Ecriture d'invention: Discours de Rastignac
Publié le 11/09/2006
Extrait du document
« Eh bien mon cher et affectionné cousin! Te voilà dans de beaux draps! A peine avez-vous quitté la province que vous vous faites déjà humilié! Et par la Comtesse de Restaud par-dessus le marché. N’ayez aucune crainte, je ne vous en veux pas. Vous êtes encore tel un agneau dans cette jungle cruelle et corrompue qu’est Paris! Savez-vous combien d’âmes pures et innocentes sont en ce moment même entrain de se morfondre et d’errer parce qu’elles ont vu leurs ambitions et espérances de jeunes hommes réduites à néant? Connaissez-vous toutes les trames, aussi désobligeantes soient-elles, qui se jouent actuellement à Paris? Votre cœur et votre estime n’en ont pas encore assez souffert pour que vous puissiez vous en rendre compte. Je vous rassure, moi aussi, j’avais les yeux bandés quand je suis arrivé ici. Gai comme un pinson, fier comme un coq et vaniteux comme un paon, je voulais conquérir le monde, séduire et reséduire toutes les belles et mondaines demoiselles qui courent les rues. Mais il suffit qu’une seule personne dans ce monde vous ôte ce bandeau qui vous aveugle pour que vous découvriez le monde et la société tels qu’ils sont. Mais, ce bandeau qu’on vous aura enlevé, ne vous servira pas à percevoir un semblant de lumière. Non, car le monde n’est pas aussi lumineux que vous ne le pensez. Ce que vous percevrez, c’est une société corrompue, cupide, dangereuse, hypocrite et mensongère. Elle n’est constituée que de prédateurs ainsi que de victimes. Et n’importe qui ne sachant pas s’y prendre, risque de faire partie de ces ilotes qui se sont fait prendre au piège. Dont vous. - Je ne comprends pas… - Haha! Et comment?! Je m’en doute bien. Ecoutez-moi attentivement. Vous n’êtes certainement pas le seul à avoir essayé de pénétrer dans le cœur de la belle Anastasie de Restaud. Si je vous réplique ça c’est bien parce que je m’y suis, durant un moment, moi aussi perdu. Je conçois bien qu’elle vous plaît; j’admets qu’elle m’a plu. Même si c’est dur à assumer, je me suis également épris de la belle Madame de Nucingen qui s’est révélée être le parfait reflet de sa sœur, et même si ce n’est pas très glorieux, je suis toujours sous son charme. Considérez-vous chanceux! Je mets de côté ma fierté pour vous avouer toutes les fautes que j’ai commises ces dernières années. Si je le fais, c’est bien que le danger dont je veux vous protéger est réel, présent et extrêmement virulent! Si vous n’y prenez pas garde, vous serez contaminé par cette société et rien ne pourra vous guérir. Promettez-moi de ne jamais vous fier aux apparences. Le visage que présente chaque personne et surtout chaque femme dans Paris n’est autre qu’un masque. Ce masque s’avère toujours trompeur, mais avant que vous ne vous en aperceviez, il est déjà trop tard et vous êtes déjà pris au piège. Vous aurez beau vous en débattre, la vérité est que vous serez tombé amoureux de ce masque. Croyez-en mes nombreuses expériences! Identifiez chacune de ces femmes que vous rencontrerez à une sirène qui vous capture par leur beauté et leur chant. Premièrement, vous n’y verrez que du feu et une fois que vous serez devenu sa proie, même si vous vous apercevez que cette créature est maléfique, vous en restez toujours plus amoureux. La beauté d’une femme révèle constamment du cynisme, de la corruption et de la trahison. Toutes sont sujettes à des débauches amoureux, à des déboires financiers, toutes se plaignent de leur milieu social, toutes sont égocentriques, égoïstes et jalouses. En bref, toutes se ressemblent et vous attirent dans leur jeu. Rappelez-vous: plaisir d'amour ne dure qu'un moment, chagrin d'amour dure toute la vie! On ne se console pas des chagrins, on s'en distrait. Donc, mieux vaut vivre sans attaches ni liens. Par conséquent, ne laissez jamais, jamais, quelqu’un percevoir vos sentiments véritables. Peu importe ce que vous ressentez, que ce soit de l’amitié, de la compassion, de la haine, de la tendresse, ou encore… de l’amour. Vous en souffririez trop. Nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l'instant présent ne pourraient exister sans faculté