Descartes, le morceau de cire
Publié le 06/03/2012
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COMMENTAIRE DE TEXTE
Méditations métaphysique, Le Morceau de cire, Descartes
René Descartes, par sa philosophie, est un personnage central de la pensée occidentale, notamment sur la question du savoir et de la connaissance, qu'il entrepris de redéfinir dans les Méditations métaphysique, en 1641. Dans l'extrait de cet ouvrage que nous allons étudier, le philosophe aborde le sujet de notre connaissance des corps extérieurs, ou des choses que nous percevons, excluant ainsi les concepts et les idées. Il est en effet légitime de se demander si la connaissance que nous avons des corps que nous percevons est dérivé de notre expérience sensible, comme l'affirment les penseurs empiristes, ou si au contraire la connaissance de ces corps n'est rendue possible que par l'entendement et l'abstraction des perceptions.
Descartes pour sa part défend la dernière thèse. Pour cela, il distingue les différentes façons de concevoir un objet : par les sens, par l'imagination, reproductrice mais pas créatrice, ou par un entendement pur, soit un raisonnement conceptuel. Il en arrive à la conclusion que les sens ne nous donnent à connaître que la partie changeante de choses, sans nous révéler leur essence, abstraite et immuable.
Après l'analyse de ce texte, nous discuterons la position de Descartes selon laquelle la connaissance ne peut se construire sur la perception, trompeuse et variable.
Descartes choisit de commencer par les sens, en tant que thèse de départ, qu'il pourra ensuite réfuter. Il assimile la vision empiriste à la thèse du sens commun : les corps « que nous croyons connaître le plus distinctement » sont ceux que nous « touchons et que nous voyons » ( l.3), bref, ceux que nous percevons avec nos sens, soient des organes corporels. Pour aborder les trois thèses, Descartes de place dans le cadre d'un exemple, portant sur un objet concret (le morceau de cire), et non sur un objet abstrait (un morceau de cire quelconque), qu'il qualifie lui même d'être généralement « plus confus » ( l.4). En effet, pouvoir énumérer les qualités que nous apprennent nos sens sur un objet nous donne l'impression de le cerner, de la connaître.
Le philosophe entreprends donc de dresser un liste de tout ce qu'il perçoit chez le morceau de cire étudié : chacun de ses sens caractérise le morceau de cire en l'identifiant à une sensation : l'odeur qui s'en échappe, son goût, le bruit qu'il produit lorsqu'on le frappe... A la fin de cette opération, il sait tous ce que ses sens peuvent lui apprendre sur ce morceau de cire, ce que l'on peut légitimement assimiler aux « choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps », à savoir la distinguer d'un autre corps.
Une fois ce constat établi, Descartes introduit sa réfutation à cette thèse, avec l'utilisation de mot « mais » en début de troisième paragraphe. Pour construire sa réfutation, il recours à une expérimentation : il fait chauffer le morceau de cire, justifiant une nouvelle fois son choix pour un objet concret. Pour discréditer la thèse empiriste, le philosophe n'en nie pas les fondements, il se contente de mettre en avant les aspects de la question qu'elle laisse de coté, au moyen d'un contre exemple. En effet, à l'issu de l'expérimentation, tous ce qui nous avais permis de caractériser le morceau de cire, de le rendre distinctement identifiable a disparu, pour être remplacé par d'autres qualités : sa grandeur augmente, son goût change, son odeur s'estompe... Pourtant, il est certain que le cire demeure, et comme le souligne le philosophe « personne ne peut le nier ».
Il paraît dès lors clair à Descartes qu'il ne saisi pas l'essence du morceau de cire par les sens, et qu'il est impossible de connaître avec exactitude un objet au seuls moyens de ses sens. Car en somme, que nous livre la perception sur un objet ? Des informations, bien sur, mais aucune qui permette de relier entre elles toutes les formes du la cire, à commencer par les deux que nous avons étudié. Autrement dis, les sens ne nous donnent pas à voir la partie invariable des objet, mais bien ses caractéristiques changeantes et éphémères. L'essence d'un corps, par oppositions aux informations variables que nous en donnent les sens, serait donc ce qui subsiste dudit objet, dans n'importe quelle situation, soit la conception abstraite de cet objet, qui exclut toute image sensible.
La définition de l'essence d'un objet comme étant les éléments immuable de celui-ci, devrait donc pousser les hommes a se méfier de leurs sens, et donc à rejeter l'idée d'une connaissance empirique.
La cire n'était donc pas ce que nous avaient donné à voir nos sens, qui n'était qu'une apparence, sorte de vêtement que l'on pourrait changer, et qui dissimulerait le véritable être de la cire. Arrivé à ce stade, après avoir nié que la cire se définissait par ce que nous en percevions, il semble nécessaire de cerner l'essence de la cire, c'est à dire éloigner « toutes les choses qui n'appartiennent pas à la cire » pour juger de la nature de cette essence. Mais alors, que reste-t-il si on ôte le vêtement, si on va au delà des apparences ? Car il faut bien que la cire ait une figure et une grandeur, sinon comment pourrions nous la concevoir ? Ce sont donc là les caractéristiques réelles de l'objet : sa figure est « flexible et muable », à savoir susceptible de changer, et sa forme est « quelque chose d'étendu » (qui occupe une un certain espace).
