Dissertation en quoi la suprématie de l'économie a-t-elle des conséquences morales sur la société ?
Publié le 30/03/2011
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Dans son œuvre La Vie en plus, Alfred Sauvy écrivait que « l'économie c'est la science du sordide, non de la pureté ». Mais qu'est-ce que l'économie ? Le terme vient du grec oïkonomia (de oïkos, la maison et nomos, la loi, les règles). Étymologiquement, cela désignait à l'Antiquité les règles de conduite dans la maison. Actuellement, son sens a évolué et signifie « la science ayant pour objet l'étude de la production, de la répartition, à l'échange et de la consommation des biens ou services rares pour la satisfaction des besoins des hommes vivant en société » (Dictionnaire de l'économie et des sciences sociales, Hatier). L'apparition de l'économie moderne est liée à la montée du mercantilisme (entre 1450 et 1750) mais c'est surtout l'économiste et philosophe écossais Adam Smith qui au XVIIIème siècle marque l'économie politique avec la parution de son œuvre La Richesse des Nations en 1776. Depuis, l'économie a évolué et a assis sa domination dans la société. Cette suprématie a atteint son paroxysme avec le capitalisme actuel. Ces activités sont directement liées aux être humains et à leurs besoin. Or, depuis le milieu des années 1970, des préoccupations d’ordre éthique sont apparues au regard du développement de l’économie, qu’il s’agisse de l’économie mondiale ou des politiques économiques nationales. Les individus ont commencé à se poser la question des conséquences vis-à-vis de la morale de cette domination économique. Réfléchir aux conséquences morales implique de se demander les effets, l'impact au niveau du bien et du mal, du juste et de l'injuste, du respect de certains valeurs ou non. On peut rejoindre ici la citation de Sauvy qui pense que l'économie est liée au « sordide » et non pas à la « pureté ».La question est alors de se demander en quoi la suprématie de l'économie a-t-elle des conséquences morales sur la société ? Quelles sont ses conséquences ? Dans un premier temps, l'émergence de cette domination a entrainé une montée de l'individualisme chez les individus lié à différents courants de pensée mais cela a amené aussi vers une perte des valeurs communautaires. On peut alors se demander si cette suprématie a entrainé un meilleur accès au bonheur ou au contraire, si celui-ci n'est que feint.
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Avec l'émergence de l'économie et sa domination progressive sur les hommes et les sociétés, on a pu assister à une montée de l'individualisme. Après avoir défini ce qu'est l'individualisme et son rapport avec l'économie, nous verrons en quoi celui-ci est lié à différentes conceptions de l'économie et à leurs idéaux respectifs qui se sont développées au cours des siècles. La société est aussi en partie responsable de cette montée de l'individualisme.
La tendance qui tend à privilégier les droits, les intérêts et la valeur des individus par rapport à ceux du groupe est appelée individualisme. Ceci est son sens général mais le mot d'individualisme peut avoir plusieurs acceptations. Il peut être pris dans une conception politique, sociale ou morale. Au sens politique, c'est une conception de la vie en société au sein de laquelle l'individu se trouve être la valeur centrale, de là découle d'importantes libertés individuelles et de droits pour la personne : l'individualisme pourrait être considéré comme étant à l'origine de la démocratie, son symbole serait alors la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En effet, la montée de l'individualisme aurait permis la mise en avant de l'homme et donc l'idée de droit, ainsi on aurait constitué des règles pour définir ce qui est bien et mal, ce qui est injuste et juste pour pouvoir mieux se protéger. Dans un sens sociologique, l'autonomie de l'individu est mise en avant par rapport aux règles collectives, l'individu s'affranchit de ces normes imposées par d'autres, des tutelles traditionnelles qui pèsent sur son destin car la famille, le clan ou le seigneur (dans un système féodal). Néanmoins, au sens moral, il signifierait une tendance égoïste qu'il ne faut cependant pas effectuer trop rapidement, car si l'égoïste ne considère que ses intérêts personnels, l'individualiste considère l'intérêt des individus et non le sien uniquement. Ces deux tendances sont donc différentes à la base. Par ailleurs, deux conditions sont nécessaires pour constituer l'individualisme : il faut posséder l'autonomie morale et la liberté individuelle. Un individu doit pouvoir penser par soi-même, qui peut mener une réflexion sans être soumis aux pensées des autres au sein d'un groupe social. Mais pour cela, la société doit se préoccuper de sa condition, de la condition des hommes, des individus de sa société et cela avant de se considérer elle-même. L'individu en pensant plus à lui, peut se permettre de contribuer à l'économie : avant l'individualisme, c'était le collectif qui dominait et on pensait aux autres en tant que masse avant de penser à chacun en tant qu'un être individuel. L'homo-economicus d'Adam Smith s'est développé, l'être humain agit à présence sur les analyses, les concepts et les mouvements de l'économie de son propre choix. L'individualisme correspond donc à une nouvelle forme de liberté et se pose en principe fondamental de plusieurs types de société : anarchisme, libéralisme...
