Être - philosophie.
Publié le 08/05/2013
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Pierre Aubenque a donné avec le Problème de l’être chez Aristote (1962) l’une des plus importantes études sur le sujet.
5 DIEU ET L’ÊTRE
Prenant racine dans la difficile confrontation de l’hellénisme et du judaïsme et traduisant en termes grecs l’ Ehyeh asher Ehyeh (du livre de l’Exode, III, 14) par egô eimi o ôn, puis en latin par ego sum qui sum (« Je suis celui qui suis »), il s’est élaboré
dans le judaïsme, le christianisme et l’islam ce qu’on a pu appeler une ontologie mosaïque ou « du buisson ».
Mais l’un des débuts et sans doute des plus étonnants de cette identification de Dieu à l’être, préparée chez Aristote et dans le platonisme, se trouve hors de l’exégèse biblique chez Plutarque dans son opuscule Sur l’E de Delphes qui permet
l’attribution du einai infinitif à Dieu.
Cet infinitif convient à Dieu libérant l’être des flexions temporelles du devenir.
Il s’élabore à partir de là ce qui fut tardivement nommé « ontothéologie ».
Cette « métaphysique de l’Exode » — selon l’expression d’Étienne Gilson — se prolonge bien au-delà du Moyen Âge, chez Schelling par exemple (J.-F.
Courtine, l’Interprétation
schellingienne d’Exode, III, 14, in Celui qui est ).
Mais elle a toujours rencontré des résistances.
Elle contribue selon l’expression de Pascal a forger un « Dieu des philosophes ».
Ces résistances se rencontrent jusqu’à Kierkegaard et au-delà.
Aujourd’hui encore la question suscite des textes décisifs ; ainsi celui de Jean-Luc Marion, Dieu sans l’être.
6 LES CONDITIONS TRANSCENDANTALES DE L’ÊTRE
La problématique des conditions transcendantales de l’être, très importante dans la scolastique et inaugurée par le chancelier Philippe (mort en 1236), peut trouver son énoncé le plus bref dans l’expression A liquid ens est unum, verum, bonum.
Elle trouve dans la philosophie contemporaine des résonances inattendues.
Giorgio Agamben, par exemple, dans la Communauté qui vient.
Théorie d’une singularité quelconque, reprend le fil de cette pensée, marquant qu’on s’interroge souvent sur
les attributs ( unum, verum, bonum, etc.) alors que ce qui est problématique, c’est le aliquid (ou plutôt quodlibet chez Agamben) : ce qui est en jeu, c’est la possibilité de penser non pas n’importe quel être mais l’être quelconque ou, si l’on peut
s’exprimer ainsi, la quelconcité (on peut rapprocher cette question de celle soulevée par Gilles Deleuze dans son dernier texte, L’immanence.
Une vie, où il insiste sur l’importance et le sens du pronom indéfini).
Avec les conditions transcendantales de
l’être, mais encore avec la théologie des limbes, se trouvent réunis d’importants concepts qui renouvellent l’approche des questions contemporaines sur la communauté, l’identité, les valeurs.
7 L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE : KANT
Bien que les développements de la pensée médiévale sur Dieu et l’être ne se bornent pas à l’élaboration d’une « preuve ontologique » de l’existence de Dieu (l’essence de Dieu implique son existence), les discussions que cette preuve n’a jamais cessé
de susciter engagèrent bientôt plus la métaphysique que la théologie.
Après Descartes, Leibniz ou Wolff, Kant prend position et élabore une critique décisive de l’argument ontologique.
Ainsi, par exemple, dans le célèbre passage de la Critique de la raison pure (4e section de « l’Idéal des raisonnements dialectiques ») où
il établit que l’être n’est pas un prédicat réel (voir déjà en 1763 l’Unique fondement d’une preuve de l’existence de Dieu ).
L’existence n’ajoute pas au concept et, si certes je suis plus riche avec cent thalers réels qu’avec cent thalers possibles en poche,
le concept même de cent thalers est le même, qu’ils soient ou non réels, existants, étants.
Il s’agit là d’un point essentiel sur lequel se fonde toute la pensée de Kant dans son rapport à la métaphysique de Wolff et à l’empirisme de Hume : l’être
(existence) ne se déduit pas du concept, d’une part ; d’autre part, l’affirmation de l’être « pose » quelque chose.
8 LA PHILOSOPHIE « ANALYTIQUE »
8. 1 Frege, Russel
Mais cette critique kantienne de l’argument ontologique, loin d’être définitive, suscitera à son tour de nombreuses critiques.
Frege ne suit pas Kant dans l’affirmation que l’être n’est pas un prédicat réel ; il n’est pas chez lui le prédicat d’un objet mais
d’une fonction.
Au sujet de la question de l’être dans la philosophie, il évoque une « déification de la copule ».
Russel le suit, estimant, dans son Introduction à la philosophie mathématique , que c’est une « honte pour la race humaine qu’elle ait choisi
d’utiliser le même mot “ est ” pour ces deux idées entièrement différentes », à savoir l’usage copulatif et prédicatif d’être.
Mais comme on l’a vu avec Benveniste, l’être n’est pas plus une copule réelle qu’avec Kant un prédicat réel ; ni copule ni
prédicat, c’est encore quelque chose, et l’histoire de la philosophie ne saurait se réduire à une « déification de la copule » avec l’enfermement de la question de l’être dans l’alternative de la copule et du prédicat.
8. 2 Développements de la philosophie analytique
Dès ses débuts, la philosophie analytique — pourtant souvent associée à un « positivisme anti-métaphysique » — s’est ainsi trouvé confrontée à la question de l’être.
Si tant est qu’on puisse unifier un courant par essence si divers, on peut regarder
pourtant la question de la légitimité d’une distinction entre sujet et prédicat comme « fil directeur à une relecture de la philosophie analytique mettant en relief le problème du dualisme ontologique des particuliers et des universels » (J.-G.
Rossi, le
Problème ontologique dans la philosophie analytique ).
Le dépassement d’une problématique du sujet et du prédicat, dans lequel la critique du concept d’être comme copule tient une place importante, a eu lieu dans l’entre-deux-guerres et se prolonge
aujourd’hui avec le concept d’ événement. Ce mouvement dans lequel F.
P.
Ramsey joue un rôle important ne peut être négligé et jette une nouvelle lumière sur le courant analytique (J.-G.
Rossi, le Problème ontologique dans la philosophie
analytique ).
9 ÊTRE ET DASEIN : HEGEL
Dans un tout autre ordre que celui des objections de Frege ou de Russel, on peut trouver chez Hegel sa pensée de l’être élaborée dans la critique qu’il fait de la réfutation kantienne de l’« argument ontologique ».
Dieu est ce qui pour Hegel ne peut
être conçu sans l’être, l’être étant la détermination la plus pauvre et la plus abstraite de toutes.
Abstraction pure, négatif absolu, l’être n’est rien, l’être est le non-être, et les deux sont des abstractions aussi vides l’une que l’autre.
Penser l’être, c’est.
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