Début du chapitre IX de L'Ingénu de Voltaire

Nous sommes en présence du début du chapitre IX de L'Ingénu de Voltaire, conte philosophique parut en 1767. Ce dernier nous conte l'arrivée de L'Ingénu à Versailles qui espère recevoir un titre d'officier et d'obtenir la main de Mademoiselle de Saint Yves pour avoir vaincu des Anglais. Pour cela il désire rencontrer le Roi. Cet extrait s'inscrit dans le discours narratif par l'emploi du passé et du présent de narration qui rend ici le texte plus vivant ; nous avons l'impression d'assister à la scène. Nous allons étudier la naïveté de L'Ingénu puis la critique implicite effectuée au pouvoir royal par le regard étranger de L'Ingénu. La présentation que L'Ingénu s'octroie «  je suis le neveu de monsieur le prieur de Notre-Dame de la Montagne « est pour le moins ridicule. En effet, la scène se déroule à Versailles et non plus en Basse Bretagne, de ce fait ce titre en ce lieu n'a aucun impact et perd de sa valeur, L'Ingénu n'en a pas conscience. « La cour des cuisines «, appellation dépréciative de la cour des Offices et « pot de chambre « nous renseigne sur l'arrivée au caractère ironique de L'Ingénu. Ces termes nous renseignent sur l'accueil qui lui est réservé. En effet, ce dernier aborde le palais dans une voiture de louange peu confortable et par une entrée de service contrastant avec l'idée que se fait L'Ingénu, à savoir obtenir la reconnaissance de la Cour. « Les porteurs lui rient au nez « nous laisse imaginer l'apparence et l'absurdité résultant de L'Ingénu pour que ces derniers osent se moquer du personnage qui se prend au sérieux. De plus ces derniers sont qualifiés de canailles, qui correspond au bas peuple, ce qui est encore plus déplaisant pour L'Ingénu. Celui ci est vraiment rabaissé pour être déclencheur de cette hilarité. « La scène allait être sanglante « est une hyperbole que Voltaire emploie afin de faire ressortir l'état d'esprit L'Ingénu. A savoir, la contrariété d'être victime d'une telle moquerie : il se rend compte qu'il n'a aucune chance d'avoir la reconnaissance du roi si ces porteurs de chaises ont déjà un tel jugement. Cela crée un décalage entre l'héroïsme dont fait preuve L'Ingénu pour avoir tué des Anglais et les conditions de son arrivée. Cette requête « Il demande aux porteurs de chaises à quelle heure on peut voir le roi « rend cette situation encore plus risible. Il n'a absolument pas conscience dans quelle partie du palais il se trouve. Voltaire insiste sur cette scène pour accentuer la naïveté de L'Ingénu. Son but est aussi de montrer que l'étranger est vraiment un arriviste n'ayant jamais eu écho des pratiques de la Cour. On note la répétition de la formule « c'est comme si vous parliez à «, nous laisse penser que L'Ingénu n'arrivera jamais à ses fins. L'accumulation des échecs concernant les tentatives de parler au roi ou à l'un de ses proches « qu'on ne parlait pas ainsi au roi «, « il est encore plus difficile de parler à monseigneur de Louvois «, « ils ne purent être introduit «tourne à l'absurde. L'Ingénu en se rendant à Versailles ne sait absolument pas à quoi s'attendre : « je viens parler au roi ; je vous prie de me mener dans sa chambre «; pour lui, aborder le roi est comme parler au garde lui même reflétant sa naïveté. Cependant, les moeurs de la cour ne sont pas telles « on ne parlait pas ainsi au roi «. L'Ingénu souhaitait s'entretenir avec le roi et voilà qu'il rencontre un garde : ce n'est pas le même prestige. La réplique de L'Ingénu « Eh bien! Menez moi donc chez ce monseigneur de Louvois, qui sans doute me conduira chez sa majesté. « montre son impatience et son énervement. La présentation des personnages est tournée à l'absurde «  c'est comme si vous parliez au ministre «, « c'est comme si vous parliez à monsieur Alexandre lui même «, mais cela veut-il dire qu'il n'y a pas réellement de hiérarchie à la cour? Que les tous intermédiaires possèdent une influence aussi pertinente que celle du roi? Cela tend vers un portrait dévalorisant : cela traduit que de parler au premier commis de monsieur Alexandre revient à parler au roi lui même. Mais alors à quoi sert-il qu'il y ait existence de différents titres s'il n'y a aucune différence de faire sa requête auprès du roi ou à un être dit inférieur à sa majesté? Ceci alimente l'esprit de L'Ingénu, le poussant à se demander si les différents protagonistes de la cour sont fictifs ou bien réels « Qu'est ce donc que tout ceci? Est ce que tout le monde est invisible dans ce pays-ci? « ce qui remet en cause l'existence du pouvoir royal. Les différentes démarches à exécuter pour pouvoir prononcer une quelconque requête est en contraste avec le début de l'extrait. En effet il est relativement long de trouver un protagoniste pouvant satisfaire nos exigences tandis que les actions du début s'enchainent plutôt très rapidement « Il débarque «, « Il demande «, « Il les traita de même, il les battit, ils voulurent le lui rendre «. La comparaison « Il est bien plus aisé de se battre en Basse-Bretagne contre des Anglais que de rencontrer à Versailles les gens à qui on a affaire « fait sourire : en effet ce serait plus logique que se soit le contraire. Cela traduit réellement la difficulté qu'encourt L'Ingénu pour atteindre son but. L'extrait est construit en deux paragraphes. Le premier comprend les différentes péripéties avant de trouver quelqu'un de disponible. L'Ingénu croit aboutir à son but dans le second, alors qu'il leur faut encore patienter «  Ils restent ensemble une demi-heure « : cela dénonce la lenteur des démarches administratives. De plus l'allusion grivoise « Il était en affaire avec une dame de la cour « dégage un caractère ironique qui laisse sous entendre que ce monsieur Alexandre n'accomplit pas les tâches qui lui sont normalement destinées. Cela laisse à penser que le pouvoir royal n'est pas réellement fiable. Nous avons pu voir que cet extrait s'inscrit dans le registre comique et ironique par différents procédés. Voltaire critique ici implicitement la cour et l'administration versaillaises par différentes situations misent en place et par le regard étranger qu'apporte L'Ingénu. Ce texte a pour principal enjeu de dénoncer le pouvoir royal et surtout les abus dont celui ci fait preuve.