Etude du Chapitre 3 de Candide
Publié le 12/09/2006
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L'extrait est issu du chapitre 3 du conte philosophique Candide, de Voltaire. L'enjeu ici se situe autour d'une vision ironique de la guerre. texte: COMMENT CANDIDE SE SAUVA D'ENTRE LES BULGARES, ET CE QU'IL DEVINT Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l'avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais Mlle Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent quand il fut en Hollande ; mais ayant entendu dire que tout le monde était riche dans ce pays-là, et qu'on y était chrétien, il ne douta pas qu'on ne le traitât aussi bien qu'il l'avait été dans le château de monsieur le baron avant qu'il en eût été chassé pour les beaux yeux de Mlle Cunégonde. ANNONCE DES AXES ETUDE I Une vision particulière de la guerre La guerre est présentée de façon inattendue : l'accent est mis sur son aspect esthétique au début du passage. 1. l'aspect esthétique On remarque quatre adjectifs élogieux intensifiés par « si «: beau «, « lest «, « brillant «, « ordonné «. C'est un véritable spectacle, à rapprocher d'un tableau. De même, il y'a un accompagnement musical: insistance sur « l'harmonie «, les « Te Deum « finals. 1. la justification de la guerre Le massacre est ici moralement et socialement justifié: « infectaient «, « coquins « présentent les victimes comme des coupables. La guerre serait donc une mesure d'assainissement. 1. la comptabilité Le narrateur tient une véritable comptabilité des tués, et énumère les chiffres et le total final sans manifester aucune émotion: comme si l'importance des chiffres traduit à elle seule l'opinion de l'auteur et valoriser la guerre (cf. les communiqués militaires). De même, il fait des approximations avec désinvolture: « à peu près «. « le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes «: déshumanise les morts en les considérant dans un ensemble uniforme. II Les images de la « boucherie « Voltaire fait ici voir les évènements à travers les yeux de Candide, qui découvre les effets de la « boucherie héroïque « en passant dans un village qui a été détruit et dont les habitants ont été massacrés; l'horreur de la guerre est vue de façon très réaliste, et l'écriture change: changement de temps du passé simple à l'imparfait, temps de la description; le regard de Candide se développe. 1. la diversité des victimes Toutes les victimes sont répertoriées: femmes, enfants, vieillards. Une description d'un réalisme très cru montre l'ampleur des massacres: le champ lexical de la violence est très étendu et diversifié, désigne les actes meurtriers des soldats et leurs résultat: « criblés de coups «, « égorgées «, « éventrées «, « brûlées «, etc. (assonance en « é «); Le narrateur précise des détails anatomiques horribles, suggère la souffrance des agonisants, et montre qu'il s'agit de familles entières. 1. la réciprocité Ces massacres se produisent dans les deux camps, « Bulgares « et « Abars «: le comportement similaire des deux armées montre que ces massacres sont la conséquence directe de la guerre; la barbarie n'appartient pas qu'à un seul camp. III La dénonciation et son efficacité En principe, la description très réaliste de la guerre et de ses conséquences devrait suffire à la rendre condamnable, mais Voltaire a utilisé d'autres moyens pour la dénoncer: la double vision et l'ironie; il cherche à attirer l'attention de son lecteur par des effets de décalage. 1. une légitimité apparente La guerre aurait avant tout une légitimité esthétique: Voltaire la montre ironiquement comme un spectacle (champ lexical du spectacle, conception théâtrale de la guerre: « héroïque «), puis il décrit de façon très réaliste ses conséquences avec les massacres de civils. Il s'agit là de deux visions inconciliables de la guerre; il évoque également la complicité de la religion : « Te Deum «. 1. la responsabilité La responsabilité de la guerre est identique dans les deux camps, et incombe à leurs souverains: « les deux rois « et à leur appétit de conquête. On trouve dans la description de la bataille des images implicites de la critique; par exemple le dernier instrument évoqué est « le canon «: la guerre n'est pas de la musique, mais la mort. « telle qu'il n'y en eu jamais en enfer « monde de l'insoutenable, de l'inimaginable. Voltaire discrédite ironiquement Candide: « tremblait comme un philosophe «; il discrédite sérieusement son aveuglement, cr au milieu des massacres: « et n'oubliant jamais Mlle. Cunégonde «. CONCLUSION Les moyens mis en oeuvre par Voltaire pour la dénonciation sont ici diverses: la description réaliste, mais également l'ironie et la critique déguisée. Ce chapitre peut être lu de plusieurs façons; on peut le considérer dans une perspective simplement narrative: c'est le premier choc de Candide, qui le confronte au problème de la guerre. Il y'a également une lecture philosophique: c'est l'apparition pour lui du mal sur la terre => texte représentatif du XVIIIème, où la guerre est un thème récurrent.
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massacres: le champ lexical de la violence est très étendu et diversifié, désigne les actes meurtriers des soldats et leurs résultat:« criblés de coups », « égorgées », « éventrées », « brûlées », etc.
(assonance en « é »); Le narrateur précise des détailsanatomiques horribles, suggère la souffrance des agonisants, et montre qu'il s'agit de familles entières.
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la réciprocitéCes massacres se produisent dans les deux camps, « Bulgares » et « Abars »: le comportement similaire des deux armées montreque ces massacres sont la conséquence directe de la guerre; la barbarie n'appartient pas qu'à un seul camp.
III La dénonciation et son efficacitéEn principe, la description très réaliste de la guerre et de ses conséquences devrait suffire à la rendre condamnable, mais Voltairea utilisé d'autres moyens pour la dénoncer: la double vision et l'ironie; il cherche à attirer l'attention de son lecteur par des effetsde décalage.
1.
une légitimité apparenteLa guerre aurait avant tout une légitimité esthétique: Voltaire la montre ironiquement comme un spectacle (champ lexical duspectacle, conception théâtrale de la guerre: « héroïque »), puis il décrit de façon très réaliste ses conséquences avec lesmassacres de civils.
Il s'agit là de deux visions inconciliables de la guerre; il évoque également la complicité de la religion : « TeDeum ».
1.
la responsabilitéLa responsabilité de la guerre est identique dans les deux camps, et incombe à leurs souverains: « les deux rois » et à leur appétitde conquête.
On trouve dans la description de la bataille des images implicites de la critique; par exemple le dernier instrumentévoqué est « le canon »: la guerre n'est pas de la musique, mais la mort.
« telle qu'il n'y en eu jamais en enfer » monde del'insoutenable, de l'inimaginable.Voltaire discrédite ironiquement Candide: « tremblait comme un philosophe »; il discrédite sérieusement son aveuglement, cr aumilieu des massacres: « et n'oubliant jamais Mlle.
Cunégonde ».
CONCLUSION
Les moyens mis en oeuvre par Voltaire pour la dénonciation sont ici diverses: la description réaliste, mais également l'ironie et lacritique déguisée.
Ce chapitre peut être lu de plusieurs façons; on peut le considérer dans une perspective simplement narrative: c'est le premierchoc de Candide, qui le confronte au problème de la guerre.
Il y'a également une lecture philosophique: c'est l'apparition pour luidu mal sur la terre => texte représentatif du XVIIIème, où la guerre est un thème récurrent..
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