Désir et ordre du monde
Publié le 27/02/2008
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Sujet : L’Homme est un être particulier étant muni ou même dominé par des désirs qu’il veut satisfaire et réaliser, même si ces désirs sont souvent une réalité qui échappe à l’Homme et qui lui est supérieure. La plus part du temps, les désirs s’opposent à l’ordre du monde, à la réalité structurée d’une certaine façon qui est « un ordre incontestable des choses naturelles » (Platon). Cet ordre a été imposé par une force supérieure et parfois ne peut être modifiée. Ces deux éléments n’étant pas toujours compatibles, est-ce que l’on doit changer plutôt ses désirs ou alors l’ordre du monde ? D’un côté pourquoi faudrait-il changer ses désirs ? Le désir n’est-il pas selon Spinoza « l’essence même de l’Homme » et la tendance de tout désir n’est-elle pas de tendre à se réaliser ? En effet, toujours d’après Spinoza « être, c’est désirer être. ». Pour ne pas changer notre propre nature, il faudrait donc se disposer à changer le réel. Mais d’un autre côté, il faut se rendre à l’évidence et constater que tout n’est pas possible et que nous sommes souvent impuissants face à un ordre imposé et le souhait de remplir ces désirs au prix d’y laisser son propre bonheur, n’est ce pas une forme de folie contre laquelle la sagesse doit nous mettre en garde ? Ne serait-il donc pas préférable de transformer son désir lorsqu’on ne peut pas transformer l’ordre des choses. Cela dit, ne peut-on pas penser que l’ordre du monde et la réalisation de nos désirs soient deux éléments compatibles qui ne peuvent aller l’un sans l’autre ou qui soient en partie liés. Pour commencer, il faut se rendre compte qu’il est beaucoup plus difficile pour l’Homme de changer quelque chose qui lui est propre et qui est à l’intérieur de lui plutôt que quelque chose extérieur à sa nature qui ne touche pas directement le « je ». Donc pourquoi vouloir changer nos désirs lorsqu’il est à notre portée de changer l’ordre du monde ? On peut penser que c’est les désirs et leur réalisation qui ont permis à l’Homme et à la civilisation humaine d’arriver au point ou elle en est. En effet, l’Homme désire aménager le monde pour créer un monde dans lequel il se sente bien. L’Homme a la volonté d’être libre et heureux et il fait tout son possible pour combler ces deux volontés allant jusqu’à modifier la nature ainsi créée. Il construit donc un monde qui est le produit de son désir en modifiant la réalité telle qu’elle a été structurée. Il imagine et il rêve de ce qui pourrait le combler et il transforme le réel en fonction de cet imaginaire. Par exemple l’Homme veut réduire les inégalités sociales pour aboutir à un ordre social juste. Il met donc en place des institutions chargées de rendre cette justice et des droits. Ainsi, il s’oppose à la loi naturelle de la force qui aurait fait prendre le dessus de certains Hommes sur d’autres plus faibles. Autre exemple, les désirs de l’humanité de vivre dans une société de confort et d’abondance. Or les biens présents dans la nature on été crées de façon à ne pas être éternels et deviennent donc de plus en plus rares à mesure d’êtres utilisés et consommés par l’Homme. Mais grâce à la technique développée l’Homme réussi à produire l’abondance des biens et à satisfaire son désir. Renoncer à modifier l’ordre des choses serait donc une paresse et une preuve de lâcheté de la part de l’Homme ? De plus, changer nos désirs ne reviendrait-il pas à changer notre nature ? En effet, selon Spinoza, « être, c’est désirer être » et plutôt que d’essayer de changer nos désirs, il faudrait « les connaître par la raison, pour accroître notre puissance d’exister ». Renoncer à son désir voudrait donc dire renoncer à soi, a son désir d’être et son désir de vouloir exister encore et toujours. Le désir de l’Homme représente donc sa volonté d’évoluer, de se déployer et de persévérer. Nos désirs sont le reflet de notre personnalité ce sont eux qui font que l’on est comme on est. Par exemple, je suis sportif et mon désir le plus cher est de parvenir au niveau le plus élevé et de réussir à remporter un titre. Alors ma vie est centrée sur ce désir particulier. Je consacre une grande partie de mon temps aux entrainements. Et changer, renoncer à mon désir reviendrait à changer ma personnalité et dans un sens ma vie. Cependant, tout n’est pas possible et il y a parfois une résistance des choses. Par exemple, j’ai un désir d’éternité mais je suis programmé pour mourir ; Faut-il s’entêter dans des désirs voués à l’échec, ou se confronté à une forme d’impuissance, dois-je me résigner à l’accepter ? Il n’est pas nécessaire pour l’Homme de changer ses désirs lorsque ceux-ci restent accessibles et sont assez banals, lorsqu’il n’y a aucun obstacle qui s’oppose à leur satisfaction. Mais que faire quand nos désirs se confrontent à la nature ? Est-ce qu’il faut que l’on essaye par tous les moyens de les réaliser quitte à sacrifier notre bonheur et à vivre dans la souffrance due à l’impuissance ? En voulant coûte que coûte remplir nos désirs Certains de nos désirs ne peuvent être réalisés car ils s’opposent à une force supérieure contre laquelle il est vain de lutter. De là vient l’expression « l’ordre des choses ». Ce sont des choses qui ne peuvent être autrement que comme elles sont. Par exemple, j’ai le désir d’être éternel mais mon « destin » est de mourir, je souhaite voler mais la nature est faite de telle sorte