Est il raisonnable d'aimer
Publié le 13/04/2014
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Est il raisonnable d'aimer ? Aimer signifie porter de l'affection envers quelque chose, lorsque le sujet de cette affection est un être humain cet acte prend une autre envergure. La capacité de tomber amoureux ou bien de ressentir un sentiment d'amour envers une tierce personne est fondamentalement propre à l'homme. Nul autre être vivant peut en faire autant. De même, la raison est une faculté propre à l'homme, ce sont sans doutes les deux qui le différencient du reste des êtres vivants. Le fait d'aimer possède un caractère ambiguë, dans un sens elle permet de stimuler l'être humain, le pousser à se surpasser mais dans un autre il est source de conflits ou de drames. Peut-il alors s'accorder avec cette autre faculté consistant à différencier le bien du mal, le vrai du faux, c'est à dire à connaître et à porter des jugements, qu'est la raison. Porter une affection démesurée envers une personne, est-ce se poser une barrière à ses propre capacités intellectuelles ? Pour étudier cette problématique, nous verrons que le fait d'aimer est raisonnable par le fait de son interaction avec la raison, ensuite nous pourrons observer il conduit souvent à des abus et à des pertes de raisons, et enfin nous finirons par nous demander dans quelles conditions ces deux facultés sont compatibles et sinon, s'il faut dans ce cas renoncer à aimer. I- These -> C'est la raison qui me conduit à aimer l'autre pour ses mérites. Lorsque je dis "je t'aime", est-ce du sentiment, de la passion pure, ou est ce que je fais appel également à la raison? faut il réfléchir pour bien aimer? Selon DESCARTES, lorsqu'on aime, il faut considérer les mérites de l'autre et ne pas se laisser aveugler par la passion qui nous pousse parfois à aimer ses défauts. Pour Aristote aussi, on aime l'autre pour ses mérites, et c'est la raison qui nous permet d'apprécier ses qualités humaines, morales et intellectuelles. -> S'opposer à l'amour, voilà ce qui justement est déraisonnable. L'homme étant un être de désir, il serait aussi déraisonnable de s'opposer à l'amour que de s'opposer à la soif ou à la faim. les ascètes et les stoïciens y parviennent en se soumettant à des privations douloureuses et en méprisant leur corps. c'est là un prix considérable à payer. Les religieux subliment l'amour terrestre en amour de Dieu. mais l'amour refoulé peut entraîner des désordre psychiques, ainsi que l'a montré la psychanalyse. L'homme est soumis à ce que FREUD nomme la libido, attirance sexuelle propre à l'homme, et à l'instinct d'agressivité. Néanmoins la société dans laquelle il évolue est régie par un regard moralisateur qui lui procure un sentiment de honte quant à ses désirs. Il s'agit ici de la théorie du refoulement des désirs selon laquelle l'homme ne s'accepte pas tel qu'il est, ce qui se traduit par des dépressions, des névroses, et des maladies psychosomatiques. Afin de guérir l'homme de ce malaise en amour, Freud met au point la psychanalyse qui vise à faire prendre conscience au patient de ce qui l'emprisonne, par la parole. Il peut alors se permettre d'aimer sans se demander si cela est raisonnable ou non. -> L'amour peut être raisonnable s'il est dicté par la raison. Or KANT évoque à côté d'un amour pathologique, dicté par les appétits des sens, un amour pratique qui est dicté par la raison. L'amour du prochain est un amour que la raison réclame et prescrit. Il est prescrit parce qu'il n'est ni naturel ni spontané : nul n'aime son prochain de sorte qu'il lui soit dévoué. Le dévouement n'a rien de naturel tant chacun est plein de lui - même. Cet amour est prescrit par la raison parce que la raison exige la réalisation d'un ordre de coexistence pacifique où chaque personne se voit reconnue comme personne. Selon Hegel le propre