernière est davantage ce que nous devons poser en pensée pour comprendre l’égalité des hommes, que ce que la pratique ou la réalité nous donnent, même si la notion de nature humaine a une pertinence biologique qui permet du reste de réfuter la conception raciste. La nature humaine est au fond un concept régulateur de notre rapport à autrui, à l’étranger, qui confirme que, quelle que soit son étrangeté, cette étrangeté que nous constatons dans sa langue, dans ses coutumes, dans ses manières de vivre, de penser, de sentir, l’autre est encore un alter ego.
«
éternelle.
Sa constitution a exigée le contact avec d'autres peuples, ainsi qu'une problématisation explicite durapport entre les peuples.
- La thèse relativiste, celle de Montaigne : il y a entre les hommes diversité : " il y a plus de distance de tel hommeà tel homme qu'il n'y a de tel homme à telle beste " (Montaigne, Essais, I, XLII, " De 'inégalité qui est entre nous ").Cette diversité est sans doute le seul critère véritable propre à l'humanité : le genre humain comporte presqueautant de sortes d'hommes qu'il y a d'espèces animales.
La notion de nature humaine nous interdit de penser cettediversité, elle a une forte teneur ethocentriste puisque c'est elle qui a permis de construire la notion de barbarie.
- Evoquer ici la question de l'ethnocentrisme : tendance à réduire l'humanité à un seul peuple, celui dont on faitpartie.
La nature humaine désigne la singularité ethnique qui entend s'universaliser.
Elle manifeste un refus del'autre.
D'après Lévi-Strauss,
2) Le point de vue de la race
- A la différence de l'ethnocentrisme qui exprime le besoin d'un autre à nier pour être, le racisme repose non plus surune réalité objective (l'ethnie, le peuple), mais sur un fantasme (la "race").
Le racisme “différentialiste” notamment(cf.
Taguieff), qui met l'accent sur la “différence” entre les races et qui obéit à une logique d'exterminationsystématique de l'autre (ex: nazisme), est la négation la plus radicale, la plus tragique, de l'idée de nature humaine.D'après cette théorie, ce qu'on appelle « les hommes » est un ensemble hétérogène et inégal constitué par des «races » hiérarchiquement réparties.
Le racisme est fondé sur l'affirmation de la supériorité d'une “race” ou d'un“peuple” et sur la justification, à partir de cet axiome, de son droit à dominer les autres groupes, ou “races”, tenuspour inférieurs.
3) Le point de vue de l'histoire et de la culture
- Autre manière de nier la nature humaine au nom cette fois de l'histoire et de la culture : il n'y a pas de naturehumaine universelle, identique en tout temps et en tout lieu; ce qui fait l'homme, ce n'est pas un ensemble decaractère a priori, mais une série d'acquis historiquement produits et culturellement déterminés.
Notion denaturehumaine définie ici comme essence immuable et éternelle, comme destin indépassable.
- La notion rousseauiste de perfectibilité au fondement de l'historicité de l'homme.
Ce qui fait l'identité des hommes,c'est qu'ils sont tous des hommes de culture.
La nature de l'homme consiste alors, si l'on peut dire, à ne pas enavoir a priori.
Nature absolument libre, l'homme peut se faire, se choisir, il n'a pas d'essence prédéfinie.
C'est donc laliberté qui fait l'homme, ce pouvoir de choisir qui fait du sujet humain la cause première et volontaire de sa conduite,et en lequel résident la dignité et la responsabilité humaines.
C'est cette ouverture permanente vers les possiblesdont témoigne l'historicité humaine.
La liberté est la faculté de s'écarter de soi en même temps que du monde oudes contextes particuliers dans lesquels on est englué.
- D'où la célèbre affirmation de Sartre dans L'existentialisme est un humanisme selon laquelle l'homme n'a pas denature, à la différence des objets ou des êtres inertes, c'est-à-dire dépourvus de conscience.
Il n'y a pas de naturehumaine mais seulement une condition humaine, définissable par quelques traits universels (les nécessités de lamort, d'une vie avec les autres, etc.
).
Paradoxalement, la seule nature de l'homme est de ne pas en avoir.
L'hommea une condition et une histoire, une histoire individuelle qui prend place dans une histoire collective.
Or, tout ce quia une histoire n'a pas de définition parce que tout ce qui a une histoire est en devenir et on ne peut définir que cequi ne devient pas, ce qui est déterminé de telle sorte que quoi qu'il arrive, ce qui est ne devient pas, ou pasfoncièrement, pas essentiellement.
Exister , c'est toujours être ce qu'on n'est pas, et ne pas être ce qu'on est.Exemples du voyou (Jean Genet) et du mythe de l'éternel féminin (Simone de Beauvoir).
- Cette non-coïncidence de l'homme avec soi-même ou avec une situation (caractéristique de la conscience),Sartre l'appelle le néant.
Je suis toujours séparé de moi-même par ce néant qui est la marque de la conscience.“L'existence précède l'essence ”: c'est par son choix que l'homme détermine son essence.
En choisissant, il sechoisit en quelque sorte lui-même dans ce choix.
L'homme est entièrement libre dans toutes les circonstances etdans chacun de ses actes.
La liberté est l'essence de notre existence.
- La notion de nature humaine peut alors servir à nier cette liberté qui est souvent lourd à porter.
Dire qu'il y a unenature humaine est un acte de mauvaise foi.
Transition :
- Y a-t-il une nature humaine, si l'on entend par nature humaine un universel, une essence immuable, une définition? Il nous est apparu, en premier lieu, que cette notion de nature humaine n'est pas simple à penser : l'élaboration del'idée de genre humain est liée à la témoigne de la force et de l'universalité du préjugé ethnocentriste.
Ensuite, lanégation de cette notion, comme on l'a vu avec le racisme, peut jouer dans un double sens : soit elle est lefondement de l'idée même de tolérance et, dans cette optique relativiste, nier l'existence d'une nature humainerevient à accepter et à valoriser les différences entre les hommes ; soit elle sert au contraire à hiérarchiser leshommes et à en exclure certains de l'espèce humaine : la négation de la nature humaine est porteuse d'une logiqued'extermination systématique de l'autre.
En même temps, cette notion semble relever d'une attitude de mauvaise foiqui interdit à l'homme d'assumer sa liberté et sa responsabilité qui sont de tous les instants.
Or, est-il possible de.
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