D'une explication métaphysique - Schopenhauer
Publié le 09/03/2012
Extrait du document

« D'une explication métaphysique du fait primordial en morale » est le chapitre IV de l'œuvre complète de Schopenhauer intitulée Le fondement de la morale. L'œuvre écrite en 1810 dans le cadre d'un concours organisé par la Société Royale des Sciences du Danemark sera publié pour la première fois en 1841. Comment le titre de l'œuvre l'indique Schopenhauer tentera de définir le fondement de la morale par de multiples procédés dont l'analyse et la critique de l'œuvre de Kant et tout particulièrement sa « Fondation de la métaphysique des mœurs » concernant le sujet du concours.
Dans un deuxième temps Schopenhauer quitte Kant pour exposer sa propre théorie quant au fondement de la morale qu'il place dans le sentiment de pitié, cette aptitude à se mettre à la place d'autrui et à compatir à ses malheurs, sentiment qui aboutit souvent sur l'altruisme dont l'auteur fera mention, en tant que sens contraire à l'égoïsme dans son chapitre IV.
Sa théorie repose donc sur des sentiments venant de l'homme et non sur des concepts, ce qui l'éloignera effectivement de la pensée de Kant à ce sujet ce qui aboutit à une philosophie que l'on pourrait qualifier \"d'incarnée\" loin de toute spéculation abstraite que l'on définit comme le penseur qui pense sa pensée. On quitte la métaphysique à proprement parler pour s'approcher de la psychologie, mais en gardant un regard philosophique.
Dans son analyse de la morale, Schopenhauer propose trois sentiments différents qui se partagent le cœur humain : -L'égoïsme qui est le sentiment le plus banal poussant l'individu à tout acte qu'il croit pouvoir lui profiter d'une façon ou d'une autre, à plus ou moins long terme. Sont donc inclues toutes les volontés de faire le bien mais en vue de bénéfices réels ou imaginaires : renommée, reconnaissance, « salut de son âme »... - La méchanceté qui caractérise l'être trouvant son bonheur dans le mal qu'il peut faire subir à autrui, y compris si ses actes malveillants finissent par lui porter lui-même préjudice. Cette méchanceté peut donc aussi s'opposer à sa manière aux aspirations purement égoïstes de l'individu. - La pitié (et ses corollaires tels que la justice) qui au contraire pousse l'individu à venir en aide à autrui ou à minima à ne pas le léser d'une façon ou d'une autre, même si il y trouverait un intérêt personnel. Ce sentiment peut donc nous amener à des actes contrecarrant nos intérêts directs ou indirects et même nous inciter à placer l'autre devant soi. Ce qui ressort principalement de l'œuvre de Schopenhauer c'est sa volonté de clarté et d'accessibilité qui le rend très lisible.
D’une explication métaphysique du fait primordial de la morale.
Schopenhauer, de par ce titre, renvoi son œuvre à l’œuvre de Kant « Fondation de la métaphysique des mœurs », qu’il prit en critique de par sa propre œuvre « Le fondement de la morale ». Il reprend le terme métaphysique et annonce par-là que sa recherche du fondement de la morale sera plus scientifique que philosophique, il veut ainsi se dissocier des philosophes qui pensent leur propre pensée et tirent donc certaines conclusion d’un certain « néant » dont très peu d’éléments se trouvent concrets.
La question centrale de l’œuvre sera de savoir qu’est-ce que le morale ou plutôt d’où provient-elle ? L’auteur y répondra par de multiples procédés philosophiques mais aussi scientifiques.
Nous rechercherons alors le vocabulaire conceptuel qu’utilise Arthur Schopenhauer dans son œuvre pour ensuite les définir et en comprendre le sens véritable. Dès les premières lignes du Chapitre IV que nous étudions, l’auteur se sert à deux reprises du mot expérience qui n’est pas placé au hasard. Il place l’expérience dès le début du texte pour sans défaire au début même du raisonnement afin de partir sur des bases neuves, dont la terre n’a pas encore été foulée, afin d’y trouver ce que l’œil habitué ne plus voir. Il regroupe dans l’expérience proprement dite, le passé entier de l’homme et les multiples réflexions qu’il a engendré tout au long des siècles précédents.