qu’il est impossible pour l’Homme de combler ce désir, ou encore j’ai tenté l’opération de mon cancer, accepté une chimiothérapie éprouvante, néanmoins, la maladie progresse. Alors le fait de désirer des choses alors que l’on sait d’avance qu’elles sont impossibles veut-il dire que nous sommes dépourvus de raison ? Est-ce que cet espoir de voir se réaliser nos désirs les plus insensés ne relève pas de la folie humaine ? Parfois en voulant réaliser nos désirs, en s’opposant aux forces de la nature, on produit des maux qui contribuent au dérèglement de la nature et cela pour satisfaire notre personne et contribuer à notre propre bonheur. Par exemple, notre volonté de puissance technicienne entraîne la pollution de la planète qui est un signe de la résistance de la nature à nos désirs. Ou encore, le développement de la science aboutit à des fins dangereuses comme la possession de l’arme atomique ou de la bombe nucléaire qui sont néfastes pour la planète, représentation de l’état naturel, mais aussi pour l’Homme lui-même. Pour les stoïciens comme Cicéron, Epictète ou Descartes, il est plus sage de changer nos désirs. En effet, la première règle de la sagesse consiste à distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas ce qui ne dépend pas de moi est ce sur quoi je n’ai pas de pouvoir. Il est vain de prétendre résoudre un problème par des moyens voués à l’avance à l’échec. Nos désirs font partie de ce qui dépend de nous et l’ordre du monde fait partie des choses extérieures sur quoi nous n’avons pas de pouvoir. Par conséquent, selon Epictète « pour être libre et échapper au malheur, il faut s’attacher à ce qui dépend de nous ? Vouloir changer la nature des choses reviendrait donc à être déraisonnable et au contraire, quelqu’un muni de raison s’efforcera d’agir sur ses désirs afin de trouver une certaine sérénité et liberté. L’ordre du monde est quelque chose qui semble difficile à modifier, ne pourrait-on donc pas concilier l’ordre du monde et la satisfaction de nos désirs, est-il possible de satisfaire tous nos désirs sans en changer d’une certaine façon l’ordre du monde ? On peut en effet, reconsidérer la question qui consiste à choisir entre nos désirs et l’ordre du monde car d’une certaine manière, n’est-il pas vrai que l’un ne va pas sans l’autre ? En laissant l’ordre du monde comme il est, je dois forcément changer mes désirs car la plus part ne seraient pas réalisables, et inversement la satisfaction des désirs propres à chaque personne n’engendrerait-elle pas un bouleversement de l’ordre du monde ? Certains désirs relèvent de la transcendance et ne touchent pas directement l’ordre du monde comme il a été fixé. Ce sont des désirs, certes, que l’on ne peut satisfaire directement en agissant, mais ce sont tout de même des désirs en lesquels on croit et dons on attend leur réalisation. Selon Platon « le désir est lui aussi une réalité qu’il faut comprendre selon son ordre propre ». Par exemple, je désire aller au paradis après ma mort. Je crois donc à un monde dans l’au-delà auquel je pourrais avoir accès mais je ne pourrais jamais satisfaire directement mon désir et je m’en remets à une force supérieure et transcendante. L’exemple le plus complet serait le désir amoureux « je cherche ce qui doit m’échapper toujours » S’ajoute à ça le fait que certains désirs ne sont pas réalisables si chaque personne veut assouvir ses désirs mais avec à chaque fois des visions différentes. Par exemple, comme l’explique Kent, si chaque personne a une vision différente de la loi et de la justice, il devient impossible de satisfaire la totalité des désirs de l’Homme. Il est plus simple d’appliquer une justice commune et un ordre légal pour décider de ce qui est juste ou non. Et même si ce système montre parfois des défaillances, il sera quand même plus efficace que le chaos qui règnerait si chacun se faisait sa propre justice. Par conséquent, les désirs et l’ordre du monde doivent évoluer main dans la main et le choix entre les deux n’est peut être pas judicieux à faire. Nous avons choisi d’étudier tout au long de ce devoir une question essentielle qui consiste à savoir si le choix était à faire entre changer nos désirs ou l’ordre du monde et si oui, lequel des deux paraît le plus primordial. Et au fur et à mesure, on a pu constater qu’il pouvait être difficile de faire ce choix car d’un côté, nos désirs sont une partie de nous, c’est l’essence de notre personnalité, et les changer reviendrait à nous changer nous même. C’est un choix pour lequel la nature humaine est défavorable car il ne contribue pas au bonheur de l’Homme et d’un autre côté, changer l’ordre du monde est une tâche quasiment impossible pour l’Homme. Cela revient à modifier un état d’une réalité qui a été organisée d’une certaine façon et qui semble dépasser l’Homme et les nombreuses tentatives pour le modifier ont souvent engendré des maux et ont mené à un dérèglement ainsi qu’à un bouleversement de l’ordre naturel important. En dépassant donc les limites de cette question, on peut affirmer que le choix entre les deux n’est pas à faire mais plutôt qu’il faut trouver un juste milieu entre les deux Celui n’aboutira pas, certes, à un bonheur parfait et à une liberté concrète pour l’Homme, qui ne verrait aucun obstacle devant sa volonté, mais il permettrait au moins une liberté intérieure et une certaine forme de bonheur qui pourrait suffire
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