Introduction : Dom Juan ou le festin de Pierre est une tragi-comédie écrite en 1665 par Molière, inspirée du mythe créé par l’Espagnol Tirso de Molina. Cette pièce nous conte les aventures d’un grand aristocrate espagnol et de son fidèle serviteur, inspiré de la comdia dell arte, Sganarelle. En pleine époque classique, Molière crée une pièce baroque sur le sujet du libertinage. Tout comme Tartuffe, Dom Juansubit rapidement la censure après quelques représentations. (accroche avec informations sur l’oeuvre) L’extrait présenté ici est la scène 2 de l’acte I de Dom Juan, durant laquelle le héros apparaît. Constituée d’un dialogue entre Sganarelle et son maître, cette scène se termine par une longue réplique de Don Juan sur l’infidélité. Il expose son libertinage en faisant un éloge de l’adultère, afin de répondre à la contradiction portée par son valet. (présentation du passage) Quelle forme prend cette défense de l’infidélité ? Comment Don Juan avance-t-il sa conviction ?(problématique) Dans un premier temps, nous montrerons la portée argumentative de ce passage avant d’analyser les différents éléments de l’éloge de l’infidélité prononcé par le grand seigneur. (annonce de plan) I- Un texte argumentatif. a) Une réponse. Ouverture de la réplique par le pronom interrogatif « Quoi ? », qui marque l’interpellation, l’apostrophe de la Sganarelle. Destinataire marqué par la deuxième personne du singulier : « Tu veux… », impression donnée d’un dialogue réel : « Non, non », formule rapprochant cette réplique de théâtre d’un discours réaliste. Texte à l’apparence vivante et réelle, qui paraît s’insérer dans le déroulement de la scène, avec la réponse à Sganarelle. b) La défense d’une conviction. Utilisation dans un premier temps du pronom personnel indéfini « On », et personnel « nous » : « qu’on se lie », « qui nous prend », caractère impersonnel et universel. Ensuite, première personne du singulier : « Pour moi », « je cède facilement »…montre qu’il expose une conviction personnelle. Progression et logique du raisonnement : il commence par exposer sa thèse : « La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle… », puis il avance un premier argument militant pour l’infidélité « toutes les belles ont le droit d’être charmées », ensuite un deuxième « le plaisir de l’amour est dans le changement », enfin un dernier « une conquête à faire ». Don Juan souhaite convaincre Sganarelle en lui montrant que l’infidélité est générosité de cœurenvers toutes les femmes, satisfaction du désir de changement et noblesse de la conquête. Logique marquée par des connecteurs : « Quoi qu’il en soit », « Mais », « Enfin ». c) Une éloquence servant la persuasion. tonalité presque polémique de la réplique : « Quoi ? », et « ! » qui mettent en avant l’énervement de Don Juan. Hyperboles : « mort dès sa jeunesse », « si j’en avais dix mille », « douceur extrême ».., répétitionsdes mots « belle/beauté », « coeur », « charmes/charmer », figures de rhétoriques utilisées pour persuader son interlocuteur. Phrases longues ne permettant pas à son interlocuteur de l’interrompre ou de l’interroger. Don Juan maîtrise donc à la perfection l’art oratoire. II- Eloge de l’infidélité. a) Le libertin. remise en cause et attaque féroce de la fidélité dès le début de sa réplique : « la constance n’est bonne que pour des ridicules » description d’un homme attiré par le plaisir : « Je cède facilement à cette douce violence » oxymore servant à atténuer sa responsabilité, « rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs », n’est pas maître de lui-même. Désirs qui apparaissent à la fois comme le but du libertin, mais aussi comme des pulsions impossibles à contrôler, des comportements naturels. Immoralité du libertin appuyée lorsque Don Juan parle de sa satisfaction à prendre la vertu d’une femme : « à combattre [.. .]l’innocente pudeur ». Un libertin en action qui tire un plaisir à la fois physique et intellectuel de la séduction. b) Un éloge paradoxal. transformation de l’infidélité qui est un vice en vertu. Il dévalorise la fidélité : « faux honneur », soulignant l’hypocrisie d’après lui de la fidélité, par contraste l’infidélité apparaît comme véritable et authentique. Qualités de l’infidélité montrées quand elle permet de ne point blesser « n’engage point mon âme à faire injustice aux autres », d’avoir plus de cœur « je ne puis refuser mon coeur ». enfin, pas de conséquences puisque la femme est déshumanisée : « à demeurer au premier objet qui nous prend », « les belles », « une belle »…femme uniquement vue sous l’angle physique et comme une généralité abstraite, existant juste pour satisfaire Don Juan. c) Le plaisir de la conquête. infidélité apporte une récompense, un trophée. Dernière partie du texte avec champ lexical de la guerre : « conquêtes », « résistances », « triompher », « victoire », « conquérant ». métaphore filée de la guerre, qui met en avant la « bataille » livrée par Don Juan pour chaque nouvelle femme séduite. Plaisir de Don Juan dans la séduction, non dans l’amour partagé avec une femme. C’est le défi qui l’anime, non le but, différent de Casanova (grand séducteur vénitien du XVIIIème siècle) qui lui tombait amoureux à chaque fois. Dernière comparaison avec Alexandre le Grand très hyperbolique. Don Juan met sa soif de séduction en rapport avec les conquêtes très réelles de peuples et de territoires de la Grèce à l’Inde d’Alexandre. Montre le peu d’humilité de Don Juan. Conclusion : Après le portrait dessiné par Sganarelle lors de la première scène de la pièce, cette tirade de Don Juan sur l’infidélité nous montre la réalité du personnage. Intelligent et éloquent, le grand seigneur arrive avec une argumentation construite et efficace à défendre son point de vue libertin. Il réalise même avec un peu de provocation un éloge de l’infidélité qui est décrite comme une vertu naturelle, exigeant de grandes qualités de cœur. (reprise des conclusions partielles avec réponse à l’annonce de plan) Entre réalité et exagération, Don Juan avance ses arguments pour justifier son mode de vie. Il présente un caractère et une conviction inébranlables. Il ose même à la fin du passage une comparaison avec le grand conquérant que fut Alexandre. Il essaie de parer son comportement de la noblesse des guerriers.(réponse à la problématique) Par sa description, cette tirade fait donc écho à celle de Sganarelle. Les faits restent les mêmes, mais contrairement au premier texte, ici, la vision du libertinage est positive, l’expression structurée, et dans un langage plus soutenu. (ouverture sur un autre passage de l’oeuvre)