d'oubli. Alors, faites attention à tous vos gestes afin de ne pas commettre d’imprudences. Pour reprendre les belles et douloureuses paroles de Madame de Beauséant, vous ne seriez alors plus le bourreau mais la victime. On userait de votre humanité afin de vous la faire perdre. De même, si par mégarde vous laisseriez s’échapper vos sentiments, vos adversaires en profiteraient largement pour en abuser. Quand j’y repense, ce bon vieux père Goriot n’a pas échappé à cette règle. Il était humain, mais est mort de ses bons sentiments pour ses filles. Ce monde l’a bien eu. Ici bas, la société épie toutes vos faiblesses, toutes vos failles, toutes vos nécessités pour ensuite pouvoir mieux vous corrompre ou vous dévorer. Il suffit que pendant quelques secondes vous montriez votre perte de repères ou de confiance, pour que des manipulateurs avides de proies s’avancent vers vous et vous proposent des marchés plus cyniques les uns que les autres. Ne cédez jamais! Ne sombrez jamais dans la corruption! Vous deviendriez alors l’un des leurs. Vous êtes votre seule guide, vous ne pouvez compter que sur vous-même. Gardez bien au fond de votre cœur vos pensées, vos ambitions et vos sentiments. La parole a été donnée à l'homme pour cacher sa pensée. Usez de ces paroles s’il le faut. Trompez la société avec des mots, révélez le contraire de tes songes et ce monde vous épargnera peut-être. J’oserais rajouter que si vous croyez avec votre grande naïveté d’enfant avoir des amis, détrompez-vous. Ne vous fiez jamais à l’amitié. Elle disparaît quand on tombe dans le malheur, ou quand celui qu’on apprécie devient puissant. Du moins, si ces « amis « ne vous ont pas déjà trompé, n‘est-ce pas? Chaque individu quel qu’il soit possède ses propres péchés, chaque personne de votre entourage à qui vous vous seriez confié pourrait se retourner contre vous et vous écraser à l’aide de vos propres mots et phrases. N’accordez jamais votre confiance à quelqu’un, vous pourriez le payer très cher. Il n’y a pas de place pour l’humanité dans Paris. C’est chacun pour soi, chacun livre sa bataille tout seul. Voyez-vous, à ce moment précis, il y a des milliers de parisiens. Certains prennent peur. Certains rentrent chez eux. Certains racontent des mensonges pour s’en sortir. D’autres font simplement face à la vérité. Bon nombre sont des êtres corrompus en guerre avec le bien, et certains sont bons mais subissent malgré tout le pouvoir du mal. Des milliers de personnes dans Paris, des milliers d’âmes et d‘esprits. Malgré cela, vous êtes tout seul face à votre destin. Tout seul confronté à vos choix, à votre combat. Quand vous auras quelques difficultés et que vous voudrez vous battre, une difficulté vous arrêtera: dans tout ce grand Paris, où pourrez-vous prendre un témoin? Vous n’aurez pas un ami. Vous aurez eu plusieurs connaissances, mais toutes, régulièrement, au bout de six semaines de relations, s'éloigneront de vous. Vous penserez alors être insociable. Mais vous aurez tort, la société est ainsi. Tout le monde feigne l’indifférence. Ici, le monde est hypocrite. Tout le monde prétend être bon, tout le monde cherche à se faire passer pour plus que ce qu’il n’est, tout le monde joue sur l’apparence pour paraître être quelqu’un d’autre. L'hypocrisie est un vice à la mode. Le monde n’est que mensonge, duperie et trahison. Si quelqu’un se rapproche de vous, se montre aimable et vous rend service, c’est pour après mieux vous dépouiller. Paris est rempli de rapaces perfides et machiavéliques, prêts à vous picorer les yeux pour vous rendre aveugle et vous voler. Paris s’entretue par ses vices tout aussi malsains les uns que les autres. Quand je repense à celle qui vous a humilié! Elle n’a pas hésité à traiter son père comme un esclave et à le renier comme s’il n’existait pas, après avoir bien profité de sa trop grande gentillesse! Elle n’a même pas pris la peine de venir pleurer à son enterrement! Elle était bien trop occupée par ses plaisirs mondains et ses désirs de luxe. Il s’était tellement dévoué pour ses filles… Il ne demandait que de la gratitude de leur part. Le vieux bonhomme a bien été déçu et trahi. Des Anastasie de Restaud, il y