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et de ne pas être lié comme les autres animaux à une conduite unique.

Publié le 22/10/2012

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et de ne pas être lié comme les autres animaux à une conduite unique. A la satisfaction que dut éveiller en lui, sur le coup, la découverte de cet avantage durent succéder aussitôt l'angoisse et l'inquiétude : comment lui, qui ne connaissait pas encore les propriétés latentes et les effets lointains de chaque chose, allait-il s'y prendre avec ce pouvoir nouvellement découvert? Il se tenait pour ainsi dire au bord d'un précipice; car en dehors des objets de son désir que l'instinct jusque-là lui avait indiqués, une infinité d'autres lui étaient offerts, au milieu desquels il ne savait encore comment choisir ; et, après avoir connu une fois cet état de liberté, il lui devenait pourtant désormais impossible de retomber dans la servitude, de se remettre sous la coupe de l'instinct LI Le troisième progrès t accompli par la raison, après qu'elle se fut mêlée des premiers besoins immédiats sensibles, ce fut l'attente réfléchie de l'avenir. Ce pouvoir de ne pas jouir seulement de l'instant de vie présent, mais de se représenter d'une façon actuelle l'avenir souvent très lointain, est le signe distinctif le plus caractéristique de la supériorité de l'homme pour se préparer selon sa destination à des fins lointaines; mais c'est aussi en même temps la source intarissable de soucis et de peines que l'avenir incertain fait surgir, et auxquels tous les animaux sont soustraits (III. 13-19). L'homme qui avait à assurer sa subsistance, celle de sa femme et des enfants à naître, prévoyait la difficulté toujours croissante de son labeur; la femme prévit les ennuis auxquels la nature avait soumis son sexe, et en outre ceux que l'homme plus fort lui imposerait. Avec terreur, tous deux eurent la vision de ce qui, après une vie pénible, se tient au fond du décor, de ce qui arrive pour tous les animaux de façon inéluctable sans cependant les tourmenter : de la mort. Ils parurent alors se reprocher comme un crime et réprouver l'usage de la raison qui leur avait occasionné tous les maux. Vivre dans leur postérité, qui connaîtrait peut-être davantage de bonheur, ou bien encore vivre au sein d'une famille qui pourrait alléger leurs peines, voilà quelle fut peut-être la seule perspective consolante qui leur donna du courage (III. 16-20). Le quatrième et dernier progrès que fit la raison, achevant d'élever l'homme tout à fait au-dessus de la société animale, ce I. Le deuxième fut le passage de l'instinct sexuel à l'amour. fut qu'il comprit (obscurément encore) qu'il était proprement la fin de la nature, et que rien de ce qui vit sur terre ne pouvait lui disputer ce droit. La première fois qu'il dit au mouton : « la peau que tu portes, ce n'est pas pour toi, mais pour moi que la nature te l'as donnée «, qu'il la lui retira et s'en revêtit (III. 21), il découvrit un privilège qu'il avait, en raison de sa nature, sur tous les animaux. Et il cessa désormais de les considérer comme ses compagnons dans la création, pour les regarder comme des moyens et des instruments mis à la disposition de sa volonté en vue d'atteindre les desseins qu'il se propose. Cette représentation implique (obscurément sans doute) la contrepartie, à savoir qu'il n'avait pas le droit de traiter un homme de cette façon, mais qu'il devait le considérer comme un associé participant sur le pied d'égalité avec lui aux dons de la nature; c'était se préparer de loin à la limitation que la raison devait à l'avenir imposer à sa volonté à l'égard des hommes ses semblables, et qui, bien plus que l'inclination et l'amour, est nécessaire à l'établissement de la société. Et ainsi l'homme venait d'atteindre l'égalité avec tous les autres êtres raisonnables, à quelque rang qu'ils pussent se trouver (I11.22,) c'est-à-dire, en ce qui concerne sa prétention d'être à lui-même sa fin, le droit d'être estimé par tous les autres comme tel, et de n'être utilisé par aucun comme simple moyen pour atteindre d'autres fins [...] Avant l'éveil de la raison, il n'y avait ni prescription ni interdiction, donc aucune infraction encore; mais lorsque la raison entra en ligne et, malgré sa faiblesse, s'en prit à l'animalité dans toute sa force, c'est alors que dut apparaître le mal; et, qui pis est, au stade de la raison cultivée, apparut le vice, totalement absent dans l'état d'ignorance, c'est-à-dire d'innocence. Le premier pas, par conséquent, pour sortir de cet état, aboutit à une chute du point de vue moral; du point de vue physique, la conséquence de cette chute, ce furent une foule de maux jusque-là inconnus de la vie, donc une punition. L'histoire de la nature commence par le Bien, car elle est l'oeuvre de Dieu; l'histoire de la liberté commence par le Mal, car elle est l'oeuvre de l'homme. En ce qui concerne l'individu qui, faisant usage de sa liberté, ne songe qu'à soi-même, il y eut perte lors de ce changement; en ce qui concerne la nature, soucieuse d'orienter la fin qu'elle réserve à l'homme en vue de son espèce, ce fut un gain. L'individu a donc des raisons d'inscrire à son compte comme sa propre faute tous les maux qu'il endure et tout le mal qu'il fait; mais en même temps comme membre du Tout (d'une espèce), il a raison d'admirer et d'estimer la sagesse et la finalité de l'ordonnance. [...] L'homme tirera donc avantage et utilité, s'il veut s'instruire et s'améliorer, d'un tel exposé de son histoire : cet exposé lui montre qu'il ne devrait pas faire grief à la Providence des maux qui l'oppriment, et qu'il n'est pas fondé non plus à rejeter sa propre faute sur le compte d'un péché originel qui aurait rendu transmissible par hérédité une certaine inclination à des incartades de ce genre; (car des actions faites en vertu d'une volonté radicale ne peuvent entraîner avec elle aucune hérédité). Il montre encore qu'au contraire l'homme doit reconnaître en toute légitimité comme accompli par lui-même ce qui résulte de ses actions, et faire retomber entièrement sur lui-même la responsabilité de tous les maux qui découlent du mauvais usage de sa raison; car il peut fort bien se rendre compte qu'il se serait conduit exactement de la même façon dans les mêmes circonstances, et qu'il aurait commencé par faire un mauvais usage de la raison (allant même jusqu'à agir contre les indications de la nature). Et si ce que nous venons de dire au sujet du mal moral est justifié, la considération des maux physiques proprement dits ne peut plus guère faire pencher la balance à notre avantage dans le décompte de nos mérites et de nos fautes. Tel est le résultat décisif d'une histoire des tout premiers débuts de l'homme que tenterait de faire la philosophie : satisfaction à l'égard de la Providence et à l'égard du cours des affaires humaines considérées dans leur ensemble; cours qui ne part pas du Bien pour aller vers le Mal, mais qui se déroule lentement du pis vers le meilleur, selon un progrès auquel chacun dans sa patrie et dans la mesure de ses forces est lui-même appelé par la Nature à contribuer. (La Philosophie de l'histoire, p. 153-172, passim.) Dans la deuxième partie du Conflit des Facultés (1798), Kant pose la question : «Le genre humain est-il en progrès? « La sympathie que lui-même avait éprouvée pour la Révolution française l'amène à considérer qu'il y a dans l'humanité une tendance morale qui doit assurer le progrès.