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Hormis quelques exemples éphémères pendant la Grèce Antique, il n'y a que depuis deux ou trois siècles que l'homme est réellement parvenu à faire progresser les valeurs « humaines » telle la démocratie, les droits de l'homme, la fin de l'esclavage, la liberté, l'égalité... La montée de l'individualisme a contribué à cette amélioration mais au niveau économique, le courant du libéralisme fut aussi d'une grande aide. Le libéralisme repose sur l'individualisme dans la mesure où il ne s'applique que pour des hommes capables d'agir librement, y compris comme agents économiques. Le libéralisme repose sur la primauté affirmée de l'homme dans la société. Le terme apparaît réellement avec Benjamin Constant en 1818 mais la pensée libérale date déjà des Lumières. Il faut cependant rappeler que Constant a développé le libéralisme économique et les Lumières (notamment Voltaire, Diderot et Rousseau) travaillaient sur le volet politique. Mais le volet économique a besoin du volet politique pour exister. Le libéralisme économique est une école de pensée qui estime que les libertés économiques (libre-échange, liberté d'entreprendre, libre choix de consommation ou de travail) sont nécessaires en matière économique et que l'intervention de l'État doit y être limitée. Face à la monarchie de l'Ancien Régime, le libéralisme apparaît comme juste et bien pour les individus. Son volet économique ne fait qu'affirmer cette idée. Les conséquences morales sont donc que la liberté, l'égalité sont mises en avant. On cherche le bien et le juste, à ses débuts, le libéralisme apparaît comme la sortie d'un système obsolète, injuste et surtout mauvais dans lequel une élite gère l'économie et ses activités et elle seule bénéficie de ses apports. Il va sans dire que cette élite prend ses décisions sans prendre en compte les méfaits pour la population, donc la majorité. Avec le libéralisme, chacun peut apporte sa contribution, chacun peut décider de son activité et cela librement.
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L'affirmation de l'individu et du libéralisme peuvent être considérée comme un moyen de mettre en valeur les aptitudes individuelles pour construire une organisation collective viable. Il ne faut donc pas opposer l'individualisme et la collectivité. Tout individu dépend de la société pour vivre et même survivre, donc d'un groupe envers lequel il a naturellement des devoirs. Dans sa célèbre Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, en 1776, Adam Smith écrivait « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage. » On peut voir ici que l'économie est certes lié à l'individu mais aussi à la collectivité, pour faire fonctionner les mécanismes économiques, il faut prendre en compte le collectif et les individus en son sein, il faut tout prendre en compte. Ici « égoïsme » est à prendre comme l'idée d'intérêt, de recherche de profit. La société libérale est celle qui met en place les règles économiques, l'individu est certes libre mais il ne vit pas dans un monde anarchiste, il doit tout de même prendre en compte les droits et les devoirs qu'il doit à cette société pour qu'elle fonctionne au mieux. Adam Smith a théorisé cette idée en l'appelant « la main invisible » qui montre que les actions des agents économiques , indépendantes les unes des autres, concourent à un équilibre global grâce au mécanisme de marché. L'intérêt général est donc atteint grâce à la poursuite « égoïste » de l'intérêt personnel. Le primat de l'économie permet ici aux individus seuls de faire fonctionner la société entière, dans la mesure du respect les règles du bien, du mal, du juste et l'injuste. Si on respecte une certaine morale, souvent appelée « éthique » lorsqu'on parle d'économie (car il s'agit ici du respect du bien et du juste face au mal et à l'injuste), ces activités économiques sont positives pour l'ensemble de la société.