en a partout dans cette ville. Il faut vous en méfier croyez-moi. Et ce pauvre Goriot qui disait de sa voix peinarde que les pères doivent toujours donner pour être heureux, que donner toujours, c'est ce qui fait qu'on est père. Et bien, le voilà le résultat! Trop de bonté dans les parents cause la perte des enfants! Ah! Mais je lui ai promis de le venger: je l‘ai déjà vengé, je le venge en ce moment et je le vengerai toujours! Trop de fierté dans ce corps pour me laisser dominer par ce monde de vautours et sans aucune valeur! Ils n’ont qu’un seul mot à la bouche: l’argent. Figurez-vous qu’ici, personne ne peut rien faire sans argent. L’argent est devenu maître de cette société de rats cupides. Aucun pas dans ce monde ne vous est possible sans un minimum de richesse. C’est ce qui cause la perte et la non ascension des plus pauvres. Les parisiens ne se fient qu’aux apparences et aux rumeurs. Ils fourmillent de préjugés sur tout le monde; c’est leur manière bien personnelle de vous juger et de vous traiter. Je vous ai déjà fait la leçon sur le fait que l’apparence comptait énormément à Paris, et bien, cette apparence vous vous en faites une avec l’argent que vous possédez. Plus vous êtes riche, élégant, beau, jeune et bien entretenu, plus vous aurez de succès envers aussi bien les femmes que les hommes de la haute société. L’argent qu’on possède est l’instrument de la liberté, celui qu’on pourchasse est celui de la servitude.Pour l’argent, tout le monde est prêt à devenir corrompu en commettant des actes immoraux comme se prostituer auprès de pairs de France, aller jouer dans des casinos, endetter sa famille en leur faisant faire des sacrifices pour de l’argent, ou assassiner pour toucher un héritage. Ne vous laissez pas corrompre aussi aisément! J’ai moi-même imposé à ma mère et à ma tendre sœur des endettements. En cinq ans à Paris, vous prendrez conscience de milliers de faits, mais même toute une vie à Paris ne vous suffira pas pour tout apprendre sur la société, ses vices et ses vertus. Toutefois, du temps que vous y êtes, comme je perçois tel un devin que votre principale préoccupation pour le moment est la Comtesse de Restaud, je vous autorise voire je vous conseille fortement de continuer à la charmer. - Je ne vous suis plus. Je veux bien admettre que j’ai eu tort de m’approcher aussi maladroitement de Me de Restaud, mais vous, après m’avoir fait la morale, vous osez me demander d’aller encore séduire Me de Restaud! Je ne vous comprends vraiment plus. - Il faut bien, au moins, tirer bénéfice de vos erreurs. Vous savez aussi bien que moi que Madame de Restaud a des liens très proches avec la haute société. Et bien, profitez-en pour gravir l’échelle sociale. Réussir dans cette société ne peut se faire qu'au prix du plus farouche individualisme. Le loup ne peut être que solitaire. J’ai appris cette démarche plutôt cynique avec l’aide de Me de Beauséant. Il ne faut traiter les hommes et surtout les femmes que comme des pions qui nous servent d’appui. Dites-vous que ces femmes sont des alliés, certes méprisées par notre conscience, mais des alliés quand même qui nous servent de marchepieds. Après tout, il nous faut bien quelqu’un pour nous appuyer! Quand on n’en a plus besoin, on les abandonne et on continue son chemin, sa montée vers l’aristocratie parisienne. A Paris, c’est de cette manière que l’on réalise ses désirs d’ascension. Sans femme riche et bien placée, il vous sera bien plus dur de vous en sortir. Mais regardez-vous, vous avez absolument tout le charisme pour vous attirer des femmes inexpérimentées, naïves, jeunes et riches. Prenez le cœur d’une d’entre elle, mettez-vous en relation avec ses proches, évoluez dans la société et enfin, brisez ce cœur. C’est aussi simple que ça. Vous aurez alors une emprise sur Paris et sur son monde. Vous découvrirez et connaîtrez encore mieux ses secrets. Vous pourrez vous servir de vos connaissances pour, de manière encore plus forte, diriger cette société. Voyez-vous, moi aussi, à mes débuts j’ai emprunté cette démarche. Comme première étape de mon défi envers la société, j’ai aussitôt entrepris d’aller diner chez Delphine de Nucingen. Elle m’a