Dans la partie II, chapitre 6 à 10, George Duroy est-il un héros ?

Introduction 

« Le naturalisme fatalement tue le héros « on cite cette phrase de Zola dont la logique est évidente. Dans une œuvre réaliste, on se doit de représenter objectivement le personnage principal : il doit être banal, moyen, avec des qualités éventuelles certes, mais équilibré par des défauts. Dans ces conditions, peut-on appeler Bel-Ami, héros éponyme de cet œuvre naturaliste de Maupassant, un « héros romanesque « ? Ou au contraire on le place dans le type « antihéros « à cause de ces nombreux défauts et l’impression répugnante qu’il donne au lecteur tout au long de son ascension dans la société parisienne. Pour répondre à cette problématique, on mettra en relation la définition du « héros « et celle de « l’antihéros « avec le portrait physique et moral de Bel-Ami.

Qu’est-ce qu’un héros ?

« Héros « est un nom masculin qui vient du grec « hêrôs « signifiant demi-dieu.

Le héros d’un roman est habituellement le personnage principal de l’histoire racontée. 

   * On peut le qualifier de personnage épique, homme célèbre, ou tout homme s’élevant au niveau de demi-dieu. Il est généralement doté d’une grandeur d’âme exceptionnelle. Dans le texte, on retrouvera alors au premier plan les valeurs et les exploits soulignés par le registre épique. 

   * Il peut être également un homme manifestant sa supériorité en un domaine particulier, portant une qualité morale ou intellectuelle, et, par extension, un défaut, au suprême degré. Le personnage serait alors ordinaire et inspiré de la vie réelle (personnage d’un roman réaliste). Il devient un héros car il lui arrive des aventures extraordinaires ou  accomplie lui-même des exploits. 

Et un antihéros ?

Quand l’auteur recherche à dépeindre la réalité telle qu’elle est, il se peut que son œuvre ait un héros dont sa conduite ne correspond pas à un idéal (par exemple, s’il est lâche ou cupide). C’est alors, que l’on qualifie le personnage principal d’ « antihéros «. En effet, la psychologie et l’action du personnage ne conviennent pas aux critères des héros traditionnels.

On peut distinguer comme type d’antihéros :

   * le personnage « sans qualités «, l’être ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire.

   * le héros négatif, porteur de valeurs antihéroïques et en général antisociales. 

   * le héros déceptif, un personnage ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en fait pas usage ou les utilise mal ou à mauvais escient. 

   * le héros « décalé «, un personnage ordinaire, sans qualités, qui par les circonstances se trouve plongé dans une situation extraordinaire.

Bel-Ami dans les chapitres 6 à 10 de la partie II

Portrait physique

Bel-Ami évolue physiquement et moralement tout au long de son ascension dans la société. En partant de presque rien il monte les échelons dans la société et se rapproche de son but à l’aide de son charme et de sa capacité manipulatrice qui fait effet surtout auprès des femmes. Il est décrit comme bel homme, grand, bien fait, blond, avec une moustache et des yeux bleu clairs. Au fur de son ascension, il s’enrichie et son orgueil se voit dans sa démarche ; il se croit supérieur. « On se retournait pour regarder ce beau garçon « (p.355 l.27). Il réussit avec habilité à séduire tout le monde, que se soit femme ou homme, riche ou pauvre. Et grâce à son physique avantageux et son élégance qu’il acquiert dans les derniers pas de sa réussite, il nous donne une impression d’homme particulier qui se rapproche du portrait du héros romanesque, bien que cela reste extérieur.

Portrait moral

Bon ou mauvais, respectueux ou manipulateur, sincère ou perfide? Le lecteur ne sait pas quoi penser au sujet de George Duroy.

Bel-Ami a conscience de ses atouts et en use et abuse pour ces profits personnels. Il est calculateur et adroit, il sait reconnaître une situation favorable, et n’hésite pas à agir au moment propice pour poursuivre son but. Il se sert des autres, les manipule comme des marionnettes, les fait souffrir et pour finir les rejette. Les autres ne s’en rendent pas vraiment compte, mais sont-il pour autant des amis? « …il pouvait me laisser quelque chose, à moi… à moi, ton mari… à moi, son ami… « (p.341), Duroy revendique une partie de la somme laissée par Vaudrec à sa femme, Mme Forestier, pourtant il n’était pas proche de lui. Etant persuadé d’avoir tout le monde à ses pieds il se sent agressé par toutes ces propositions et affaires auxquelles lui ne peut pas toucher. Surtout quand l’argent en fait parti, il ne peut pas retenir sa jalousie. « Il s’était cru riche avec les cinq cent mille francs extorqués à sa femme, et maintenant il se jugeait pauvre… « (p.351-352)  Duroy est atteint d’une violente rage contre son patron, qui est devenu en quelques jours un des maître du monde et un riche israélite (p.349 l.16). Sa vulgarité soudaine « ce sale juif « (p.352 l.35) démontre le fait qu’il a une insatiable envie d’être supérieur. D'ailleurs son amour pour l’argent lui fait perdre son sang froid et le rend ignoble face aux autres. Sa brutalité apparaît sous deux formes différentes, non seulement elle est verbale, par exemple quand il parle de Forestier en disant « ce cocu de Forestier « mais aussi physique comme dans le dernier chapitre (p.405) où il frappe Clotilde car cette dernière n’accepte pas son mariage avec Suzanne. Par ces attitudes violentes, on peut déduire une certaine lâcheté et peur dans son caractère: Bel-Ami ne veut pas admettre les méthodes honteuses qu’il utilise pour arriver à ses fins. Ce manque de courage dévoile une faiblesse et le qualifie cette fois-ci comme antihéros. « Je suis maitre de la situation « (p.385 l.12-13). Son ambition, son égoïsme et sa détermination vont faire de lui un homme riche, il devient un homme de pouvoir, mais la manière qu’il utilise pour le devenir n’est pas considérée comme héroïque.  Vu sous cet aspect dévalorisant, le lecteur se fait une image négative de George Duroy, voire une impression de répugnance de ce personnage. En aucun cas le lecteur s’identifie à lui. Bel-Ami serait-il un antihéros alors?

