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Dans quelle mesure la forme littéraire peut-elle rendre une argumentation plus efficace ?

Publié le 20/01/2011

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Philosophe des Lumières, Rousseau a commencé à écrire à quarante ans. Cependant malgré sa notoriété, il avouait lui-même que son style d’écriture était trop lourd.

A contrario, Voltaire pensait à son style avant même d’écrire, et y attachait beaucoup d’importance.

Or, leurs œuvres respectives étaient autant convaincantes. Donc ce qui importe, c’est le fond du développement. Mais quelle stratégie argumentative adoptaient-ils pour faire l’unanimité ? Par quels moyens rendaient-ils leur argumentation plus efficace ?

Nous allons d’abord traité le genre qui définit cette dernière, les procédés rhétoriques, et pour finir les registres.

 

En premier lieu, nous notons que lorsque l’argumentation appartient à un genre littéraire particulier et une catégorie d’écriture distincte, elle a une visée d’autant plus précise, et se voit plus efficace.

 

D’une part, certains genres, sont par définition voués à l’argumentation. Un genre, est une catégorie d’œuvres littéraires. Il y en a plusieurs types, et comme nous l’avons dit, certains sont obligatoirement argumentatifs. 

Prenons par exemple, l’apologue, récit ou narration à valeur didactique (qui donne une leçon). Nous pouvons citer pour apologue connu, les fables de La Fontaine, qui chacune d’elle a une morale. 

Mentionnons également le plaidoyer : exposé argumenté, pour défendre une personne, une idée, une institution. Évoquons le célèbre plaidoyer de Cicéron pour Archias, où il met en avant l'incapacité d'individus appartenant à une colonie grecque d'obtenir la citoyenneté romaine. 

Enfin, nous pouvons citer l’essai, texte argumentatif dans lequel l’auteur donne son point de vue sur un sujet, sans plan préétabli, sans prétendre épuiser le sujet. Donnons pour l’illustrer le grand et long essai de Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, où il donne pratiquement tous les objectifs des Lumières, et la pédagogie des philosophes qui l’ont mené.

 

D’autre part, un livre peut faire passer une idée de manière ludique, et de façon appropriée selon le thème. En effet, au moyen de ce dernier, la thèse argumentative est guidée par une histoire, un scénario, d’où une mise en situation, afin de faciliter l’adhésion du lecteur.

Prenons par exemple Candide de Voltaire. Cet ouvrage a pour thèse de ne pas s’occuper de métaphysique ni des affaires publiques et politiques, mais s’occuper de son travail, de sa famille, de sa santé, menée par le biais des nombreuses aventures de Candide.

Nous avons également Le Dernier Jour d’un Condamné de Victor Hugo, où ce dernier mène sa position sur la peine de mort.

Enfin, Les lettres persanes de Montesquieu. Ce roman de forme épistolaire garantit un divertissement pour le lecteur, mais surtout un « faire-part « de la situation de l’époque, sur tous les domaines (politique, religieux…) et a fait l’unanimité pendant les Lumières.

 

Nous avons donc démontrer que le critère dans lequel se définit l’argumentation la rend plus objective. Sa direction est plus aisée. Cependant, l’efficacité d’un raisonnement réside également au cœur de l’écriture.

 

En second lieu, les figures de rhétoriques sont indispensables à l’efficacité de l’argumentation. En effet, par leurs différents procédés, elles « empreignent « le lecteur de façon directe.

 

En effet, l’utilisation de la métaphore aide le lecteur à comprendre l’argumentation plus facilement. Figure de style, elle « illustre « une idée, elle la rend imagée, et assure donc un raisonnement d’autant plus accessible.  

Nous avons ainsi dans Qu’est-ce que les Lumières ? de Kant une métaphore filée (sur les lignes 23-24) « Mais qui les rejetterait ne ferait cependant qu’un saut mal assuré au-dessus du fossé même le plus étroit, car il n’a pas l’habitude d’une telle liberté de mouvement «. Ce que Kant veut dire ici, c’est que va tomber de haut celui qui va devenir majeur sans aucun entrainement.

Prenons également l’exemple de l’article Philosophe de Dumarsais, appartenant a la grande Encyclopédie (XVIIIeme). Citons premièrement de ce texte, une très belle métaphore sur les lignes 80 : « Les sentiments de probité entrent autant dans la constitution mécanique du philosophe, que les lumières de l’esprit «, qui ici, évoque que le philosophe résonne avec rigueur et justesse en quête de la vérité, entraînant les Lumières (« les lumières de l’esprit «). Observons-y enfin, une métaphore filée sur tout le deuxième paragraphe, afin de relater le fait que la majeure partie des hommes raisonnent sur la passion, alors que le philosophe, lui, réfléchit (se base sur la raison).

