Dans quelle mesure la diminution des charges sociales sur les bas salaires permet-elle de diminuer le chômage ?
Publié le 05/12/2010
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Parce-qu'elle a des conséquences économiques évidentes mais aussi des conséquences sociales, la question du chômage est centrale dans les pays développés depuis trente ans. Le taux de chômage est élevé en France, où il atteint environ 8% en 2008, calculé selon la définition du Bureau International du Travail. Les chômeurs sont définis par le B.I.T comme des personnes sans emploi, à la recherche d'un emploi et disponibles pour en occuper un. Les pouvoirs publics dans différents pays ont cherché à lutter contre le chômage en réduisant les charges sociales sur les bas salaires. Les charges sociales sont l'ensemble des versements effectués par les employeurs pour alimenter la Sécurité sociale et divers organismes et sont liées aux salaires distribués par l'entreprise. Elles font partie du coût du travail. La baisse des charges sociales sur le coût du travail peut-elle être une solution au problème du chômage ? On peut s'interroger sur l'efficacité de ces politiques en montrant d'abord les effets favorables d'une telle réduction des charges sociales mais en soulignant, dans un second temps, ses limites.
Pour les auteurs néoclassiques, un coût du travail trop élevé est un frein à l'embauche. En effet, selon eux, l'employeur n'embauchera que si le fait de recruter lui rapporte plus qu'il ne coûte. Plus le coût du travail est élevé, moins les employeurs seront incités à embaucher. De plus le coût du travail est un élément important de la compétitivité des entreprises, plus il sera élevé, plus les employeurs seront incités à licencier, substituer le capital au travail ou délocaliser la production vers des pays à main d'œuvre bon marché. Tout cela joue contre l'emploi, surtout pour les travailleurs non ou peu qualifiés, pour lesquels la productivité marginale est faible, alors que le coût du travail est élevé en raison des charges sociales importantes et de l'existence du SMIC.
Pour diminuer le coût du travail, la stratégie française, depuis 1993 est donc de baisser les charges sociales qui représentent environ 45% du coût du travail.
La stratégie de réduction du coût du travail peut donc effectivement être justifiée dans le cadre d'une approche néo-classique ou libérale du marché du travail. Dans cette perspective, le travail est donc une marchandise qui s'échange sur un marché spécifique qui est le marché du travail.Et comme pour tous les marchés, celui-ci obéit à la loi de l'offre et de la demande. Et, en période de chômage, donc d'excès d'offre de travail par rapport à la demande de travail, la baisse des charges sociales doit permettre de trouver un nouveau salaire d'équilibre et donc de résoudre le problème du chômage. Dans une telle optique, c'est la baisse des charges sociales du coût salarial qui apparaît comme déterminante dans la reprise de l'emploi. Et le chômage ne peut persister que parce-qu'il existe des institutions ou des réglementations qui empêchent la libre négociation des salaires. Les lois sur le salaire minimum (le SMIC) limite les possibilités d'ajustement instantané des salaires pour corriger les déséquilibres entre la demande et l'offre de travail. De ce point de vue, le chômage peut s'expliquer par l'existence d'un salaire minimum supérieur au salaire d'équilibre (exemple du SMIC en France), et par celle de charges qui alourdissent le coût salarial dans les pays où les systèmes de retraites ou d'assurance-maladie sont généreux. Selon ce raisonnement, le salaire minimum a des effets particulièrement négatifs pour les travailleurs les moins qualifiés, dans la mesure où le salaire d’équilibre sur le marché des travailleurs plus diplômés a davantage de chances d’être supérieur au salaire minimum. Une réduction des charges sociales sur les bas salaires permettrait donc de réduire cet excès d'offre du travail par rapport à la demande et diminuerait donc le chômage.
En France, des mesures d'allégement du ces charges sociales en direction de certaines catégories plus particulièrement touchées par le chômage (jeunes, salairés peu ou pas qualifiés, chômeurs de longue durée) ont été adoptées. Les sans diplômes connaissent un taux de chômage plus élevé que les autres en possédant un (document 1). Les salariés les moins qualifiés sont plus vulnérables que les salariés qualifiés sont plus vulnérables que les salariés qualifiés. L'absence ou la faiblesse de leur qualification est la cause principale du chômage de longue durée (durée du chômage étant supérieure un an). Or, dans la décision d'embauche, les employeurs comparent ce qu'une heure de travail supplémentaire rapporte, mais aussi ce qu'elle leur coûte. Par conséquent, la productivité d'un salarié peu ou pas qualifié étant faible pour l'entreprise, le niveau du coût du travail doit être faible afin d'inciter les entreprises à recruter. Et ces baisses de charges sociales sur le coût du travail sont effectués sur les bas salaires car les bas salaires concernent les moins qualifiés, c'est-à-dire ceux le plus exposés au chômage. C'est pour cela que le SMIC est un « destructeur d'emploi « dans la mesure où si son niveau excède me samaore que les salaire que les entreprises seraient prêtes à verser à une personne peu qualifiée au chômage.
De plus, le manque d'emplois qualifiés pour les diplômés étant un problème, les détenteurs de diplômes se tournent vers des emplois non qualifiés pour éviter le chômage. La baisse des charges sociales sur les bas salaires encourage alors ce phénomène (document 6). La baisse des charges sociales sur les bas salaires ne concernent donc pas que le personnel non qualifié.
