et il trouve là le mot de l'énigme : ce mot est Volonté.
Publié le 23/10/2012
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et il trouve là le mot de l'énigme : ce mot est Volonté. Cela, cela seul lui donne la clef de sa propre existence phénoménale, lui en découvre la signification, lui montre la force intérieure qui fait son être, ses actions, son mouvement. Le sujet de la connaissance, par son identité avec le corps, devient un individu ; dès lors, ce corps lui est donné de deux façons toutes différentes : d'une part comme représentation dans la connaissance phénoménale, comme objet parmi d'autres objets et comme soumis à leurs lois ; et d'autre part, en même temps, comme ce principe immédiatement connu de chacun, que désigne le mot Volonté. Tout acte réel de notre volonté est en même temps et à coup sûr un mouvement de notre corps ; nous ne pouvons pas vouloir un acte réellement sans constater aussitôt qu'il apparaît comme mouvement corporel. L'acte volontaire et l'action du corps ne sont pas deux phénomènes objectifs différents, reliés par la causalité ; ils ne sont pas entre eux dans le rapport de la cause à l'effet. Ils ne sont qu'un seul et même fait ; seulement ce fait nous est donné de deux façons différentes : d'un côté immédiatement, de l'autre comme représentation sensible. L'action du corps n'est que l'acte de la volonté objectivé, c'est-à-dire vu dans la représentation. Nous verrons plus bas que cela est vrai non seulement des actions causées par des motifs, mais encore de celles qui suivent involontairement une excitation. Oui, le corps entier n'est que la volonté objectivée, c'est-à-dire devenue perceptible : et c'est ce que la suite de cet ouvrage va démontrer et éclaircir. Dans le livre précédent, et dans ma discussion sur le principe de raison, j'ai appelé le corps objet immédiat en me plaçant à dessein au seul point de vue de la représentation. Ici, au point de vue contraire, je l'appellerai objectité de la volonté. On peut encore dire en un certain sens : La volonté est la connaissance a priori du corps ; le corps est la connaissance a posteriori de la volonté. (Monde, I, 103-5.) En conséquence, on ne dépassera jamais la représentation, c'est-à-dire le phénomène, si l'on part de la connaissance objective, autrement dit de la représentation ; on s'en tiendra au côté extérieur des choses, sans pénétrer dans leur être intime, sans connaître ce qu'elles sont en soi et pour soi. Jusqu'ici je suis de l'avis de Kant. Mais, en regard de la vérité qu'il a établie, j'ai posé la vérité suivante qui la tient en quelque manière en échec, à savoir que nous ne sommes pas seulement le sujet qui connaît, mais que nous appartenons nous-mêmes à la catégorie des choses à connaître, que nous sommes nous-mêmes la chose en soi, qu'en conséquence si nous ne pouvons pas pénétrer du dehors jusqu'à l'être propre et intime des choses, une route, partant du dedans, nous reste ouverte : ce sera en quelque sorte une voie souterraine, une communication secrète qui, par une espèce de trahison, nous introduira tout d'un coup dans la forteresse, contre laquelle étaient venues échouer toutes les attaques dirigées du dehors... En fait, notre volonté nous fournit l'unique occasion que nous ayons d'arriver à l'intelligence intime d'un processus qui se présente à nous d'une manière objective ; c'est elle qui nous fournit quelque chose d'immédiatement connu, et qui n'est pas, comme tout le reste, uniquement donné dans la représentation. C'est donc dans la Volonté qu'il faut chercher l'unique donnée susceptible de devenir la clé de toute autre connaissance vraie ; c'est de la Volonté que part la route unique et étroite qui peut nous mener à la vérité. Par conséquent, c'est en partant de nous-mêmes qu'il faut chercher à comprendre la Nature, et non pas inversement chercher la connaissance de nous-mêmes dans celle de la nature. N'oublions pas cependant (pour moi, je me suis toujours attaché à ce point de vue) que cette perception intime que nous avons de notre propre volonté est loin de fournir une connaissance complète et adéquate de la chose en soi. Ce serait le cas, si cette perception était tout à fait immédiate. Or, elle nous arrive à travers toute une série d'intermédiaires : la volonté en effet se crée un corps, au moyen de ce corps un intellect qui lui permette d'entrer en relations avec le monde extérieur, et enfin, grâce à cet intellect, elle se reconnaît dans la conscience réfléchie (pendant nécessaire du monde extérieur) comme volonté ; par conséquent, cette connaissance de la chose en soi n'est pas complètement adéquate... Toutefois, cette connaissance intérieure est affranchie de deux formes inhérentes à la connaissance externe, à savoir de la forme de l'espace et de la forme de la causalité, médiatrice de toute intuition sensible. Ce qui demeure, c'est la forme du temps, et le rapport de ce qui connaît à ce qui est connu. Par conséquent, dans cette conscience intérieure, la chose en soi s'est sans doute débarrassée d'un grand nombre de ses voiles, sans toutefois qu'elle se présente tout à fait nue et sans enveloppe. Comme la forme du temps est inhérente à notre volonté, nous ne la connaissons que dans ses actes isolés et successifs, non pas dans son tout, telle qu'elle est en soi et pour soi ; et c'est pourquoi aussi personne ne connaît a priori son caractère, qui ne se révèle qu'imparfaitement par la voie de l'expérience. Mais, malgré toutes ces imperfections, la perception dans laquelle nous saisissons les impulsions et les actes de notre volonté propre, est de beaucoup plus immédiate que toute autre perception ; elle est le point où la chose en soi entre le plus immédiatement dans le phénomène, où elle est éclairée de plus près par le sujet qui connaît. Aussi ce processus ainsi connu est-il seul apte à devenir le point de départ pour une explication du reste. Car toutes les fois que des profondeurs obscures de notre être intime un acte de volonté surgit dans la conscience qui connaît, se produit un passage immédiat de la chose en soi et non temporelle dans le phénomène. L'acte de volonté n'est donc sans doute que le phénomène le plus proche et si le plus précis de la chose en soi ; mais il suit de là que tous les autres phénomènes pouvaient être connus de nous aussi immédiatement, aussi intimement, il faudrait les tenir pour ce que la volonté est en nous-mêmes. C'est donc en ce sens que j'enseigne que la volonté est l'essence intime de toute chose et que je l'appelle la chose en soi. Par là la doctrine kantienne de l'incognoscibilité de la chose en soi est modifiée en ce sens, que cette chose en soi n'est inconnaissable qu'absolument, mais qu'elle est remplacée pour nous par le plus immédiat de ses phénomènes, qui se différencie radicalement de tous les autres précisément par ce caractère immédiat : nous devons donc ramener tout le monde des phénomènes au phénomène dans lequel la chose en soi se présente avec le moins de voiles, et qui ne reste phénomène que parce que mon intellect, seul susceptible de connaître, est toujours distinct du moi comme volonté et ne se trouve pas affranchi de la forme du temps, même dans la perception intime. SCHOPENHAUER
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