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est partout et l'on entend la plainte du vent qui lutte à travers les gorges.

Publié le 23/10/2012

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est partout et l'on entend la plainte du vent qui lutte à travers les gorges. Il y a là une intuition qui nous révèle aussitôt notre dépendance, notre lutte avec la nature ennemie, l'écrasement de notre volonté ; mais tant que l'angoisse personnelle ne prend point le dessus, tant que persiste la contemplation esthétique, c'est le sujet connaissant pur qui promène son regard sur la colère de la nature et sur l'image de la volonté vaincue ; impassible et indifférent (unconcerned), il n'est occupé qu'à reconnaître les Idées dans les objets mêmes qui menacent et terrifient la volonté. C'est précisément ce contraste qui donne lieu au sentiment du sublime. Plus forte encore est l'impression, lorsque la lutte des éléments déchaînés s'accomplit en grand sous nos yeux : c'est par exemple une cataracte qui se précipite et qui par son fracas nous enlève jusqu'à la possibilité d'entendre notre propre voix ; — ou bien encore c'est le spectacle de la mer que nous voyons au loin remuée par la tempête : des vagues hautes comme des maisons surgissent et s'effondrent ; elles frappent à coups furieux contre les falaises, elles lancent de l'écume bien loin dans l'air ; la tempête gronde ; la mer mugit ; les éclairs percent les nuages noirs ; le bruit du tonnerre domine celui de la tempête et celui de la mer. C'est devant un pareil spectacle qu'un témoin intrépide constate le plus nettement la double nature de sa conscience ; tandis qu'il se perçoit comme individu, comme phénomène éphémère de la volonté, susceptible de périr à la moindre violence des éléments, dépourvu de ressources contre la nature furieuse, sujet à toutes les dépendances, à tous les caprices du hasard, semblable à un néant fugitif devant des forces insurmontables, il a en même temps conscience de lui-même à titre de sujet connaissant, éternel et serein ; il sent qu'il est la condition de l'objet et par suite le support de ce monde tout entier, que le combat redoutable de la nature ne constitue que sa propre représentation et que lui-même demeure, absorbé dans la conception des Idées, libre et indépendant de tout vouloir et de toute misère. Telle est à son comble l'impression du sublime. Elle se produit ici à l'aspect d'un anéantissement qui menace l'individu, à la vue d'une force incomparablement supérieure qui le dépasse. (Monde, I, 210-12.) SCHOPENHAUER B) LE JOLI FLATTE LA VOLONTÉ ET DÉTRUIT LA CONTEMPLATION Puisque les contrastes s'éclairent réciproquement, il est opportun de remarquer ici que le contraire du sublime est quelque chose qu'au premier regard nous déclarons n'être point le sublime : c'est le joli. Je comprends sous ce nom ce qui stimule la volonté, en lui offrant directement ce qui la flatte, ce qui la satisfait. — Le sentiment du sublime provient de ce qu'une chose parfaitement défavorable à la volonté devient objet de contemplation pure, contemplation qui ne peut se prolonger, à moins qu'on ne fasse abstraction de la volonté et qu'on ne s'élève au-dessus de ses intérêts; c'est là ce qui constitue la sublimité d'un pareil état de conscience ; le joli, au contraire, fait déchoir le contemplateur de l'état d'intuition pure qui est nécessaire à la conception du beau ; il séduit infailliblement sa volonté par la vue des objets qui la flattent immédiatement ; désormais le spectateur n'est plus un pur sujet connaissant ; il devient un sujet volontaire soumis à tous les besoins, à toutes les servitudes. (Monde, I, 215.) IV LES BEAUX-ARTS A) DE LA BEAUTÉ L'état de connaissance pure et exempte de volonté, que toute contemplation esthétique suppose et exige, peut-il, grâce à l'objet qui nous sollicite et nous attire, se produire spontanément, sans résistance, par le simple évanouissement de la volonté ? Cet état, au contraire, doit-il être conquis par un libre et conscient effort pour nous élever au-dessus de la volonté, au-dessus des rapports défavorables et hostiles qui relient l'objet contemplé à la volonté et qui, du moment qu'on s'en préoccupe, mettent fin à la contemplation esthétique ? — C'est sur cette question que se fonde la distinction entre le sublime et le beau... Dire qu'une chose est belle, c'est exprimer qu'elle est l'objet de notre contemplation esthétique ; ce qui implique, premièrement, que la vue de cette chose nous rend objectifs, c'est-à-dire qu'en la contemplant nous avons conscience de nous-mêmes non plus à titre d'individus, mais à titre de sujets connaissants purs, exempts de volonté ; secondement, que nous reconnaissons dans l'objet non plus une chose particulière, mais une Idée ; ce qui ne peut arriver qu'à la condition de ne point nous soumettre, dans la considération de l'objet, au principe de raison, de renoncer à suivre les rapports que l'objet peut avoir en dehors de lui et qui aboutissent toujours en dernière analyse à la volonté, à la condition enfin de nous arrêter à l'objet lui-même. (Monde, I, 216.)

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