Enoncé : Peut-on apprécier une pièce de théâtre par la seule lecture du texte ou est-il nécessaire d'assister à sa représentation ?
Publié le 18/09/2010
Extrait du document
Plan adopté : type analytique.
(présentation du thème)Nombreux sont ceux qui, en parlant d’une pièce de théâtre, se souviennent des émotions éprouvées lors de sa représentation : la foule qui se presse, l’attente dans la salle, l’obscurité qui se fait, les trois coups qui imposent le silence, le rideau qui se lève, la découverte du décor et des acteurs. C’est un instant magique, une expérience particulière, et chaque auteur, chaque dramaturge aspire à voir ses pièces représentées. Mais le texte de leurs œuvres est également publié et les lecteurs prennent , eux aussi, plaisir à lire et à relire (souvent sans les avoir vues représentées sur la scène) les grandes pièces de théâtre de la littérature. (annonce de la problématique) On peut se demander alors s’il faut assister à sa représentation pour comprendre pleinement une œuvre théâtrale.
(annonce du plan)Tout d’abord, nous nous demanderons si la lecture ne suffit pas à apprécier la beauté d’une œuvre théâtrale.
Enfin, nous verrons que la représentation d’une pièce constitue l’aboutissement indispensable du texte ?
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Comme toute œuvre littéraire, l’œuvre de théâtre fait le bonheur du lecteur. Le dramaturge est un écrivain dont le style charme et emporte ceux qui le lisent. Corneille, Molière, Racine au XVII°s, Victor Hugo ou Edmond Rostand au XIX°s, en écrivant leurs pièces en vers, ont développé des qualités d’écriture exceptionnelles. C’est ainsi, par exemple, que l’échange entre Oreste et Hermione, dans la pièce Andromaque de Racine, reste dans la mémoire : « Hé bien, allons, madame : / Mettons encore un coup toute la Grèce en flamme. « La tragédie classique, comme les comédies de caractère, ont su inventer des situations originales et exprimer, dans des répliques éblouissantes, la diversité des sentiments humains. De même, on lit avec plaisir et émotion les échanges de Ruy Blas et de Dona Sol dans la pièce de Victor Hugo ou la longue « tirade du nez « de Cyrano dans la pièce d’Edmond Rostand : « c’est un pic, c’est un cap. Que dis-je, c’est un cap ? C’est une péninsule ! «. Et, au-delà de la versification, on savoure à la lecture la subtilité des textes de Marivaux, l’ironie et la satire de Beaumarchais. Lire et relire permettent ainsi de goûter pleinement la richesse du texte théâtral. (transition) De plus, la précision des didascalies est le moyen de se représenter les scènes imaginées par le dramaturge.
Les informations données par les didascalies ajoutent, en effet, au plaisir du lecteur. Le dramaturge multiplie les indications sur le décor, sur les costumes, sur les mouvements des personnages, sur leurs mimiques et leurs intonations. Le lecteur n’a donc pas besoin de voir la mise en scène de la pièce et le jeu des acteurs pour comprendre où se situe l’action, pour suivre les déplacements des personnages, pour identifier les lieux. Les indications données dans Lorenzaccio de Musset suffisent au lecteur à se représenter l’effervescence d’une ville italienne à l’époque de la Renaissance. Le marchand « ouvre sa boutique «, il « étale ses pièces de soie «, il bâille… D’autres dramaturges vont encore plus loin dans le détail des didascalies, comme Edmond Rostand quand il veut recréer l’atmosphère d’une salle de spectacle au XVII°s, au début de Cyrano de Bergerac. (transition)D’ailleurs, même si les didascalies manquent, n’est-ce pas pour permettre alors au lecteur d’exercer librement son imagination ?