alors permis d’atteindre le poste de banquier. Cela vaut largement le coup de manipuler les femmes, ne trouvez-vous pas? - Je ne vous croyais pas aussi dur, dépourvu de sentiments et aussi malfaisant. C’est assez décevant de la part de mon cousin. - Ne jamais se fier aux apparences! Les hommes ne feront que vous décevoir tout au long de votre existence. Ne croyez pas y échapper. C’est la loi de la jungle. Le plus fort gagne. Quant aux autres, ils s’effondrent. Il n’y a aucune place pour les sentiments. Si vous voulez rejoindre le camp des vainqueurs, il faut sacrifier sa sensibilité! Ma dernière larme? Je l’ai versé lors de l’enterrement de ce bêta de Goriot. Le rêve de l'homme est semblable aux illusions de la mer. Ils sont dangereux. Il faut y prendre garde. Si vous ne misez pas tout dans la réalisation de tes rêves, ces rêves ne seront plus que des mirages. Pour atteindre vos objectifs et vos buts n’hésitez pas à toiser avec arrogance et mépris vos adversaires ou concurrents. Moins vous aurez de compassion, mieux vous calculerez et manipulerez, et plus vous irez de l’avant. Plus vous frapperez fort, plus vous serez craint et respecté! Une fois cet objectif atteint, vous serez en mesure de tout désirer et vous aurez une emprise sur tout Paris. Vous connaîtrez alors la signification du monde: un théâtre où la pièce est mal distribuée. Le monde est un mélange d’escrocs et de soumis. Mieux vaut ne faire partie ni de l‘un, ni de l‘autre! Pour réussir dans un monde où tout le monde use de mesquinerie, il faut se placer bien au dessus de cette corruption et viser plus haut que la majorité de ces personnes corrompues. Pour y parvenir, vous pouvez vous comporter en parfait égoïste et être individuel, mais n’allez jamais compromettre la vie d’une personne bien qu’elle soit malsaine. Vous sombreriez alors dans le rang des criminels, et vous vous classeriez alors au même niveau médiocre que ces gens là. Pour rester soi même dans un monde qui s’évertue jour et nuit à vous rendre comme n’importe qui, il faut gagner la plus rude bataille qu’un humain puisse livrer, et cette bataille n’a pas de fin. Il faut juste trouver le juste milieu des choses et votre identité. Gardez toujours en tête vos origines familiales mais aussi sociales. Il faut que vous ayez de la fierté, de l’orgueil pour savoir qui vous êtes mais aussi afin de vous redresser à chacune de vos défaites. Car ce qui est tragique dans la vie des hommes, c'est moins leurs souffrances que leurs échecs. Or, réussir, c’est survivre à ses échecs. Alors, vous laissez jamais abattre ou affaiblir par vos pertes. Toujours se battre, tel est ma devise. Vous ne devrez pas non plus manquer de courage. Vous ne pouvez pas vous permettre de fuir des situations, de les contourner. Souvenez-vous: il n'y a de bonheur possible pour personne sans le soutien du courage. Peu importe vos échecs, vos déceptions, ne baissez jamais les bras. Ne laissez pas votre flamme s’éteindre étincelles après précieuses étincelles, dans les eaux putrides du presque , du pas encore ou du pas du tout. Ne laissez pas périr ce héros qui habite votre âme dans les regrets frustrés d’une vie que vous auriez voulue et méritée, mais que vous n’avez pas encore pu atteindre. Vous pouvez gagner ce monde que vous désirez tant, il existe, il est bien réel, il vous appartient. Tout est possible. Il suffit d’un peu de patience, de ruse et de perspicacité. Allez donc au bout de vos volontés en commençant par Me de Restaud. Elle est une femme facile et influençable. Une parfaite première maîtresse qui vous fera monter dans l’échelle sociale et parvenir à vos désirs. Je vous aiderai, je serai votre guide partout où vous vous aventurerez. Mon nom fait déjà trembler tout Paris. Usez de mon nom pour arriver à vos fins. Proclamez vous cousin proche d’Eugène de Rastignac et le monde se soumettra déjà à vous! Mon nom sera votre fil d’Ariane qui vous permettra de sortir de toutes les situations aussi compromettantes soient-elles. Faites-moi confiance, croyez en votre famille et vos valeurs et tout sera plus simple pour vous. Parole d’Eugène de Rastignac, vous sortirez vainqueur de votre désir d‘ascension!