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Lorsqu'on parle de la domination de l'économie dans nos sociétés, on oublie souvent son rôle dans la montée de l'individualisme qui a permit aux hommes de se substituer à l'autorité du roi, d'un élite dans les sociétés de l'Ancien Régime. Certes, cela c'est fait progressivement depuis le XVIIème siècle, en partant du libéralisme politique des Lumières pour aller vers le libéralisme économique de Benjamin Constant. Mas l'individualisme a favorisé le développement de nouvelles valeurs plus humaines, plus justes, plus morales dans les sociétés et même si l'individualisme est le fait de mettre l'individu en avant, il ne faut pas oublier le rôle primordial de la société en elle-même pour réguler, surveiller et supporter les différentes activités économiques. Mais, au fil des décennies, on assiste tout de même à une perte de certaines valeurs anciennes, cela étant lié à l'importance grandissante de 'l'économie dans la vie des individus.
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Si depuis trois siècles l'économie prend de plus en plus de place dans la vie des individus et des sociétés, on peut constater que ses conséquences ne sont plus aussi positives qu'à ses débuts. En effet, on assiste à une perte des valeurs communautaires face à un égoïsme et une perte de confiance, voire un égocentrisme grandissant mais on voit aussi que la recherche de profit liée au capitalisme occidental fait appel à des actions immorales. Par ailleurs, on voit une montée de l'intolérance des « riches » envers les « pauvres », des « grands » contre les « petits », cela traduisant la superpuissance de l'économie dans la société, dans la mesure où celle-ci constitue son contenu face à un droit qui ne serait alors que la forme de la société.
Au fil de sa maturation, le primat de l'économie a perdu de son impact sur le lien entre la communauté et l'individu et l'individu a gagné en puissance. En quoi la supériorité de l'économie a-t-elle favorisé un individualisme de plus en plus « individuel » ? En faisant que cette communauté devienne une ensemble d'individus seuls, se préoccupant uniquement de leur bien-être respectif : il consomme ce qu'il veut, quand il veut, où il veut et qu'importe ce que pensent les autres. Nous sommes passés d'une montée de l'individualisme en accord avec les valeurs de la communauté à un égoïsme développé dans lequel les « autres » sont moins voire plus du tout important. Ce trait de caractère typiquement humain se distingue par la volonté d'assouvir ses intérêts et de n'agir que dans ce but sans prendre en compte autrui. Lorsqu'une multinationale délocalise sa chaine de production dans un pays où la main d'œuvre est moins coûteuse et les lois du travail moins strictes, le PDG ne pense qu'à maximiser ses profits, augmenter sa production et sa productivité, il ne prend pas en compte le fait qu'il met au chômage ses travailleurs et que se sont de nombreux ménages qui en pâtissent. Dans ce cas, cette supériorité de l'économie a amené une réaction égoïste qui a eu des effets injustes sur des individus. Cette exemple reflète la montée de l'égoïste combinée à la domination de l'économie dans nos sociétés. On pense à soi avant de penser aux conséquences sur les autres. Cet égoïsme s'accompagne d'une perte de confiance des individus entre eux : dans les temps anciens, les hommes avaient confiance au sein de leur clan, de leur famille, de leur village, il y avait des relations basées uniquement sur le fait qu'un tel avait affirmé cela donc on le croyait. Maintenant, il faut prêter serment, il faut jurer, il faut même passer des contrats. La parole ne suffit plus. L'argent a pris tellement d'importance, qu'il faut tout faire pour le protéger donc la peur de le perdre, de se faire substituer ses biens amène les hommes à se prémunir sous des lois et des droits. Pour des philosophes comme David Hume, dans un « état supposé de nature », l'individu ne connait que son intérêt et celui de ses proches, et c'est là pour lui toute sa morale. Par ailleurs, ce qu'il possède peut lui être enlevé. De ce fait, la société dans laquelle il vit doit pouvoir le protéger des éventuels vols, il perd confiance en l'homme (comme dirait Rousseau, c'est la société qui corrompt l'homme et qu'il l'amène au larcin), on doit pouvoir lui garantir un droit de propriété.
