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Edmund BURKE (1729-1797) Vrais et faux droits de l'homme

Publié le 19/10/2016

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Edmund BURKE (1729-1797)

Vrais et faux droits de l'homme

(...) Je suis aussi loin de dénier en théorie les véritables droits de l'homme que de les refuser en pratique (en admettant que j'eusse en la matière le moindre pouvoir d'accorder ou de rejeter). En repoussant les faux droits qui sont mis en avant, je ne songe pas à porter atteinte aux vrais, et qui sont ainsi faits que les premiers les détruiraient complètement. Si la société civile est faite pour l'avantage de l'homme, chaque homme a droit à tous les avantages pour lesquels elle est faite. C'est une institution de bienfaisance; et la loi n'est autre chose que cette bienfaisance en acte, suivant une certaine règle. Tous les hommes ont le droit de vivre suivant cette règle; ils ont droit à la justice, et le droit de n'être jugés que par leurs pairs, que ceux-ci remplissent une charge publique ou qu'ils soient de condition ordinaire. Ils ont droit aux fruits de leur industrie, ainsi qu'aux moyens de faire fructifier celle-ci.

Ils ont le droit de conserver ce que leurs parents ont pu acquérir, celui de nourrir et de former leur progéniture, celui d'être instruits à tous les âges de la vie et d'être consolés sur leur lit de mort. Tout ce qu'un homme peut entreprendre par lui-même sans léser autrui, il est en droit de le faire; de même qu'il a droit à sa juste part de tous les avantages que procurent le savoir et l'effort du corps social. Dans cette association tous les hommes ont des droits égaux, mais non à des parts égales. Celui qui n'a placé que cinq shillings dans une société a autant de droits sur cette part que n'en a sur la sienne celui qui a apporté cinq cents livres. Mais il n'a pas droit à un dividende égal dans le produit du capital total. Quant au droit à une part de pouvoir et d'autorité dans la conduire des affaires de l'État, je nie formellement que ce soit là l'un des droits directs et originels de l'homme dans la société civile; car pour moi il ne s'agit ici que de l'homme civil et social, et d'aucun autre. Un tel droit ne peut relever que de la convention.

Si la société civile est le produit d'une convention, cette convention doit être sa loi; elle doit limiter et informer toute constitution à laquelle elle préside. Il n'est pas de pouvoir législatif, judiciaire ou exécutif qui ne soit sa créature. Aucune forme de pouvoir ne peut avoir d'existence dans un autre ordre des choses; comment donc pourrait-on se prévaloir des conventions de la société civile pour revendiquer des droits qui ne supposent même pas l'existence d'une telle société? des droits qui sont absolument incompatibles avec celle-ci? Un des premiers objets de la société civile, objet qui devient une de ses règles fondamentales, est que personne ne soit juge en sa propre cause. De ce seul fait chaque membre de la société renonce au premier droit fondamental de l'homme naturel, celui de juger par lui-même et de défendre son propre droit. Il abdique le droit d'être son propre gouverneur, et même - dans une large mesure - ce droit de légitime défense qui est la première loi de la nature. Les hommes ne peuvent jouir à la fois des droits de l'état de nature et de ceux de la société civile. Pour obtenir justice, l'individu renonce au droit de la déterminer dans ce qui lui importe le plus. Et pour s'assurer d'un certain degré de liberté, il s'en dessaisit en totalité pour en confier la garde à d'autres instances.

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