Arrivé à cette première conclusion, Descartes se pose la question de savoir si la connaissance ne viendrait pas alors de l'imagination. Mais par l'imagination, peut on se faire une idée précise et distincte d'une figure pouvant prendre une infinité de formes, et subir une infinité de changements ? Assurément non, car toutes les formes que nous serions en mesure d'imaginer serait en réalité le fruit de notre perception, de ce que nous avons déjà vu. En effet, si il est possible de concevoir que la cire puisse prendre une infinité de formes, nous ne pouvons nous en imaginer qu'un nombre fini. L'idée de flexibilité et de muabilité reste donc inaccessible à l'imagination, qui ne peut donc pas se représenter un concept.
Ayant éliminé les deux premières thèse qu'il avait évoqué, Descartes de tourne vers la troisième. Pour l'étudier, il s'appuie cette fois sur la seconde caractéristiques de la cire : son extension. Comme nous l'avons souligné pour la flexibilité, en ce qu'elle a d'infini quand la chaleur augmente encore et encore ne peut être imaginée, elle est « inconnue » (l.36).Cependant, pour connaître la véritable essence de la cire, il faut bien tenir compte de cette extension. Et si nous ne pouvons l'imaginer, je peux la concevoir, en admettant l'idée même que cette extension dépasse mon imagination. La concevoir, c'est nous placer dans l'abstrait : faire abstraction de notre incapacité à nous représenter concrètement cette extension, sans qu'elle m'empêche de saisir l'être de la cire. Il n'y a donc qu'au moyen de mon entendement que je peux concevoir toutes les caractéristiques de la cire, car la connaissance n'est pas sensible, mais mathématiques : connaître n'est ni percevoir, ni imaginer, c'est concevoir et mettre en équation.
Avec l'exemple du morceau de cire, Descartes tente d'illustrer une connaissance qui ne serait accessible que par l'entendement.
Cette thèse implique une connaissance innée des concepts, et des idées. Or, il paraît délicat de demander à un enfant de définir une notion abstraite : il ne pourra acquérir la connaissance de celle-ci que par l'expérience. Si il avait déjà connaissance de ces concepts, alors son esprit serait tout entièrement occupé par eux, et les enfants seraient alors les plus grands penseurs : ils n'auraient en effet qu'un moindre mal à se détacher de leur perceptions, dans la mesure où leur esprit, innondé de vrai, ne cherchera plus à percevoir le monde changeant que donnent à voir les sens, et qu'ils ne connaissent pas encore. En outre dans certaines civilisations, des idée morales que nous considérerions comme innée sont tout simplement absente. Dès lors, une conception innée des idées paraît insoutenable.
Mais si il n'existe en nous aucune idée à la naissance, et si on ne peut les acquérir qu'avec l'expérience, alors il est nécessaire que nous les acquérions par la perception. Locke utilise la métaphore de l'ardoise vierge (tabula rasa), pour modéliser l'esprit humain avant son contact avec le monde. L'esprit ne contiendrait donc alors aucun caractère, aucune idée, et la matière de l'esprit ne pourrait prendre forme qu'à partir d'objet extérieurs (perçus pas les sens), ou d'une opération de la pensée elle même, la réflexion qui ne serait pour le philosophe anglais que la prise de conscience, et l'étude par l'homme de ce qu'il perçoit. Dans les deux cas, la connaissance dérive de l'expérience.
La perception se rendrait alors ici nécessaire à la connaissance par l'entendement. Elle serait une sorte d'outil de comparaison, qui permet à l'esprit d'examiner, de comparer, de qualifier certaines idées, qu'il ne saurait caractériser sans l'aide de ses sens. Ainsi il faut par exemple une connaissance sensible de la douleur pour la connaître, sans quoi on ne peut pas la distinguer d'une autre sensation, et on ne peut donc pas en saisir l'essence. Il en est de même pour un corps concret : si la cire est flexible, muable et étendue par son essence, ne peut on pas en dire autant du plastique par exemple ? Ce sera alors notre connaissance sensorielle des deux corps qui nous permettra de les distinguer l'un de l'autre.
On peut donc qualifier Descartes de philosophe rationaliste, dans la mesure où il prône une méfiance à l'égard de ce que nous percevons d'un corps, au profit d'un examen de ce corps par l'entendement. Cependant, un individu croyant à un Dieu parfait, comme Descartes, pourra alors légitimement se demander pourquoi Dieu, en dépit de sa perfection aurait pris le parti de tromper les hommes en leur donnant à voir des illusions, les éloignant de la vérité, du bien, de lui en somme.
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