Viennent alors, comme la description de l’œuvre globale l’avait annoncé, les trois sentiments fondamentaux chez l’Homme selon Schopenhauer, c’est-à-dire l’égoïsme, la pitié et la méchanceté.
L’auteur se plaira donc à définir ces trois termes constituant le fondement de la morale de l’Homme, à travers de nombreux exemples afin de rendre son discours le plus compréhensible possible. Celui-ci, en évoquant la méchanceté, se voit alors obligé de définir le bon, ce qu’il fera de manière accessible « Tout ce qui est conforme aux désirs d’une volonté individuelle se nomme, par rapport à cette volonté, bon ». Il y joindra quelques exemples concis pour ne pas léser ses lecteurs.
Autre concept revenant à plusieurs reprises, celui d’individuation que Schopenhauer expliquera au moyen d’une thèse puis contredira par la suite pour en donner son avis réel. Ce principe est celui de faire la distinction entre tous les individus, que chacun soit un être radicalement différent des autres et que tout ce qui est autre fait partie du non-moi. Ce que l’auteur ne peut accepter.
- Nous allons étudier et commenter le paragraphe 10 intitulé « Deux attitudes devant la mort » du chapitre IV du fondement de la morale de Schopenhauer.
Dans ce passage l’auteur décrit et oppose deux hommes dont la différence principale sera la réaction face à la mort qui est inévitable à tous. Il nous présente tout d’abord un homme ayant pour plus grande valeur sa patrie, c’est-à-dire son pays, le peuple qui le compose. Cet homme est donc représenté comme un homme bon, un homme juste qui ne se berce pas d’illusion quant à la mort, au contraire, il se sait mourir chaque jour mais cela lui importe peu puisque de par son engagement envers ses prochaines de faire leur bonheur, il vivra au travers de chacun d’eux. Schopenhauer affirmera même que la mort, pour cet homme de valeur, vivant pour ses prochains plus que pour lui-même, la mort, c’est-à-dire l’arrêt total de toute sensation humaine et donc de toute existence physique, ne sera pas moins banal qu’un clignement des yeux, que celle-ci n’interrompra pas sa vision. L’auteur s’éloigne par ailleurs du principe de l’explication scientifique puisqu’il n’est pas de raisonnement logique ou concret de pouvoir perdurer dans le monde des humaines au travers d’autres personnes, aussi aimées soient-elles par le défunt.
Par opposition Schopenhauer y décrit un homme dont la définition de l’individuation pourrait lui être attribuée puisqu’il est décrit comme un être considérant toute autre personne comme un non-moi, c’est-à-dire un être différent de soi en tout point qu’on ne peut assimiler comme nous étant proche d’une quelconque façon. Il est le sentiment d’égoïsme incarné, ce sentiment présent dans le fondement même de la morale selon l’auteur. Cet homme ne vit que pour lui, seule sa propre personne lui semble être la réalité unique des choses, et, même s’il admet une existence dite relative aux autres hommes qu’il ne considère que très peu, il les définie comme ne pouvant être que des instruments le servant à ses buts et désirs ou bien servant seulement à le contrarier. Là se limite la vision de l’homme égoïste dont la vie compte plus que toute autre vie, cet homme ne pouvant admettre sa propre finitude en opposition à l’éternel mouvement du monde qu’il imagine disparaitre au moment de sa propre perte de sensations.