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Mais pire encore que ce manque de confiance et cette montée de l'égoïsme, la domination de l'économie et la surpuissance de l'argent dans nos sociétés peut pousser les individu à commettre des actes immoraux. En effet, les activités économiques ont pris une telle place dans nos sociétés que certains sont prêt à tout pour gagner plus. Il est possible de lier cette domination de l'économie et de la recherche du profit avec la montée du capitalisme depuis la Révolution industrielle. Le propre du capitalisme moderne pour Max Weber, tient au fait qu'il accumule les profits en exploitant le travail des salariés libres (ils ont signé un contrat). Selon lui, la diffusion du capitalisme est liée à l'apparition d'une nouvelle morale économique, qu'il nomme « esprit du capitalisme ». Et cette esprit amène les hommes à 'écraser' les autres pour réussir, à violer les lois encadrant le système et en ce sens, ces actes ne sont pas moraux car injustes, mauvais et surtout illégaux. Karl Marx va plus loin dans sa critique en affirmant que le capitalisme amène l'homme à l'aliénation dans la société capitaliste. La quête du profit peut amener les individus à dépasser leurs limites comme en exploitant la main d'œuvre dans les « pays-ateliers », en les sous-payant et en les forçant à travailler plus que ce qui est convenu par L'Organisation Mondiale du Commerce, ou en implantant leur siège social dans un pays où la fiscalisation est moindre pour payer moins d'impôts. Ces actes sont immoraux car ils ne respectent pas les lois, les devoirs et les droits des individus. Le primat de l'économie pousse certains êtres humains à agir en ne respectant les valeurs que défendaient auparavant les libéralistes, eux qui mettaient en avant la liberté, l'égalité et les droits des individus, qui défendaient cela tout en défendant le libre-échange, la libre circulation et autres libertés économiques, mais ils faisaient cela dans les limites de la morale, du bien et du juste. On assiste depuis quelques années à des dérives du système capitaliste qui est le système économique dominant depuis deux siècles. Les pays occidentaux capitalistes mettent de côté leurs idéaux de liberté, d'égalité lorsqu'ils collaborent avec des États revendiquant le système communiste (qui est en opposition normalement avec le capitalisme) comme la Chine, et qui ne respectent pas les Droits de l'Homme par exemple.
