Correspondances, Les Fleurs du Mal, Baudelaire
Publié le 24/06/2012
Extrait du document
« Correspondances »
Intro
Poème fondateur de la poésie de Baudelaire (et à terme du mouvement symboliste)
Correspondances réussit le tour de force d'exposer une théorie tout en la mettant en pratique. Il s'agit de déchiffrer les symboles que nous transmet la nature afin d'accéder à un univers supérieur (spirituel). Pour cela, il faut accepter l'idée d'une mobilisation des sens en synergie. Au-delà de la théorie, on trouve l'exotisme, la pureté et la corruption... autant de thèmes omniprésents dans les Fleurs du Mal. Ce poème représente donc, la mise en pratique d’un idéal poétique et un extrait révélateur du recueil auquel il est intégré.
Baudelaire analyse les moyens d'établir une communication entre le monde céleste et le monde humain, rôle du poète. Pour cela, deux types d'analogies sont suggérées: les correspondances verticales (monde terrestre/monde supérieur) et horizontales (entre les différentes sensations). Le poète semble y jouer le rôle de "déchiffreur de symboles".
Les deux quatrains énoncent la théorie des correspondances tandis que les deux tercets l'illustrent. Ainsi, en même temps qu'il expose sa théorie, Baudelaire la met en pratique. Le poète livre une méthode, celle de la synesthésie, c'est à dire des équivalences sensorielles. Cette recherche apportera dans le texte un grand nombre de comparaisons. Le poète utilise habilement la structure du sonnet : - les 2 quatrains constituent le temps théorique, - les 2 tercets livrent le développement d'équivalence.
Pbq : Comment le poète parvient-il à donner à son texte une grande portée poétique tout en livrant un enseignement et une méthode ?
On étudiera : - la théorie des synesthésies, - puis l'analyse de la pratique de la synesthésie.
1. En théorie : les correspondances
A. La Nature comme un environnement sacré
> « La Nature est un temple » : verbe d’état
> noter le vocabulaire sacré « temples, piliers »
> Un lieu à respecter : « ténébreuse et profonde unité »
> C’est un lieu vivant proche de l’homme
> Que sont ses « confuses » paroles ? L’homme peut-il les comprendre ?
B. Le rôle de l’homme dans ce monde
> verbe « passer » : l’homme est dans une situation inconfortable, puisqu’éphémère…il ne peut pas prendre le temps de voir le monde ?
> Ce n’est pas l’homme qui observe, c’est lui qui est observé (« regards familiers », proches de l’homme qui ne demanderaient que la partage…)… En signalant, cette situation précaire Baudelaire invite l’homme à changer…
> L’homme se doit donc de comprendre ces « forêts de symboles »… « Unité » ne rime-t-elle pas avec « clarté » ?
C. Le monde doit être déchiffré
> Pour déchiffrer le monde, il faut comprendre ses « échos » (v. 5-6) qui se « répondent »
> Pour cela, il faut s’ouvrir au monde en mettant ses sens en éveil (v. 8)
> Le champ des possibles sera donc presque infini pour celui qui est réceptif à ce monde de « correspondances », qui est « vaste comme la nuit et comme la clarté » (comparaison + antithèse)
> « Les parfums, les couleurs, les sons se répondent » : Voix pronominale réciproque : chaque sujet agit sur l'autre. La formule revêt presque la tonalité d'une maxime, et est une règle essentielle du symbolisme…
> A la rime : « se confondent » et « se répondent ».
Transition : Le poète ne dissocie pas la théorie de la mise en pratique. Comment ?
2. Correspondances : les synesthésies…
- L’omniprésence des sensations : être ouvert au monde
- Cf. vocabulaire des sensations
- De plus, le poème se termine sur « des sens »
- Le parfum est impalpable et donc il peut être difficile à définir et difficile à transposer par écrit… Là, est certainement tout l’enjeu des « correspondances » : rendre accessible un monde sensible difficile à atteindre par la simple description…
- Donner du sens aux sensations perçues, mais un sens nouveau…
NB : Qu’est-ce qu’une synesthésie ? C’est un terme d’origine médicale que l’on emploie dans le langage poétique pour définir une association de sensations de nature différente.
- Ici, « des parfums »/ « chairs d’enfants » = odorat/toucher, « des parfums »/ « doux comme des hautbois » = odorat/ouïe, « des parfums »/ « verts comme les prairies » = odorat/vue. Donc, trois synesthésies. Ces sensations sont considérées comme ressemblantes et complémentaires afin d’exprimer de manière inouïe la réalité perçue. Les échos de la nature et du monde sont restitués par le réseau des sensations.
- Les autres qualificatifs donnés aux parfums apportent des compléments et signalent l’ambivalence de la nature dans une vision manichéenne du monde (bien/mal, positif/négatif) : gradation du v. 11. (cf. oxymore « vivants piliers » v. 1)
- Cette vision du monde introduite par « Il est » (v.9) : après nous avoir dit comment faire, nous avons le résultat de l’expérience menée par Baudelaire.
- Les synesthésies et l’univers baudelairien
- Cette confusion sensorielle s’associe à un univers baudelairien typique : puissant et exotique (v.13)
- Ces « parfums » perçus et décrits offrent une vision qui peut elle aussi « [avoir] l’expansion des choses infinies ».
- Le poème se clôt sur une dernière image de la nature ainsi déchiffrée : ces parfums, robustes et entêtants, « chantent les transports de l’esprit et des sens » (une fois de plus : le parfum a une voix…). Les « confuses paroles » sont devenues chants (c’est-à-dire quelque chose d’aussi agréable qu’intelligible) .
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