DESGRAUPES, Pierre (1918-1993) Journaliste Avec ses lunettes sur le front, sa cigarette au bord des lèvres, ombrageux et talentueux, Pierre Desgraupes a été une des figures de la télévision quand elle s'appelait encore l'ORTF et ne comptait que trois chaînes.

DESGRAUPES, Pierre (1918-1993) Journaliste Avec ses lunettes sur le front, sa cigarette au bord des lèvres, ombrageux et talentueux, Pierre Desgraupes a été une des figures de la télévision quand elle s'appelait encore l'ORTF et ne comptait que trois chaînes. Sa carrière télévisuelle commence le 9 janvier 1959 quand retentit la musique du générique -- que l'on entendra ensuite chaque semaine pendant dix ans -- de Cinq Colonnes à la une l'émission de reportages de Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet et Igor Barrère. Il a tout juste quarante ans et déjà une carrière de journaliste derrière lui : né le 18 décembre 1918 dans les Charentes, licencié de philosophie, résistant, monté à Paris à la Libération, il trouve son premier job au ministère des Prisonniers de guerre grâce à François Mitterrand auquel le liera une amitié fidèle et orageuse. Aux maroquins, Desgraupes préfère la presse. Engagé à la RTF, il est chargé de repenser et dépoussiérer le journal parlé, " la voix de la France " comme disait Charles de Gaulle. Il lui donne une forme moderne et l'intitule Paris vous parle. En 1955, Europe 1 est crée et, très rapidement, il y est appelé. Ainsi il invente en 1958 Verdict, émission hebdomadaire qui pose aux auditeurs un cas de conscience à trancher et La bourse de l'aventure, un jeu concours entre reporters en herbe. Un an plus tard, il quitte la radio pour la télévision, et crée avec ses complices -- les deux autres Pierre -- Cinq Colonnes à la une, En votre âme et conscience (une version télé de Verdict) et Lecture pour tous. En mai 68, il dénonce avec d'autres journalistes producteurs la mainmise du pouvoir sur l'information. Réplique dure : licenciements, suppression de plusieurs émissions dont les siennes. Une page se tourne. En 1969, Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre, lance son projet de " nouvelle société " et en confie la promotion à Pierre Desgraupes. Nommé à la direction de l'information, il lance un journal à 19 h 45, baptisé Info première. Toute la classe politique, exaspérée par la liberté de ton et l'audace des journalistes, mène campagne contre lui. Deux ans plus tard, excédé, il donne sa démission. Il passe à la presse écrite, réalise des entretiens pour Le Point avec les grands de ce monde. En 1981, Mitterrand lui redonne goût au petit écran en le nommant président de la seconde chaîne. Psyshow, Moi je, Résistances, les Enfants du rock, Droit de réponse portent sa marque. La chaîne est plébiscitée par 63 % des Français. Mais ses rapports avec l'autorité de tutelle sont orageux : en 1983, il a soixante-cinq ans, on le remercie. Il prépare alors un rapport et une grille de programmes pour une nouvelle chaîne européenne, Canal I. Arte en sera la concrétisation. En 1991, il publie ses mémoires intitulées Hors Antenne. Au cours de l'été 1993, il rend l'antenne. À son enterrement, tous les grands de l'audiovisuel se pressent : il leur a tout appris.