« Anthropologie et Philosophie de l'histoire fut qu'il comprit (obscurément encore) qu'il était proprement la fin de la nature, et que rien de ce qui vit sur terre ne pouvait lui disputer ce droit.

La première fois qu'il dit au mouton : « la peau que tu portes, ce n'est pas pour toi, mais pour moi que la nature te l'as donnée »,qu'il la lui retira et s'en revêtit (III.

21), il découvrit un privilège qu'il avait, en raison de sa nature, sur tous les animaux.

Et il cessa désormais de les considérer comme ses compagnons dans la création, pour les regarder comme des moyens et des instruments mis à la disposition de sa volonté en vue d'atteindre les desseins qu'il se propose.

Cette représen­ tation implique (obscurément sans doute) la contrepartie, à savoir qu'il n'avait pas le droit de traiter un homme de cette façon, mais qu'il devait le considérer comme un associé parti­ cipant sur le pied d'égalité avec lui aux dons de la nature; c'était se préparer de loin à la limitation que la raison devait à l'avenir imposer à sa volonté à l'égard des hommes ses sem­ blables, et qui, bien plus que l'inclination et l'amour, est nécessaire à 1 'établissement de la société.

Et ainsi 1 'homme venait d'atteindre l'égalité avec tous les autres êtres raisonnables, à quelque rang qu'ils pussent se trouver (11!.22,) c'est-à-dire, en ce qui concerne sa prétention d'être à lui-même sa fin, le droit d'être estimé par tous les autres comme tel, et de n'être utilisé par aucun comme simple moyen pour atteindre d'autres fins [ ...

] Avant 1 'éveil de la raison, il n'y avait ni prescrip­ tion ni interdiction, donc aucune infraction encore; mais lorsque la raison entra en ligne et, malgré sa faiblesse, s'en prit à 1 'anima­ lité dans toute sa force, c'est alors que dut apparaître le mal; et, qui pis est, au stade de la raison cultivée, apparut le vice, totalement absent dans l'état d'ignorance, c'est-à-dire d'inno­ cence.

Le premier pas, par conséquent, pour sortir de cet état, aboutit à une chute du point de vue moral; du point de vue physique, la conséquence de cette chute, ce furent une foule de maux jusque-là inconnus de la vie, donc une punition.

L'histoire de la nature commence par le Bien, car elle est l'œuvre de Dieu; l'histoire de la liberté commence par le Mal, car elle est l'œuvre de l'homme.

En ce qui concerne l'individu qui, faisant usage de sa liberté, ne songe qu'à soi-même, il y eut perte lors de ce changement; en ce qui concerne la nature, soucieuse d'orienter la fin qu'elle réserve à l'homme en vue de son espèce, ce fut un gain.

L'individu a donc des raisons d'inscrire à son compte comme sa propre faute tous les maux qu'il endure et tout le mal 120. »

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