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Le primat de l'économie est tel qu'il en est arrivé à se légitimer en mettant le droit de son côté pour le défendre. Selon les propos de Michéa dans Empire du moindre mal, « on pourra définir, d’un côté, comme le droit de faire tout ce qui n’est pas interdit par la loi (selon la formule de Montesquieu), et de l’autre, de façon plus discrète, comme celui de faire « tout ce qui ne contrevient pas aux lois du marché » », en faisant du droit la forme de la société et de l'économie son contenu, les activités économiques peuvent se faire de plus en plus librement. Il s'agit ici d'une déviance dans la mesure où le bien-être du plus grand nombre n'est pas pris compte, c'est le bien-être de l'économie ! Le droit chez les libéraux est vu comme une garantie de « l'ordre juste, c'est-à-dire d'assurer la coexistence pacifique de libertés inévitablement rivales, puisque vouées chacune, […] à poursuivre leur seul intérêt particulier ». En fait, il s'agit ici de tout faire pour que l'économie soit libre et puisse assouvir ses intérêts et pour cela, il faut que ces activités rentrent dans le cadre légal. Le droit est ici soumis aux fluctuations de l'économie : lorsqu'elle évolue, le droit doit aussi évoluer, et de préférence dans son sens. Mais le droit n'est pas le seul concerné. L’idée avancée par Adam Smith sous la métaphore de la « main invisible » illustre l'idée que l'État doit aussi se « conformer » aux intérêts de l'économie. L'impact de la « main invisible » n’est pas toujours positif : les comportements individuels ont des conséquences inattendues, qui peuvent aussi bien être bénéfiques que nuisibles à la société. Et cela Adam Smith l'explique en affirmant que les mauvais comportements sont liés au trop faible commandement et encadrement de l'État. Cela amène des conséquences négatives, car les capitalistes prônent une intervention minimale de l'État dans les activités économiques or en faisant cela, les États se rendent coupables de non-assistance, ils laissent un système déviant et entraîner avec lui des ménages, des entreprises. L'économie a pris tellement d'importance que même les États et le droit se rangent de son côté et il est de plus en plus difficile de contrôler et cadrer ses limites.
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Si au début de sa gestation, l'économie apporta de nombreux bienfaits aux individus et aux sociétés, plus sa supériorité grandit, plus des dérives sont visibles. On assiste à une montée de l'égoïsme en parallèle d'une perte de confiance des individus entre eux. L'économie a pris une telle importance que les hommes sont prêt à mettre de côté ce qui les lie à la communauté juste pour s'enrichir. Ils sont même prêts à dépasser les limites du légal et de la morale pour assouvir leurs intérêts. Les activités économiques ont une influence importante sur le droit et les États dans la mesure où on assiste à un développement du droit libéral, c'est-à-dire un droit qui met tout en œuvre pour que les activités se développent sans problème. Cette domination connait donc de plus en plus de dérives et et on peut se demander si cela agit sur le bonheur des individus ?
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Avec la montée de sentiments individualistes et voire même égoïste, on peut se poser la question des effets de cette domination de l'économie sur les ménages, sur les individus. La montée du matérialisme peut éventuellement montrer que les hommes trouvent à présent leur bonheur dans le fait de posséder des biens matériels. On peut alors rappeler le concept de la vie chrématistique d'Aristote. Par ailleurs, il peut être judicieux de mettre en avant le lien entre les activités économiques et la guerre, ou plutôt la paix.