«
Certains racontent des mensonges pour s'en sortir.
D'autres font simplement face à la vérité.
Bon nombre sont des êtrescorrompus en guerre avec le bien, et certains sont bons mais subissent malgré tout le pouvoir du mal.
Des milliers de personnesdans Paris, des milliers d'âmes et d‘esprits.
Malgré cela, vous êtes tout seul face à votre destin.
Tout seul confronté à vos choix, àvotre combat.
Quand vous auras quelques difficultés et que vous voudrez vous battre, une difficulté vous arrêtera: dans tout cegrand Paris, où pourrez-vous prendre un témoin? Vous n'aurez pas un ami.
Vous aurez eu plusieurs connaissances, mais toutes,régulièrement, au bout de six semaines de relations, s'éloigneront de vous.
Vous penserez alors être insociable.
Mais vous aureztort, la société est ainsi.
Tout le monde feigne l'indifférence.
Ici, le monde est hypocrite.
Tout le monde prétend être bon, tout lemonde cherche à se faire passer pour plus que ce qu'il n'est, tout le monde joue sur l'apparence pour paraître être quelqu'und'autre.
L'hypocrisie est un vice à la mode.
Le monde n'est que mensonge, duperie et trahison.
Si quelqu'un se rapproche devous, se montre aimable et vous rend service, c'est pour après mieux vous dépouiller.
Paris est rempli de rapaces perfides etmachiavéliques, prêts à vous picorer les yeux pour vous rendre aveugle et vous voler.
Paris s'entretue par ses vices tout aussimalsains les uns que les autres.
Quand je repense à celle qui vous a humilié! Elle n'a pas hésité à traiter son père comme unesclave et à le renier comme s'il n'existait pas, après avoir bien profité de sa trop grande gentillesse! Elle n'a même pas pris lapeine de venir pleurer à son enterrement! Elle était bien trop occupée par ses plaisirs mondains et ses désirs de luxe.
Il s'étaittellement dévoué pour ses filles… Il ne demandait que de la gratitude de leur part.
Le vieux bonhomme a bien été déçu et trahi.Des Anastasie de Restaud, il y en a partout dans cette ville.
Il faut vous en méfier croyez-moi.
Et ce pauvre Goriot qui disait de savoix peinarde que les pères doivent toujours donner pour être heureux, que donner toujours, c'est ce qui fait qu'on est père.
Etbien, le voilà le résultat! Trop de bonté dans les parents cause la perte des enfants! Ah! Mais je lui ai promis de le venger: je l‘aidéjà vengé, je le venge en ce moment et je le vengerai toujours! Trop de fierté dans ce corps pour me laisser dominer par cemonde de vautours et sans aucune valeur! Ils n'ont qu'un seul mot à la bouche: l'argent.
Figurez-vous qu'ici, personne ne peut rienfaire sans argent.
L'argent est devenu maître de cette société de rats cupides.
Aucun pas dans ce monde ne vous est possiblesans un minimum de richesse.
C'est ce qui cause la perte et la non ascension des plus pauvres.
Les parisiens ne se fient qu'auxapparences et aux rumeurs.
Ils fourmillent de préjugés sur tout le monde; c'est leur manière bien personnelle de vous juger et devous traiter.