 

Par ailleurs, la répétition oratoire et l’anaphore attire l’attention du lecteur. En effet, toutes deux, en répétant un même mot ou groupe de mot (à la même place dans une phrase pour l’anaphore), insistent, afin que le lecteur l’ait bien « enregistré «. L’utilisation de ces procédés dans l’expression d’une thèse la renforce en visant à insister sur les mots fondateurs de l’idée.

Prenons ainsi l’article de l’Encyclopédie, Autorité politique, rédigé par la plume de Diderot. Une répétition oratoire de « sans réserve « dans son argument d’autorité « car l’homme ne doit ni ne peut se donner entièrement et sans réserve à un autre homme «. On reconnait bien que « sans réserve « est le groupe de mot clé de son argument.

Nous pouvons également noter l’anaphore « les autres hommes « dans l’article Philosophe (déjà cité précédemment) située au tout début des deux premiers paragraphes, pour évoquer la majeure partie de l’humanité, encore une fois, groupe de mots clés.

Enfin, citons la célèbre lettre de Zola publiée en 1898 dans les colonnes de l’Aurore, « J’accuse «, lettre ouverte adressée au président Félix Faure. Cette missive a été rendu célèbre par son anaphore « j’accuse «, dont l’enjeu n’était pas seulement politique mais éthique. L’anaphore (présente huit fois) rythme le texte et lui donne une certaine solennité.

 

Cependant, l’efficacité d’une argumentation ne se traduit pas uniquement par l’harmonie de l’écriture, mais également par le ton employé.

 

En dernier lieu, nous pouvons évoquer que lorsque les thèses sont définies dans un régistre distinct, elles sont d’autant plus compréhensibles et contribuent donc à l’efficacité du raisonnement.

 

Tout d’abord, le registre polémique peut marquer le lecteur, et finement utilisé, peut donc susciter l’adhésion de ce dernier. Ce registre est fait pour attaquer ou prendre la défense d’un comportement, d’un mode de vie, d’une institution ou d’une œuvre. Donc par définition, il est donc complètement destiné au type argumentatif. 

Voyons par exemple, dans l’article Autorité politique déjà cité, un aperçu de ce registre, utilisé pertinemment. Si on analyse ce texte, on s’aperçoit que c’est effectivement le registre par excellence à utiliser, pour un but argumentatif.

Voici également Cannuléius et son discours « Citoyens, on vous méprise ! « (rapporté par Tite-Live), où ses propos sont très performants, du fait de son assurance, et du fait de l’emploi judicieux du registre polémique pour plaider le mariage mixte et le suffrage libre (masculin).

Enfin, nous constatons dans l’article Prêtres de Baron d’Holbach, un raisonnement conduit par un registre polémique. Certes, cet article est censé être une définition, donc censé avoir un registre réaliste. Cependant, au lieu d’avoir une simple définition, nous avons une argumentation composée de plusieurs thèses, d’où le registre polémique au lieu du réaliste attendu.

 

Egalement, le registre ironique fait passer plus commodément ses idées, et de façon humoristique. De plus, sous ce registre, le lecteur est souvent plus marqué. 

Ainsi, citons le texte par excellence, La dent d’or de Fontenelle, complètement caractéristique de ce type de registre, 

En effet, nous notons une première idée d’ironie avec la latinisation des noms des savants comme « Rullandius «, « Horstius «, « Libavius «… pour donner une impression d’irréel afin de les rendre d’autant plus ridicules. 

Notons de même « cette dent d’or ne manquât pas d’historiens « pour insister sur le fait que tout les savants et historiens de l’époque se sont rués sur l’histoire pour la commenter. 

Enfin, encore une touche de moquerie avec l’antiphrase « de grands physiciens ont fort bien trouvé « voulant dire que de « prétendus « physiciens n’ont pas trouvé du tout.. 

Donc par ce ton, il rend l’idée plus attrayante, et le développement plus abordable.

 

En somme, nous avons donc vu à travers ces différents points, que l’argumentation est plus efficace

par les genres, qui définissent « l’enclos « dans lequel le raisonnement va être développé

par les figures de rhétorique qui donnent de l’harmonie à l’écriture

par la tonalité sur laquelle la thèse est fondée. 

 

Donc en définitive, un développement qui a pour « recette « de jouer sur ces quelques ficelles que l’on vient de citer, a une interprétation simple et claire par le lecteur, et une adhésion plus aisée, par conséquent une argumentation plus efficace.

Mais cette dernière ne peut elle pas être rendue efficace et judicieuse, par d’autre moyen que la forme littéraire ?

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