Lorsqu'on parle de matérialisme actuellement, on pense au fait d'accumuler des biens matériels. Néanmoins, la définition philosophique du terme ne correspond à cela, il s'agit d'une philosophie qui donne pour toute substance du monde une nature. Mais, ce terme a dérivé depuis sa 'création' au XVIIIème siècle par Leibniz en 1702, et revendiqué pour la première fois par La Mettrie vers 1748. Il ne s'agit donc pas ici de parler de la conception philosophique du terme matérialisme mais du sens actuel qu'il a prit et qui est lié à la domination de l'économie, de l'argent, du matériel dans nos vies et sociétés. Les activités économiques permettent de gagner de l'argent et plus on a d'argent plus on peut consommer. Les ménages se sont fortement enrichis depuis le XVIIIème siècle et leur capacité de consommation aussi. On dit souvent « l'argent ne fait pas le bonheur » mais il semblerait que de plus en plus, les individus trouvent dans la consommation et la possession de biens matériels une satisfaction, un contentement de leur pulsions. Plus on a d'argent, plus on peut consommer, plus on a de biens. Il est moral de consommer, et si cela amène au bonheur, pourquoi pas ? Mais est-il moral de surconsommer lorsque dans le monde, de nombreuses personnes vivent avec moins d'un dollar par jour ? Est-ce moral d'utiliser son argent pour ne satisfaire que ses besoins, ses envies, on peut même dire, ses pulsions ? La conception du bonheur et de son accès a changé, mais c'est surtout le rapport à l'argent qui a évolué, l'autorité de l'Église faiblit et l'idée que posséder de l'argent et le montrer est un péché n'est plus aussi développé. Malgré les inégalités sociales qui se creusent encore et toujours, la naturalisation de l’argent trouve un peu plus de légitimité encore dans le fait que les activités économiques entrainant un enrichissement sont conformes au contrat social. L’enrichissement n’est plus suspect. Puisque son origine ultime est le travail et que l’argent n’est toujours que le signe du travail humain, l’accumulation d’argent devient quelque chose de conforme à la loi naturelle et à la loi légale. Il n'y a pas de honte à montrer sa richesse et on le fait de plus en plus. L'Église ne le condamne plus et la société pousse même les hommes à valoriser leur puissance économique.
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« Chrématistès » signifie celui qui pratique la chrématistique, c'est-à-dire l’art d’acquérir : il y a une chrématistique naturelle qui a pour but d'acquérir en vue de la satisfaction des besoins et une chrématistique artificielle, corrompue dans le but d'acquérir pour acquérir plus. Dans son Éthique à Nicomaque, Aristote parle dans le chapitre 2 du Livre I de la recherche du bonheur que « la foule aussi bien que des gens cultivés ; tous assimilent le fait de bien vivre et de réussir au fait d’être heureux. Par contre, en ce qui concerne la nature du bonheur, on ne s’entend plus et les réponses de la foule ne ressemblent pas à celles des sages ». Aristote explique que le bonheur de l’homme et sa vie intime sont en fait étroitement liés à la condition nécessairement et intrinsèquement sociale qui est celle de l’homme. Il y a pour lui quatre formes de vie qui permettent d'atteindre le bonheur : la vie de jouissance, la vie politique active, la vie contemplative ou intellectuelle et la vie chrématistique. La vie chrématistique concerne les hommes d'argent qui recherchent le bonheur dans l'argent, l'argent est ici un but, une finalité. Aristote n’hésite pas à dire que du point de vue de l’humanité, de la valeur humaine, du point de vue du sens, de la raison, mieux vaut encore la vie de jouissances que la vie d’argent ; parce que le plaisir même s’il ne conserve en nous seulement ce que nous avons d’animal en nous, le plaisir est tout de même une fin en soi, le plaisir ne sert à rien, il est la jouissance en soi, il est lui-même une fin en soi. En revanche, l’argent est par nature seulement un moyen, et il ne peut pas être autre chose qu’un moyen et l’homme d’argent fait donc instrument d’échange une finalité, ce qui est contre-nature. Il n’y a aucune humanité dans cette vie d’argent. A l'époque d'Aristote, certains hommes avaient déjà la passion de l'argent et dans son Éthique, il tend à démontrer les méfaits de cette passion. La chrématistique est l'art de s'enrichir, d’acquérir des richesses. Elle s'oppose à la notion d'économie qui désigne, elle, la norme de conduite du bien-être de la communauté, ou maison au sens très élargi du terme. L'Église catholique, notamment Saint Thomas d'Aquin, reprendra cette idée et mettra tout en œuvre pour limiter les activités économiques au strict minimum. Il faut commercer, échanger pour se développer, mais faire de ce procédé une passion est un risque qui entraine certain dans processus complexe et éloigné de la recherche du bonheur en accord avec la morale.
