EXERCICE bérénice racine

Séance 5 : Extrait de Bérénice, Jean Racine, IV, 5.

Titus vient de monter sur le trône de Rome. Depuis longtemps, il aime Bérénice, reine de Palestine. Au début de la pièce, Titus s’apprête à l’épouser. Mais le Sénat de Rome est hostile à cette union, car l’une de ses lois interdit au roi d’épouser une reine étrangère. Après de douloureuses hésitations, Titus décide de respecter la loi romaine et donc de quitter à jamais Bérénice, en la renvoyant dans son pays. Dans la scène qui suit, Titus vient d’annoncer cette décision à Bérénice. Ses derniers mots furent : « Car enfin ma princesse, il faut nous séparer ».

BERENICE

Ah ! cruel ! Est-il temps de me le déclarer ?

Qu’avez-vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée.

Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée

Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois,

Quand je vous l’avouai pour la première fois ? 

A quel excès d’amour m’avez-vous amenée !

Que ne me disiez-vous « Princesse infortunée

Où vas-tu t’engager, et quel est ton espoir ?

Ne donne point un cœur qu’on ne peut recevoir. »

Ne l’avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre, 

Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ?

[...] [Dans les répliques qui suivent, Titus essaye de justifier sa décision aux yeux de Bérénice.]

BERENICE

Hé bien ! régnez, cruel ; contentez votre gloire :

Je ne dispute plus. J’attendais, pour vous croire,

Que cette même bouche, après mille serments

D’amour qui devait unir tous nos moments,

Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle,

M’ordonnât elle-même une absence éternelle. 

Moi-même j’ai voulu vous entendre en ce lieu.

Je n’écoute plus rien, et pour jamais adieu.

Pour jamais ! Ah ! seigneur, songez-vous en vous-même

Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?

Dans un mois, dans un an, comment souffririons-nous,

Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?

Que le jour recommence et que le jour finisse,

Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,

Sans que de tout le jour je puisse voir Titus !

Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !

L’ingrat, de mon départ consolé par avance,

Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?

Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts. 

⎝ Lisez plusieurs fois le texte afin d’en éclairer le sens.

⎝ Vous vous interrogerez sur les intentions de Bérénice dans ce discours : 

En quoi son discours relève-t-il du blâme ? Et que cherche-t-elle à provoquer en parlant ainsi à Titus ?