Dissertation sur l'ars subtilior
Publié le 13/01/2016
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Il y avait (et y a) pour l'oreille subtilités dans les séquences descendantes rigides et insistantes, dans la couleur capricieuse et tonale. » La subtilité musicale se lit dans le travail technique, celui d'un artisan-compositeur. La musique du Xiè au XIVè siècle est intimement liée à la poésie. Au service de la liturgie, la polyphonie se théorise, obéit à des règles. Dans le traité De mensurabili musica, Jean de Garlande théorise la musique polyphonique qu'il assimile à l'art du discours en décrivant des figures de rhétorique musicale. Les musiciens s'appuient sur les modèles de la rhétorique et de la poétique pour fonder une grammaire musicale élaborée et structurée. Ainsi, l'organum Sédérunt Principes de Pérotin joue sur les répétitions et variations. Sédérunt : commutatio chiasme qui illustre ce travail technique dans l'enchevêtrement des voix de cet organum. Sous l'Ars Antiqua, la composition musicale est donc l'objet d'un jeu intellectuel. Dans le cadre d'une recherche de la perfection technique à l'image de Dieu, le rythme se complexifie. Francon de Cologne admet ainsi 6 modes rythmiques dans un système ternaire basé sur l'alternance de notes brèves et longues. Le début de la clausule Mors illustre l'utilisation du premier mode dit ternaria : En outre, en 1300, dans De Musica, Jean de Grouchy délivre la recette du motet : « Celui qui veut composer un motet doit d'abord donner à la teneur une bonne ordonnance et en fixer la mesure et le mode. Puis on disposera au-dessus de lui le motetus qui se tiendra (…) à la distance d'une quinte ou d'une octave de la teneur.» Helas ou sera pris + Motet isorythmique Dans la lignée de l'Ars Nova se profile l'Ars subtilior, nommé ainsi par Ursula Gunther en raison de son raffinement. Par le déploiement de la coloration, et de la talea, les compositeurs poussent la perfection technique jusqu'à outrance peut-être. La multiplication des artifices affirment la musique comme lieu de spéculation poético-musicale. La mise en musique d'un texte peut en révéler un sens caché. Le motet est alors réservé à une élite capable de savourer les « subtilités de l'art. » Des expérimentations rythmiques et mélodiques abracadabrantes ont lieu : le jeu sur les prolations se fait plus intense. Dans Fumeurs fume, le langage modal est tourné en déroute. http://digitalcommons.unl.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1047&context=musicfacpub Si l'on peut parler de « création musicale » au sujet de l'oeuvre des clercs tant elle multiplie techniques et artifices, cet ars musica se réclame d'un héritage oral et d'une simplicité voulue par la liturgie. La musique occidentale fait au Moyen-Age la transition entre la transmission orale des chants et l'écriture musicale. ll semble qu'aux débuts de la polyphonie, les clercs transcrivent les interprétations plutôt que de les créer ex-nihilo. Comme l'écrit Olivier Cullin dans Laborintus, « Le manuscrit et son écriture se situent dans la continuité de l'oral ; ce que nous percevons n'est qu'une re-production. » Dans le cadre liturgique, la simplicité et la sobriété organales doivent pousser les clercs à la spiritualité, à la prière. : Laude Jocunda Dans la musique profane, la musique monodique est très présente chez les trouvères. On attribue à Adam de la Halle, un des derniers trouvères de nombreuses œuvres monodiques telles que Au repairier de la douce contrée. Adam de la Halle sublime la technique polyphonique dans le style déchant comme en témoigne le rondeau Bonne amourette me tient gai. Par l'alternance d'un choeur et d'un soliste, ce rondeau nous renvoie au chant grégorien de type responsorial. En outre, dans la Décrétale Docta Sanctorum Patrum, Jean XXII conteste vivement les amplifications musicales et esthétiques de ce que Philippe de Vitry appelle l' «ars nova ». Il critique ainsi les clercs qui « inventent des notes nouvelles, (…) coupent ces mélodies par des hoquets, les souillent de leur déchant ... » Le pape rappelle la nécessité liturgique de la musique qui doit stimuler la dévotion des fidèles. En posant la question de la finalité de la musique, il soulève l'incompatibilité de son «indépendance artistique (…) avec le service divin. » L'ars musica s'enracine donc dans une tradition orale de simplicité et de liberté. La marche de la musique médiévale s'émancipe progressivement de l' « ars memoria » fondé pour et par la liturgie. L'idéal musical n'est pas technique, il est sonore. L'enjeu de la musique est peut-être celui de la liberté. Si le motet est le genre musical qui se déploie le plus du XIIè au XIVè siècle, c'est qu'il laisse une grande liberté aux clercs-compositeurs. Voir exemple 1 Le rondeau poétique Ma fin est mon commencement de Machaut se joue de nombreux artifices qu'il exploite. Tel un miroir vertical, un palindrome musical est préfiguré par la voix de cantus qui se reflète à l'inverse de la voix de triplum. Machaut réussit à atteindre une maîtrise technique exceptionnelle qui par le jeu pluritextuel « fin » « commencement »illustre peut-être la circularité de la vie ou la possibilité d'une renaissance Citons le roman de Fauvel qui mêle habilement narration et musique. Dans Cette large fresque musicale, les discours poétique et musical L'obsession glossatrice est poussée à son comble puisque plus de 5 heures de musique sont interpolées dans le récit de Fauvel. Le roman comporte de nombreux motets pluritextuels comme La mesnie fauveline. La pluritextualité Les œuvres de Guillaume de Machaut marquent un grand pas dans l'histoire de la musique médiévale. D'après Jacques de Chailley, Machaut « ne renie rien du passé, mais il ne négligerien du présent. Comme tous les véritables génies, c'est un homme de synthèse. » Ainsi, la messe de Machaut bâtit de nombreux jeux rythmiques. Le thème rythmique (dessin) est repris par d'autres thèmes rythmiques apparentés. Machaut manie admirablement les procédés rythmiques et mélodiques tels que le hoquet, sans tomber dans des excès techniques. La subtilité musicale ne recherche pas la perfection technique pour elle-même mais pour créer un espace sonore. Sources : CULLIN, Olivier, Laborintus MASSIN, Brigitte, Histoire de la musique occidentale CULLIN, Olivier, Brève histoire de la musique du Moyen-Age. GÜNTHER, Ursula, Das Ende der Ars Nova (https://www.jstor.org/stable/41115502?seq=1#page_scan_tab_contents) Cem.revues.org (https://www.jstor.org/stable/41115502?seq=1#page_scan_tab_contents) www.symphozik.com le cours, les extraits musicaux envoyés.
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