Le coût du travail peu qualifiéétant assurément un des causes du chômage, en l'abscence d'une mesure radicale mais socialement dangereuse de suppression du SMIC, des mesures spécifiques de baisse des charges sociales ont été adoptées. Le coût du travail incluant la rémunération salariale et les charges sociales, il est en effet possible d'agir sur le nibeau du coût du travail donc sur la décision de créer un emploi en baissant les charges sociales. Cette baisse apparaît comme étant des plus indispensable dans le contexte de la mondialisation de l'économie caractérisé notamment par l'émergence des Nouveaux Pays Industrialisés.
L'émergence des NPI accentue la concurrence et stimule les importations et les exportations. La faiblesse des charges sociales et donc du coût du traavail dans certaines régions du monde où la législaion sociale est faible ou inexisteante rend le coût du travail ed la main-d'oeuvre non qualifié, dans les pays industrialisés, relativement excessif et donc très peu compétitif. Or « la baisse du coût du travail domestique augmente la compétitivité des produits nationaux et stimule les exportations « (document 2). Dans cette situation de concurrence accrue, mise en place par la mondialisation, la substitution du capital au travail (et notamment au travail peu qualifié) apparaît inévitable afin d'améliorer la compétitivité. Par conséquent, la mondialisation de l'économie a renforcé la nécessité d'une baisse des charges sociales. Cette baisse des charges sociales sur les bas salaires, qui engendre une baisse du coût du travail et donc une augmentation de l'offre de travail, serait alors bénéfique à une diminution du chômage des moins qualifiés.
La réduction des charges sociales sur les bas salaires semble donc être une solution face auchômage. Cependant, la complexité du phénomène du chômage ainsi que la diversité des facteurs à prendre en compte dans la décision d'embauche amènent à nuancer l'efficacité de la diminution des charges sociales sur les bas salaires quant au chômage.
Si la stratégie de diminution des charges sociales sur les bas salaires s'avère, dans une certaine mesure, efficace pour créer des emplois et lutter contre le chômage, elle est en revanche insuffisante. De plus, en pratique, elle peut se heurter à certains obstacles car, si le prix du travail est assurément un déterminant de l'embauche, il n'est pas le seul. La baisse des charges sociales ne suffit pas à stimuler, à elle seule, la création d'emplois. En France, les mesures de diminution du coût du travail n'ont pas entraîné une baissesignificative du chômage de longue durée. La décision d' embaucher est aussi sensible à l'emplotabilité de la personne: l'âge, le sexe et le niveau de formation et d'expérience interviennent dans la décision d'embauche. Le taux d'emploi des femmes sans diplômes est très inférieur à celui des hommes sans diplômes (document 3), ce qui indique donc que les femmes sont plus exposées au chômage que les hommes. Autrement dit, la baisse des charges sociales peut s'avérer insuffisante en l'absence de mesures complémentaires, notamment en faveur de l'amélioration de la formation de la main-d'oeuvre non qualifiée. De plus, la durée du chômageest aussi un critère très important dans la décision d'une entreprise. Plus la durée udu chômage est importante, plus la probabilité d'être embauché est faible. Les entreprises interprètent en effet la longueur du chômage comme étant un mauvais signe: la personne durablement sans emploi voit alors son capital de formation et d'expérience diminuer, elle peut être critiquée comme ne faisant pas tous les efforts indispensables pour trouver un emploi. Finalement, la baisse des charges sociales, certes nécessaires, ne permettra pas toujours de lever les réticences des entreprises. Enfin, la diminution du chômage et la création d'emplois dépendent aussi des anticipations des entreprises concernant le niveau de la demande.
En France, une baisse des charges sociales nécessite parallèlement de maîtriser la croissance des dépenses sociales et de réformer le financement de la protection sociale.
La réduction des charges sociales s'entrechoque à des rigidités structurelles (les particularités du système sanitaire français, la réglementation du marché du travail...), démographiques (vieillissement de la population). C'est pourquoi la baisse des charges sociales sur les bas salaires, sans réformes structurelles risque d'entraîner une aggravation des déficits sociaux, ce qui a pour effet d'alourdir les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales).
La réduction des charges sociales peut également passer par une multiplication des emplois précaires (document 5) et par une baisse des rémunérations. Sans salaire minimum (SMIC), la baisse dese rémunérations pour les salariés les moins qualifiés notamment, peut effectivement relancer la création d'emplois atypiques (CDD, travail à temps partiel, intérim... (document 6) et donc diminuer le chômage. Néanmoins, une telle politique entraîne un marché du travail dual. En effet, elle favorise l'augmentation d'inégalités entre les salariés et affaiblit donc la cohésion sociale en multipliant les emplois précaires et instables.
La stratégie de réduction des charges sociales sur les bas salaires a été appliquée à des degrés divers et ce dans la plupart des pays industrialisés. Même si la question de l'efficacité d'une telle stratégie reste controversée, le coût élevé du travail et la part importante des charges sociales sur le salaire sont assurément des causes du chômage, et notamment du chômage des personnes sans qualifications, c'est-à-dire ceux étant le plus en proie à avoir un bas salaire. Mais la mise en oeuvre d'une politique de baisse des charges sociales est indissociable de l'adoption d'une réforme de la fiscalité et du financement de la protection sociale. La baisse du coût du travail, qui passe par la diminution des charges sociales, conjuguée à une plus grande flexibilité a pu favoriser la lutte contre le chômage dans certains pays mais au prix d'une plus grande précarité et d'une aggravation des inégalités.
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