Dans son face-à-face avec le livre, le lecteur imagine le décor et les personnages tels qu’il les souhaite. Il supplée par son imagination au petit nombre d’informations qu’apporte le théâtre classique, quand on sait seulement, par exemple, que la scène « se passe dans un palais «, ou le théâtre contemporain, qui crée souvent des univers sans repères, dans des espaces vides. Et quand les didascalies sont nombreuses, le lecteur se représente les gestes, les visages et les corps des acteurs à son gré. Il est lui-même, en quelque sorte, le metteur en scène de la pièce. Ainsi, dans Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, le lecteur peut imaginer la façon dont Arlequin et Lisette se font la cour de manière ridicule et disproportionnée, sans avoir besoin de regarder la représentation. Il peut imaginer les gestes déplacés d’Arlequin lorsque celui-ci caresse Lisette et apprécier ainsi le comique de caractère de la scène. (transition)Toutefois, même si le théâtre peut s’apprécier par la simple lecture du texte, elle est par essence une œuvre destinée à être représentée sur scène, car c’est là qu’elle prend vie et sens.
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En effet, tous les passionnés de théâtre ne peuvent admettre que la lecture d’une pièce permette, seule, de la goûter pleinement. A leurs yeux, la représentation est un moment essentiel dans le processus de création, car le spectacle est lui-même une expérience intense, qui repose sur le charme d’un lieu et le partage collectif des émotions. La salle, la scène, le décor, les costumes participent à la magie de la représentation théâtrale. Le texte a besoin d’être porté par cette atmosphère, par les conditions dans lesquelles, rassemblé, immobile dans l’obscurité, le public découvre la pièce. Celui-ci est alors solidaire, comme l’était le public du théâtre grec qui retrouvait au spectacle la conscience collective de la cité. De plus, nombreuses sont les œuvres théâtrales qui reposent sur cette présence réelle de l’assistance. C’est ainsi qu’Harpagon, dans L’Avare de Molière, prend à partie le public en le soupçonnant d’avoir volé sa cassette. (transition)Les acteurs eux-mêmes représentent donc une dimension fondamentale que la lecture ne saurait remplacer.
Vivants, présents, avec leur visage et leur corps, avec leur voix et leurs gestes, les acteurs sont des êtres de chair qui donnent existence au texte. Ils sont indispensables pour rendre perceptibles toutes les intentions de l’auteur qui peuvent échapper à la lecture : l’humour, l’ironie, la dérision, le dépit passent souvent par un geste ou une intonation de la voix qui éclairent ainsi le texte. Et puis, comme les didascalies paraissent pauvres, confrontées à la réalité du jeu théâtral ! Les coups de bâton chez Molière (par exemple dans Les Fourberies de Scapin), les coups de théâtre dans la tragédie, les quiproquos burlesques du théâtre de boulevard prennent tout leur intérêt quand on les voit effectivement joués par des acteurs. Il arrive même, particulièrement dans le théâtre contemporain, que les dialogues paraissent « pauvres « à la lecture, ou marqués par le silence : (transition)c’est qu’ils supposent alors la présence indispensable de l’acteur, qui communique son émotion, obéissant aux indications du metteur en scène.
Depuis le début du XX°s, en effet, l’importance du metteur en scène dans la création théâtrale est déterminante. Chaque représentation d’une pièce, aussi ancienne soit-elle, est l’occasion d’un dialogue entre le metteur en scène et l’auteur. C’est lui, le metteur en scène, qui renouvelle le sens de la pièce aux yeux du public contemporain. C’est lui qui rappelle un sens oublié ou découvre des intentions cachées, présentes dans le texte, pour les communiquer par sa mise en scène. Il est ainsi un véritable « partenaire « de l’auteur ; il est à son tour un créateur qui conduit le texte à son point d’aboutissement. On pense, par exemple au rôle de Louis Jouvet, de Patrice Chéreau ou de Daniel Mesguich, à tout ce qu’ils ont apporté pour faire le bonheur du public dans les salles de théâtre.
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Aujourd’hui la multiplication des éditions d’œuvres théâtrales permet à un grand nombre de lecteurs d’avoir accès aux pièces sans avoir à se déplacer. Mais il ne faut pas oublier que ces pièces ont été écrites pour être jouées, et , quand l’occasion s’en présente, c’est en assistant au spectacle qu’on a le plus de chance d’apprécier pleinement une œuvre théâtrale. En effet, rien ne peut se substituer à l’alchimie naissante entre le public et les acteurs lors d’une représentation sur scène.
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