Discuter ce jugement de Sainte-Beuve sur Lamartine : « Ce qui est particulier à Lamartine consiste dans un certain tour naturel de sentiments communs à tous. Il ne débute jamais par rien d'exceptionnel, soit en idées, soit en sentiments ; mais, dans ce qui lui est commun avec tous, il s'élève, il idéalise. Il arrive ainsi qu'on le suit aisément, si haut qu'il aille, et que le moindre cœur tendre monte sans fatigue avec lui. »
Publié le 14/03/2011
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Il s'agit de savoir si l'idéalisme de Lamartine nous entraîne ou non dans un monde où ne peuvent atteindre que des âmes exceptionnelles. On peut croire que le monde idéal de Pascal est d'accès difficile, que celui de Bossuet n'est pas aisé. Dans un autre sens, l'idéal de Chateaubriand se soucie fort peu d'être accessible ou non; c'est un idéal orgueilleux où Chateaubriand ne désire rien tant que de rester isolé. En général, l'idéal romantique est assez pénétré de spiritualité ; l'amour de Hernani pour dona Sol, celui de Ruy Blas pour la reine d'Espagne ont un caractère presque mystique qui les rend capables de tous les renoncements. Mais les romantiques veulent avoir des âmes exceptionnelles et non pas l'âme de tous. Leur idéalisme est fait de beaucoup d'orgueil. Rien de pareil, au contraire, chez Lamartine. Si haute qu'elle soit, sa conception de l'amour n'a rien que de très humain. Il n'est pas nécessaire d'être un bandit amoureux d'une grande dame ou un « ver de terre amoureux d'une étoile «. Il suffit d'aimer en toute sincérité quelqu'un qui va mourir, qui est mort, pour éprouver les sentiments du Lac, de l'Automne, du Vallon. Peu de personnes sont capables sans doute de vivre vraiment et longuement dans les extases des Harmonies poétiques et religieuses ; mais il n'est personne, parmi ceux qui sont capables de vie spirituelle, qu'un beau paysage, une belle musique, une belle lecture, une émotion sincère ne puissent élever jusqu'à ces moments d'effusion et de contemplation. Très peu de personnes peuvent atteindre l'héroïsme de Jocelyn, être, par le sacrifice total d'eux-mêmes, de véritables saints. Mais qui donc ne pourrait comprendre les raisons de la sainteté de Jocelyn? Bien des gens sacrifient non toute leur fortune, tout leur amour, toute leur vie, mais de l'argent, des chances d'amour, un peu de leur vie pour le bonheur d'un être cher, pour soulager des misères. L'idéalisme de Lamartine cherche non des cimes escarpées, orgueilleuses et solitaires, mais des sommets que chacun peut espérer approcher.
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