Je vous ai déjà fait la leçon sur le fait que l'apparence comptait énormément à Paris, et bien, cette apparence vousvous en faites une avec l'argent que vous possédez.
Plus vous êtes riche, élégant, beau, jeune et bien entretenu, plus vous aurezde succès envers aussi bien les femmes que les hommes de la haute société.
L'argent qu'on possède est l'instrument de la liberté,celui qu'on pourchasse est celui de la servitude.Pour l'argent, tout le monde est prêt à devenir corrompu en commettant des actesimmoraux comme se prostituer auprès de pairs de France, aller jouer dans des casinos, endetter sa famille en leur faisant faire dessacrifices pour de l'argent, ou assassiner pour toucher un héritage.
Ne vous laissez pas corrompre aussi aisément! J'ai moi-mêmeimposé à ma mère et à ma tendre sœur des endettements.
En cinq ans à Paris, vous prendrez conscience de milliers de faits, maismême toute une vie à Paris ne vous suffira pas pour tout apprendre sur la société, ses vices et ses vertus.
Toutefois, du temps quevous y êtes, comme je perçois tel un devin que votre principale préoccupation pour le moment est la Comtesse de Restaud, jevous autorise voire je vous conseille fortement de continuer à la charmer.- Je ne vous suis plus.
Je veux bien admettre que j'ai eu tort de m'approcher aussi maladroitement de Me de Restaud, mais vous,après m'avoir fait la morale, vous osez me demander d'aller encore séduire Me de Restaud! Je ne vous comprends vraiment plus.- Il faut bien, au moins, tirer bénéfice de vos erreurs.
Vous savez aussi bien que moi que Madame de Restaud a des liens trèsproches avec la haute société.
Et bien, profitez-en pour gravir l'échelle sociale.
Réussir dans cette société ne peut se faire qu'auprix du plus farouche individualisme.
Le loup ne peut être que solitaire.
J'ai appris cette démarche plutôt cynique avec l'aide deMe de Beauséant.
Il ne faut traiter les hommes et surtout les femmes que comme des pions qui nous servent d'appui.
Dites-vousque ces femmes sont des alliés, certes méprisées par notre conscience, mais des alliés quand même qui nous servent demarchepieds.
Après tout, il nous faut bien quelqu'un pour nous appuyer! Quand on n'en a plus besoin, on les abandonne et oncontinue son chemin, sa montée vers l'aristocratie parisienne.
A Paris, c'est de cette manière que l'on réalise ses désirsd'ascension.
Sans femme riche et bien placée, il vous sera bien plus dur de vous en sortir.
Mais regardez-vous, vous avezabsolument tout le charisme pour vous attirer des femmes inexpérimentées, naïves, jeunes et riches.
Prenez le cœur d'une d'entreelle, mettez-vous en relation avec ses proches, évoluez dans la société et enfin, brisez ce cœur.
C'est aussi simple que ça.
Vousaurez alors une emprise sur Paris et sur son monde.
Vous découvrirez et connaîtrez encore mieux ses secrets.
Vous pourrez vousservir de vos connaissances pour, de manière encore plus forte, diriger cette société.
Voyez-vous, moi aussi, à mes débuts j'aiemprunté cette démarche.
Comme première étape de mon défi envers la société, j'ai aussitôt entrepris d'aller diner chez Delphinede Nucingen.
Elle m'a alors permis d'atteindre le poste de banquier.
Cela vaut largement le coup de manipuler les femmes, netrouvez-vous pas?- Je ne vous croyais pas aussi dur, dépourvu de sentiments et aussi malfaisant.
C'est assez décevant de la part de mon cousin.- Ne jamais se fier aux apparences! Les hommes ne feront que vous décevoir tout au long de votre existence.
Ne croyez pas yéchapper.
C'est la loi de la jungle.
Le plus fort gagne.
Quant aux autres, ils s'effondrent.
Il n'y a aucune place pour les sentiments.Si vous voulez rejoindre le camp des vainqueurs, il faut sacrifier sa sensibilité! Ma dernière larme? Je l'ai versé lors del'enterrement de ce bêta de Goriot.
Le rêve de l'homme est semblable aux illusions de la mer.
Ils sont dangereux.
Il faut y prendre.
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