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Une autre conséquences du primat économique dans nos sociétés peut être celle qui lie cette supériorité avec la guerre. En effet, une nouvelle forme de conflit est née de cette domination. Les conflits directs (c'est-à-dire, les conflits armés) ont toujours existé et existent toujours même si depuis la Seconde Guerre mondiale, leur nombre et leur proportion ont relativement baissé. Ce qui est par contre nouveau, ce sont les formes de conflits indirects, souvent liés à l'économie, donc aux activités économiques, aux échanges, à l'argent. Ces conflits peuvent aller du petit conflit entre particuliers, au conflit entre États. Il s'agit ici d'une sorte de guerre de tous contre tous. Dans son œuvre L'Empire du Moindre Mal, Michéa essaye de démontrer que le drame du libéralisme, c'est que la fuite de la guerre ne s'est pas vraiment effectuée. Même s'il est vrai qu'on ne s'embroche plus, on est tout de même en guerre, économique, juridique ou morale notamment. Il suffit de voir le nombre grandissant de procès entre particuliers, à présent, les individus se mettent en conflit juridique pour le moindre petit problème, le moindre petit conflit (par exemple, pour une haie qui dépasse). De même, on peut voir des conflits économiques mais plutôt sous la forme de compétition, telle entreprise va tout faire pour obtenir des gains de productivité supérieur à son adversaire. Michéa démontre aussi une nouvelle forme de conflit liée à un changement d'autorité dans les sociétés. On serait passé d'un système avec une autorité plus maternelle alors qu'auparavant nous étions dans un système d'autorité paternelle. Attention, il ne s'agit pas d'un misogyne dans son ouvrage, des hommes peuvent avoir une autorité maternelle et des femmes une autorité paternelle. L'autorité paternelle est clairement identifiable et cherche clairement à faire pression sur autrui (par exemple sur l'enfant), cette autorité était caractérisée par la force. En revanche l'autorité maternelle s'est imposée et de par son caractère plus insaisissable, on ne peut pas affirmer clairement qu'il y a une pression morale sur autrui.
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Le primat économique de nos sociétés a des conséquences au point de vue de la morale importante. Cette domination des activités économiques a beaucoup évolué et ce depuis le XVIIIème, siècle à partir duquel l'économie a réellement pris de l'importance dans la vie des individus. Si au début de son hégémonie, les conséquences au point de vue de la morale étaient plutôt positives, elles étaient liées à la notion d'individualisme. Cet individualisme n'était pas à prendre comme montée de l'égoïsme mais bien comme une libération des individus. Le libéralisme économique est aussi à mettre en relation avec l'individualisme, en effet, comme les hommes sont plus libres, ils peuvent plus consommer, produire. Il faut donc mettre en parallèle la société, l'économie et les individus. A ses débuts, le primat économique avait donc des conséquences plutôt positives sur les individus. Mais, avec la domination grandissante de l'économie et surtout du système capitaliste, on a assisté à une perte des valeurs : l'individualisme ayant laissé la place à un égoïsme, les valeurs communautaires comme la confiance se sont affaiblis. Par ailleurs, l'importance de l'économie a pris une telle place que les hommes sont prêts à commettre des actes immoraux pour s'enrichir et le droit se montre de plus en plus en faible face au primat économique. On voit donc une montée d'actes injustes, mauvais et aux conséquences néfastes pour les hommes au nom de l'économie. Pourtant, on peut se poser la question du bonheur des individus avec cette économique. La montée du matérialisme au sens de l'accumulation de biens en vue de son bonheur se développe. Aristote parlait déjà de cette passion dans son Éthique en l'appelant la vie chrématistique. Néanmoins, le primat économique est aussi la cause de nouvelles formes de conflits entre les hommes. Ces conflits sont de plus en plus indirects.
Cette domination de l'économie prend des proportions de plus en plus importantes, et cela agit sur la morale des individus et les conséquences affectent les ménages. On peut se demander jusqu'où le primat économique va-t-il aller ? Va-t-il aller jusqu'à aliéner les hommes dans le travail et la recherche de profit comme le dénoncer Marx au début du XXème siècle.
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