Malgré tout, Bel-Ami possède quelques qualités. Déjà par son ascension fulgurante digne d’un héros, il nous montre à quel point il est déterminé et suscite chez le lecteur une certaine admiration. Dans le paragraphe en dessus, on citait qu’il ne faisait guère attention aux sentiments des autres. Mais n’aurait-il pas tout de même une réelle affection pour quelques personnes de son entourage, pour certaines femmes qu’il séduit ? Prenons pour exemple la relation de George et Suzanne : « George et Suzanne vivaient dans une sorte d’intimité fraternelle et libre, bavardaient pendant des heures, se moquaient de tout le monde et semblaient se plaire beaucoup ensemble. « (p.371-372) Bien que nous savons que Duroy a pour but de se marier avec Suzanne uniquement pour sa fortune, on devine qu’il n’est pas tout à fait indifférent au charme de la petite. On peut également affirmer cela avec la relation que Bel-Ami entretient avec Mme de Marelle : ils se réconcilient toujours, et il la garde comme maîtresse tout au long de sa montée dans la société. Au contraire, la relation avec Mme Walter était purement pour en tirer profit. On prouve alors que Bel-Ami renferme tout de même des sentiments humains dans son être ignominieux. L’humanité étant un des points essentiels de tout héros.

Conclusion

Finalement, est-il un héros? Nous avons vu que malgré les nombreux défauts, l’image négative, et le sentiment de répugnance que Bel-Ami donne au lecteur, il garde une certaine humanité et réussit des exploits qui sont dignes d’un héros. Cette ambiguïté qu'à donner Maupassant à son personnage laisse indécis le lecteur même à la fin du dernier chapitre. C’est le roman réaliste qui se veut de nous montrer la réalité telle qu’elle est. On veut toujours se voir meilleur que ce qui est réellement, c’est pourquoi c’est difficile pour le lecteur de s’identifier à ce personnage. Par conséquent, George Duroy, personnage réaliste, ne ressemble ni à un idéal ni à un héros classique, mais il a tout de même atteint quelques exploits. L’auteur a donc voulu laisser le lecteur décider en fonction de ses propres valeurs s’il veut voir Bel-Ami comme héros ou comme antihéros.

Illustration par l’œuvre

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(p.404 l.14 à 16) « Tu trompes tout le monde, tu exploites tout le monde, tu prends du plaisir et de l’argent partout, et tu veux que je te traite comme un honnête homme ? «

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(Plus bas p.404 l.29 à 33) « Crois-tu que je ne sais pas comment tu as volé à Madeleine la moitié de l’héritage de Vaudrec ? Crois-tu que je ne sais pas comment tu as couché avec Suzanne pour la forcer à t’épouser… «

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(p.405 l.1 à 6) « Il eût accepté n’importe quoi, mais ce mensonge l’exaspérait. Les vérités qu’elle lui avait criées par le visage lui faisaient passer tout à l’heure des frissons de rage dans le cœur, mais cette fausseté sur cette petite fille qui allait devenir sa femme éveillait dans le creux de sa main un furieux besoin de frapper. «

Cet extrait des pages 404 et 405 souligne merveilleusement le fait que Duroy soit un manipulateur, un profiteur, un homme avide d’argent et qui exploite les autres. On comprend qu’il traite les autres comme des inférieurs et que lui-même voudrait être respecté et supérieur à tous. Et en même temps, le caractère protecteur et humain de Bel-Ami est dévoilé : il devient violent dès qu’elle raconte le mensonge qui implique Suzanne sa future femme. 

On prouve par cet extrait que tout ce dont Duroy est accusé là est vrai : « Les vérités qu’elle lui criait… «. 

Bibliographie

Ouvrage :

   * Dictionnaire Larousse, le petit Larousse illustré, édition 2008

Sites :

   * http://pedagogie2.ac-reunion.fr/lyvergerp/FRANCAIS/Bel-Ami/Stephanie/Bel-Ami/Duroy.html 

   * www.wikipédia.ch  recherches : héros, antihéros, réalisme, Bel-Ami, Maupassant

   * http://users.swing.be/bn/Maupassant/pages/lectures_methodiques/partie1_ch1_incipit.html 

   * http://www.le-dictionnaire.com recherches : héros