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elles nous montrent les hommes plutôt que l'homme ; c'est-à-dire

Publié le 23/10/2012

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elles nous montrent les hommes plutôt que l'homme ; c'est-à-dire qu'elles nous fournissent des notions empiriques sur la façon dont les hommes se conduisent les uns envers les autres, notions d'où nous pouvons tirer des règles pour notre propre conduite, plutôt qu'elles ne nous ouvrent des vues profondes sur la nature intime de l'humanité. Cependant ce second genre d'études n'est nullement interdit à l'historien ; mais toutes les fois que l'histoire ou l'expérience individuelle nous font connaître la nature de l'humanité, c'est que déjà nous avons envisagé soit les faits d'expérience, soit les faits historiques, en artistes et en poètes, selon l'Idée, non selon le phénomène ; au point de vue absolu, non au point de vue relatif. L'expérience personnelle est une condition nécessaire pour comprendre la poésie, aussi bien que l'histoire, car elle est comme le dictionnaire de la langue qu'elles parlent l'une et l'autre... Aussi, à quiconque veut connaître l'humanité dans son essence, dans son Idée, toujours identique sous ses manifestations et ses développements, les oeuvres des grands et immortels poètes en donneront une image beaucoup plus fidèle et plus nette que ne le pourraient faire les historiens : car même les meilleurs parmi ces derniers sont, comme poètes, bien loin d'être les premiers, et de plus n'ont pas les mouvements libres. (Monde, I, 255-7.) 2. LA POÉSIE ET SES GENRES NATURE DE L'INSPIRATION LYRIQUE La représentation de l'Idée de l'humanité, représentation qui est le but du poète, est possible de deux façons : ou bien le poète est à lui-même son objet ; c'est ce qui a lieu dans la poésie lyrique, dans le chant proprement dit : l'écrivain nous décrit ses propres sentiments dont il a une vivante intuition ; aussi, quant à son objet, ce genre a, par essence, une certaine subjectité ; — ou bien le poète est tout à fait étranger à l'objet de ses écrits ; c'est le cas de tous les autres genres poétiques, où l'écrivain se cache plus ou moins derrière son sujet, et finit par disparaître tout à fait. Dans la romance, le poète laisse encore percer, par le ton et l'allure générale de l'ensemble, ses propres sentiments : beaucoup plus objective que la chanson, elle garde cependant quelque chose de subjectif, qui diminue encore dans l'idylle, plus encore dans le roman, disparaît presque tout à fait dans le genre proprement épique, et finit par ne plus laisser de trace dans le drame, qui est le genre de poésie le plus objectif et à bien des égards le plus parfait et le plus difficile. Le genre lyrique est, pour la même raison, le plus facile ; et si l'art n'appartient qu'au rare et pur génie, cependant un homme même moyen en tout, s'il est, en fait, exalté par une forte impression, ou quelque soudaine inspiration de son esprit, pourra composer une belle ode ; car pour cela il ne lui faut qu'une vive intuition de ses sentiments propres dans un moment d'exaltation. Il suffit pour le prouver de tous ces chants lyriques d'individus restés d'ailleurs inconnus, spécialement des chansons populaires allemandes. Cependant, dans la poésie lyrique, s'il se rencontre un vrai poète, il exprime dans son oeuvre la nature intime de l'humanité entière. Tout ce que des millions d'être passés, présents et à venir, ont ressenti ou ressentiront dans les mêmes situations qui reviennent sans cesse, il le ressent et l'exprime vivement. Ces situations, par leur retour éternel, durent autant que l'humanité elle-même et éveillent toujours les mêmes sentiments. Aussi les productions lyriques du vrai poète subsistent-elles, pendant des siècles, vivantes, vraies et jeunes. Le poète est donc le résumé de l'homme en général : tout ce qui a jamais fait battre le coeur d'un homme, tout ce que la nature humaine, dans une circonstance quelconque, fait jaillir hors d'elle, tout ce qui a jamais habité et couvé dans une poitrine humaine, telle est la matière qu'il travaille, comme il travaille tout le reste de la nature. Aussi le poète est-il également capable de chanter la volupté et les sujets mystiques, d'être Anacréon ou Ange Silésius, d'écrire des tragédies ou des comédies, d'esquisser un caractère élevé ou commun, selon son caprice ou sa vocation. C'est pourquoi personne ne peut lui prescrire d'être noble et élevé, moral, pieux, chrétien, ou ceci ou cela ; encore moins peut-on bi reprocher d'être ceci et non cela. Il est le miroir de l'humanité, et lui met devant les yeux tous les sentiments dont elle est remplie et animée. Examinons maintenant de plus près la nature du chant proprement dit, et pour cela prenons comme exemples des modèles parfaits et presque purs, et non pas de ceux qui empiètent déjà en quelque façon sur un autre genre, comme la romance, l'élégie, l'hymne, l'épigramme, etc. ; voici ce que nous allons trouver comme caractère propre du chant, dans son acception la plus étroite : c'est le sujet de la volonté, c'est-à-dire son propre vouloir qui remplit 'a conscience de l'auteur, souvent comme un vouloir libre et paisible (joie), mais plus souvent encore comme un vouloir entravé (tristesse), toujours comme affection, souffrance, état passionnel. Pourtant, à côté de cet état, et simultanément avec lui, les regards qu'il jette sur la nature environnante donnent au poète la conscience de lui-même comme sujet d'une connaissance pure indépendante de la volonté : le calme inébranlable d'âme qu'il éprouve alors contraste encore davantage avec le trouble de sa volonté toujours maladive et toujours avide. Le sentiment de ce contraste et de ces réactions est proprement ce qu'exprime l'ensemble du chant, et ce qui constitue surtout l'inspiration lyrique. Dans cet état, la pure connaissance vient à nous, pour nous délivrer de la volonté et de son trouble : nous nous abandonnons à elle, mais pour un instant seulement ; toujours la volonté vient de nouveau nous arracher à la contemplation calme, pour nous faire ressouvenir de nos intérêts personnels. Mais aussi toujours la beauté prochaine de ce qui nous entoure vient à son tour nous séduire et nous enlever à la volonté pour nous livrer à la connaissance pure et affranchie de tout vouloir. Voilà pourquoi règnent dans le chant et l'inspiration lyrique la volonté d'abord (les vues intéressées et personnelles) et ensuite la pure contemplation de la nature environnante ; ces deux éléments se mélangent admirablement. On cherche et on imagine des rapports entre les deux ; la disposition subjective, l'affection de la volonté, communique sa couleur à la nature contemplée, et réciproquement... — Quiconque partagera avec moi l'avis que je viens d'émettre sur l'inspiration lyrique m'accordera aussi qu'elle est proprement la conception intuitive et poétique d'une proposition que j'ai émise dans ma dissertation sur le Principe de raison, et que j'ai reprise déjà dans le présent écrit, à savoir que l'identité du sujet de la connaissance et du sujet de la volonté peut être nommée le miracle XOCT' è0)(ly (par excellence) ; la puissance poétique du chant

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