Schopenhauer, après avoir décrit l’égoïste, nous décrit plus finement les valeurs et la volonté de l’homme brave qui accepte la mort et se veut être identique à son peuple, à sa patrie. Cet homme trouve donc son existence en les autres qu’il aime, c’est pour cela que malgré la mort de sa propre personne, il continuera d’exister puisqu’il s’est définit comme étant des milliers d’autres, il ne se limite pas à son enveloppe corporelle, son âme est divisible et attachée aux autres qui constituent aussi son identité. Au final, pour cet homme, la mort n’emporte qu’une partie de ses nombreuses existences, aussi on peut dire qu’il atteint là, non une vie puisque son corps a été emporté, que ses cellules ont connu leur fin, mais une existence éternelle au travers des âges et de ses semblables qui eux aussi mourront mais donneront des descendances qui en auront à leur tour dans un cycle sans fin que l’homme connait depuis des milliers d’années.
Schopenhauer conclura son raisonnement en expliquant qu’il venait d’exposer, non pas la totalité, mais une grande partie de l’explication d’une conduite si différente que tiennent les hommes en face de la mort qui les effraie tant. Il nous a donc permis de distinguer, selon lui, l’homme d’une bonté extraordinaire, qui est cet homme vivant et mourant pour sa patrie, et le scélérat qui est la figure de l’égoïsme.
Schopenhauer écrit ce passage « Deux attitudes devant la mort » dans l’optique d’apporter une contenance et une argumentation plus fine au fondement de la morale dont il dit que les sentiments en sont la base. L’égoïsme s’opposant à l’altruisme, une opposition qui nous est commune puisqu’elle est le contenu du paragraphe 2 de ce même chapitre du fondement de la morale. De par cette description des deux hommes types que nous pouvons rencontrer, il permet une identification du lecteur à l’égoïste ou à l’altruiste et surtout à une prise de conscience de ceux-ci quant à leur vie et à leur relation aux autres. C’est en sorte une leçon que l’auteur donne à ses lecteurs tout en ne le montrant pas aux premiers abords, il leur inculque certaines valeurs d’une façon détournée pour rester dans l’optique d’une explication et d’une argumentation et non d’une leçon de vie.
Ce passage intitulé « Deux attitudes face à la mort » m’a semblé très recherché, expliqué de sorte à ce qu’il puisse attendre le plus grand nombre et pas seulement les élites de la société seulement j’y trouverai toutefois un inconvénient assez important pour ma part. Schopenhauer décrit dans ce texte les deux attitudes que l’homme peut avoir devant la mort, c’est-à-dire, l’homme bon qui ne la craindra pas puisqu’il perdurera au travers de son peuple, et à son opposé le scélérat ou l’homme mauvais qui agit par pur égoïsme et ne voit qu’une chose, c’est que lorsqu’il mourra, plus rien n’aura de raison pour lui puisqu’il ne sera plus, et n’envisage donc plus une quelconque réalité pour toutes autres personnes. Seulement, même si ce raisonnement se trouve être pour ma part très juste, il omet cependant la demi-mesure qui considère à accepter que des hommes ne puissent pas se trouver parmi ces deux cas de figures et se trouvent être des personnes attentionnées, aimant leur patrie et ayant conscience de leur propre mort et de l’infinitude de l’univers tout en ne ayant peur de voir venir leur fin. L’homme est égoïste de nature, Schopenhauer lui-même en témoigne, seulement, sans condamner tout homme sur terre, nous pouvons accepter nous même que la mort effraie et que nous y voyons une fin absolue malgré notre amour pour notre patrie. Il serait indigne d’un penseur de restreindre son esprit à deux visions de leur face à la mort et de ne pas accepter les sentiments de chacun face à celle-ci. Aussi est-il prétentieux d’y faire comprendre que le penseur se trouve être l’un de ces deux personnages, qui, dans le cas du scélérat, n’en serait pas logique, et de l’autre cas, en serait preuve d’une modestie trompeuse. Je pense donc que Schopenhauer a intentionnellement omit de parler de cette demi-mesure dont il fait certainement parti pour se consacrer aux deux extrêmes qui seront toujours les plus frappants et explicites pour ses lecteurs.
Liens utiles
- Explication de texte schopenhauer
- explication de texte Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section, pp. 96-97
- Explication de texte Métaphysique ARISTOTE
- L'animal métaphysique d'A. SCHOPENHAUER
- Texte de Schopenhauer. Métaphysique et humanité