d'un couple est la recherche de la reconnaissance de sa conscience par son conjoint, c'est à dire, devenir « en soi ». II- Antithese -> C'est une folie d'aimer à la folie. Les philosophes stoïciens se méfiaient de l'amour, car le propre de celui-ci, comme toutes les passions, est d'aveugler. L'amour, comme le vin, "fait perdre la tête". Celui qui est victime de l'amour aliène sa liberté, ne s'appartient plus, souffre plus qu'il ne tire de profit de sa passion. L'amour est spontané et irréfléchi ; c'est un penchant pathologique et non une volonté raisonnable, une inclination qu'il subit et non une décision fruit de sa délibération réfléchie. Il manque de lucidité, par la bienveillance qu'il manifeste, il s'expose à ce que les autres en tirent abusivement profit (dans le cas de la charité) ou à la déception (une passion non partagée ou impossible ou une rupture). L'amour n'est pas l'estime : il se voue à coeur perdu à un être ou une cause qui ne le mérite peut-être pas. -> L'amour est éphémère et il fait souffrir. L'amour provoque la jalousie, il fait souffrir celui qui aime et qui n'est pas aimé en retour. Combien de poèmes ne sont en fait que plaintes, lamentations contre la cruauté du coeur de l'aimé (e) ? Pour d'autres enfin, l'amour n'est jamais qu'une éphémère illusion. Il ne résiste pas à l'épreuve du temps. Il peut même se transformer en haine s'il est trop violent. -> La passion amoureuse est encore déraisonnable parce qu'elle ne respecte pas l'ordre social que la raison la plus prudente recommanderait de suivre. La passion amoureuse subordonne l'ordre de la société à l'ordre des désirs.ROUSSEAU nourrit de l'amour pour la compagne de son ami sans égard pour lui. La passion amoureuse ne reconnaît pas les digues élevées par la société pour protéger ses membres de l'insécurité et de la stabilité : le mariage ; les règles de la conduite amoureuse ; l'étiquette de la séduction qui prescrit ce qui est permis et interdit III- Synthese -> L'amour doit s'accorder avec l'estime : l'amour n'exclut pas l'exigence. Bien naïf est celui qui l'oublie et présume de l'amour qu'on lui portera demain en se reposant sur l'acquis d'un amour qu'on lui porte aujourd'hui. Bien naïf aussi celui qui croit que l'amour est lucide quant aux caractères estimables d'une personne. Par conséquent, la bienveillance doit s'accompagner de vigilance. S'ouvrir à l'autre ou aux autres exige de la prudence. -> Les mythes tentent d'expliquer le monde et le comportement de l'homme. La culture judéo-chrétienne expose ainsi l'apparition de la vie comme un acte d'amour qui se perpétue à travers les générations. L'amour apparaît ici comme inhérent à l'homme et vital pour la survie de l'espèce. De cette observation découle la suivante : l'homme n'a pas le choix d'aimer. Mais alors, est-il nécessairement voué à la déprime et à l'échec ? Certes non et c'est ce que démontre Epictète par le concept d'ataraxie : en objectant tout comportement excessif, l'homme peut éviter un certain déplaisir qui l'affecte. -> Ce qui est raisonnable est d'accepter ce qui ne peut être évité et d'agir sur ce qui dépend de nous. En matière d'amour, si la passion peut être évitée par celui qui en connaît les ressorts et reconnaît ses faiblesses, celui qui aime peut aussi arraisonner son amour mais difficilement, en lui opposant une autre passion : celle de la moralité ou l'amour de ma famille qui me permettent de résister à la tentation de l'amour adultère par exemple. Mais tout amour nous fait prendre des risques et la question devient : est-il raisonnable de prendre ces risques ? Mais la vie elle-même est essentiellement risquée. Savoir assumer ces risques est preuve de sagesse. « Le sage se distingue des autres hommes non par moins de folie mais par plus de raison. » (Alain, Idées, 1932).
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