Dialogue socratique
Publié le 13/01/2011
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Dans ce qu'il est convenu d'appeler les « dialogues socratiques », c'est-à-dire les dialogues où Platon met en scène Socrate dialoguant avec les Athéniens, on remarque que ce qui en fait la trame constante est la discussion presque sans fin, souvent aporétique (c'est-à-dire sans issue), dans laquelle Socrate s'engage avec ses interlocuteurs au sujet de telle ou telle notion. Dans l'Alcibiade il s'agit de savoir ce qu'est la beauté, comme d'ailleurs dans le Banquet on discutera de l'amour. Ce qui frappe dans ces « dialogues socratiques », mais tout autant en dehors de la lecture de ces oeuvres magistrales, c'est-à-dire sur la place du marché, comme dans la cour du Lycée, c'est que non seulement les hommes s'y entretiennent des choses de la vie, mais qu'ils le font souvent avec la conviction qu'ils mettent quelque chose d'eux-mêmes dans leur propos. Or, que font-ils sur la place du marché, comme Socrate à Athènes, ou dans la cour du Lycée, sinon qu'ils échangent des opinions ? Les opinions ne sont pas seulement des propos en l'air, qui s'envolent comme les statues de Dédale ; il ne s'agit pas seulement de parler du temps ou de chiffons, voire de tel ou tel incident de la vie. En public, avec nos amis et nos concitoyens, le langage (et la parole qui en est l'expression) ancre notre humanité dans la Cité : l'homme est un animal politique, dont la vie politique elle-même est échafaudée sur l'échange des représentations et leur formation au moyen du langage. Pour le meilleur et pour le pire, les hommes parlent et se parlent. Ce qu'ils disent a trait au meilleur et au pire, au juste et à l'injuste, et pas seulement, comme les animaux, à l'agréable et au désagréable ; ce que nous sommes convenus d'appeler des « manières de voir », s'adosse à des valeurs : la société s'organise ainsi dans le bruissement des opinions, et on comprend vite que ce bruissement puisse tourner à la cacophonie, dans la mesure où la société s 'édifie dans la rencontre des opinions et des représentations que la société se fait d'elle-même, et dans la mesure où, si toute société se construit dans le cadre de la liberté, elle exige en même temps de suivre un certain ordre. L'équilibre est fragile et l'on a vu que la « passion pour la vérité » pouvait donner lieu à d'irrépressibles terreurs, par exemple aux pires moment de la Révolution française, en 1793.
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