est des êtres intelligents, que l'individu est comme la base du sujet de la connaissance ; et ce sujet à son tour, la base du monde.
Publié le 23/10/2012
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est des êtres intelligents, que l'individu est comme la base du sujet de la connaissance ; et ce sujet à son tour, la base du monde... Tout individu, en tant qu'intelligence, est donc réellement et se paraît à lui-même la volonté de vivre tout entière ; il voit en lui la réalité solide du monde, la condition dernière qui achève de rendre possible le monde en tant qu'objet de représentation, bref un microcosme parfaitement équivalent au macrocosme. Avec ces deux faits et leurs conséquences nécessaires, on explique cette singularité : que chaque individu, en dépit de sa petitesse, bien que perdu, anéanti au milieu d'un monde sans bornes, ne se prend pas moins pour centre du tout, faisant plus de cas de son existence et de son bien-être que de ceux de tout le reste, étant même, s'il consulte la seule nature, prêt à y sacrifier tout ce qui n'est pas lui, à anéantir le monde au profit de ce moi, de cette goutte d'eau dans un océan, et pour prolonger d'un moment son existence à lui. Cet état d'âme, c'est l'égoïsme, et il est essentiel à tous les êtres dans la nature ; c'est par lui, au reste, que la contradiction intime de la volonté se révèle, et sous un aspect effroyable. L'égoïsme, en effet, a pour base, pour point d'appui, cette opposition même du microcosme et du macrocosme ; il vient de ce que la volonté, pour se manifester, doit se soumettre à une loi formelle, au principe d'individuation ; par suite, elle se produit en une infinité d'individus, toujours pareille à elle-même, toujours entière, complète, avec ses deux faces (la volonté et la représentation). Ainsi chacun s'apparaît comme étant la volonté tout entière et l'intelligence représentative tout entière, tandis que les autres êtres ne lui sont donnés d'abord qu'à l'état de représentations, et de représentations à lui : aussi, pour lui, son être propre et sa conservation doivent-ils passer avant tout au monde. Pour chacun de nous, notre mort est la fin du monde ; quant à celle de nos connaissances, c'est chose assez indifférente, à moins qu'elle ne touche à quelqu'un de nos intérêts personnels. Quand la conscience atteint à son plus haut degré, c'est-à-dire chez l'homme, la douleur et la joie, par conséquent l'égoïsme, doivent, comme l'intelligence, s'élever à leur suprême intensité, et nulle part n'aura éclaté plus violemment le combat des individus, l'égoïsme en étant la cause. C'est le spectacle que nous avons sous les yeux, en grand et en petit ; il a son côté effroyable : c'est la vie des grands tyrans, des grands scélérats, ce sont les guerres qui ravagent un monde ; et son côté risible : c'est celui-ci que considère la comédie, et il a pour traits essentiels cette vanité et cette présomption si incomparablement décrites, expliquées in abstracto par La Rochefoucauld ; ce spectacle, nous le retrouvons et dans l'histoire universelle, et dans les limites de notre expérience. Mais où il se manifeste à plein, c'est quand, dans un groupe d'hommes, toute loi, tout ordre vient à être renversé ; alors on voit clairement ce bellum omnium contra omnes, dont Hobbes, au premier chapitre du De cive, a fait une si parfaite peinture. Là, on voit chacun non seulement arracher au premier venu ce dont il a envie, mais, pour accroître même imperceptiblement son bien-être, ruiner à fond le bonheur, la vie entière d'autrui. Telle est la plus énergique expression de l'égoïsme ; pour aller plus loin, il n'y a que la méchanceté proprement dite : celle-là travaille sans intérêt aucun, sans utilité, à la douleur, au malheur d'autrui ; nous en viendrons bientôt à elle. (Monde, I, 346-8.) 2. DE L'INJUSTICE Maintenant cet acte d'affirmer son attachement au corps, la volonté le répète en une infinité d'individus coexistants ; par suite, et grâce à cet égoïsme qui appartient à tout être, elle peut fort bien, en un individu donné, dépasser les bornes de cette affirmation, jusqu'à nier la même volonté en tant que manifestée par un autre individu. La volonté du premier fait irruption dans le domaine où est affirmée la volonté d'autrui : elle détruit ou blesse le corps d'autrui, ou bien elle réduit à son propre service les forces de ce corps, au lieu de les laisser au service de la volonté qui se manifeste dans ce corps même. Lors donc que le premier individu soustrait à la volonté, en tant que manifestée sous forme du corps d'autrui, les forces de ce corps, et ainsi accroît les forces à son service et dépasse cette somme de ressources qui est son corps, il affirme sa propre volonté jusqu'au delà des limites de son corps, et cela en niant la volonté manifestée en un corps étranger. — Cette invasion dans le domaine où est affirmée par autrui la volonté est bien connue, sous le nom d'injustice. (Monde, I, 349.) 3. DE L'ÉTAT Mais si la morale ne considère que l'action juste ou injuste, si tout son rôle est de tracer nettement à quiconque a résolu de ne pas faire d'injustice les bornes où doit se contenir son activité, il en est tout autrement de la théorie de l'État. La science de l'État, la science de la législation n'a en vue que la victime de l'injustice ; quant à l'auteur elle n'en aurait cure, s'il n'était le corrélatif forcé de la victime ; l'acte injuste, pour elle, n'est que l'adversaire à l'encontre de qui elle déploie ses efforts : c'est à ce titre qu'il devient son objectif. Si l'on pouvait concevoir une injustice commise qui n'eût pas pour corrélatif une injustice soufferte, l'État n'aurait logiquement pas à l'interdire. — De même, aux yeux de la morale, l'objet à considérer, c'est la volonté l'intention : il n'y a pour elle que cela de réel ; selon elle, la volonté bien déterminée de commettre l'injustice, fût-elle arrêtée et mise à néant, si elle ne l'est que par une puissance extérieure, équivaut entièrement à l'injustice consommée ; celui qui l'a conçue, la morale le condamne du haut de son tribunal comme un être injuste. (Monde, I, 359.) L'État est un moyen dont se sert l'égoïsme éclairé par la raison, pour détourner les effets funestes qu'il produit et qui se retourneraient contre lui-même ; dans l'État, chacun poursuit le bien de tous, parce que chacun sait que son bien propre est enveloppé dans celui-là. Si l'État pouvait atteindre parfaitement son but, alors, disposant des forces humaines, réunies sous sa loi, il saurait s'en servir pour tourner de plus en plus au service de l'homme le reste de la nature et ainsi, expulsant du monde le mal sous toutes ses formes, il arriverait à nous faire un pays de cocagne, ou quelque chose d'approchant. Seulement, d'une part, l'État est toujours resté bien loin de ce but ; de plus, quand il l'atteindrait, on verrait subsister encore une multitude innombrable de maux, inséparables de la vie ; enfin, ces maux viendraient à disparaître, que l'un d'entre eux demeurerait encore : c'est l'ennui, qui prendrait bien vite la place laissée vide par les autres ; si bien que la douleur ne perdrait aucune de ses positions. Ce n'est pas tout : la discorde entre les individus ne saurait être entièrement dissipée par l'État ; enlevez-
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