Distinguez les rôles assignés au poète dans les textes proposés.

Les textes proposés sont des poèmes. Ils ont été écrits par des poètes d'époques différentes. Nous allons voir que les rôles assignés au poète dans chacun de ces textes sont variés.

 Le texte A est un poème de Victor HUGO, célèbre poète français du XIXe siècle, installé à Jersey et Guernesey, il écrit "Les Châtiments" et "Les Contemplations" qui vont lui faire connaître une gloire populaire.  Le poème étudié s'intitule "Fonction du poète, il est issu de l'oeuvre "Les Rayons et les Ombres" écrite en 1840. L'extrait étudié représente les strophes deux et quatre du poème original comprenant six  distiques. Dans ce poème, le poète est considéré comme un prophète (vers 6: "pareil aux prophètes"), un rêveur (vers 12: rêveur sacré), un homme révélateur et utopiste. Le champ lexical de la nature est omniprésent: "germes" v17, "éclos" v17, "forêt" v20 et "flots" v20. Le poète a un lien direct avec Dieu et a pour but de faire briller, scintiller, "flamboyer l'avenir" vers 10.

Charles CROS, également poète du XIXe siècle, a écrit le texte B en 1908. Il s'intitule "Sonnet" et est issu du recueil "Le collier de griffes". Il a également publié "Le coffret de santal", "Le Fleuve", "La vision du grand canal royal des Deux-Mers". Comme l'indique son titre, ce poème est un sonnet en octosyllabes. Le poète est ici représenté comme un homme rêveur et décalé comme il le dit:    "il vit la vie à côté" vers 1, à sa manière: il vit une vie épicurienne et bohème. On peut relever les mots "bête" v3, "mal côté" v4 et "pitres" v7 qui font parti du champ lexical de la bêtise.  Il éprouve de la nonchalance pour tout ce qu'il fait notamment lorsqu'il travaille dans l'usine (vers 6). Ce qu'il aime par dessus tout c'est la beauté: on peut le voir avec l'anaphore " beauté (vers 8, 9, 10, 11).

"Premières impressions ", le texte C,  est un poème issu de l'oeuvre "Passages". Il a été écrit par Henry MICHAUX en 1963. C'est un poète belge du XXe siècle, qui s'intéressa pendant quelques années au pouvoir des drogues et écrit "Misérable miracle" et "Connaissance par les gouffres", suite à des prises de mescalines et d'hallucinogènes. Son poème commence par une question oratoire: "Pourquoi faut-il aussi que je compose?" à laquelle il répond par l'énumération de ses raisons personnelles (par de nombreuse anaphores "Pour", "et"), qui peuvent être résumées par le fait de "noyer le mal". Ainsi, on s'aperçoit que le poète écrit afin d'éviter de sombrer dans le néant, "pour que passe enfin mon torrent d'anges" dernier vers. Le champ lexical de la douleur est omniprésent: "briser" v2, "noyer" v2, "m'étouffer" v4, "le mal" v8... Néanmoins il reste très vague dans ces explications en employant à maintes reprises "des choses", "peut-être" qui laissent le lecteur en questionnement.

Le texte D  de Pierre REVERDY s'intitule " Tard dans la vie", issu de l'oeuvre "La liberté des mers". Poète français du XXe siècle, il est considéré comme l'un des précurseurs du surréalisme. Ses plus belles oeuvres sont "La source au vent " ou "Ferraille". La construction et la structure de ce poème sont très anarchiques sans doute pour imager cette impression de temps "gâché", perdu. On peut également remarquer la présence du champs lexical du néant notamment avec les mots: "absence" v7, "nulle part" v 8, "néants" v9, "entrailles"v10, "entaille"v12 et enfin par l'expression "ma vie s'égoutte" qui est une personnification. Le poète évite le néant en créant, ainsi ce poème peut être mis en relation avec le texte C car dans ces deux poèmes, les poètes écrivent pour se libérer du mal, pour ne pas tomber dans la dépression de la vie, pour ne pas sombrer dans le néant.

Après avoir étudié dans chaque poème les rôles assignés au poète, on peut dire que chaque auteur a donné une vision différente du poète qui peut être à la fois prophète et dépressif. Certains écrivent dans un principe, une philosophie épicuriste et d'autres écrivent pour ne pas sombrer dans le noir, le néant. Néanmoins, tous ces poètes sont des hommes qui voient le monde d'un autre oeil et avec plus de décalage, de recul, de rêve.