Corneille, La Place royale, V.3 (commentaire)
Publié le 16/04/2011
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Corneille, La Place royale, V, 3, 1356-1397
Quelle subversion de son principe depuis qu’Alidor prônait la supériorité de la liberté sur l’amour à l’Acte I, 2, v. 212 «Je veux que l’on soit libre au milieu de ses fers«. Ce rythme parfaitement binaire de cet alexandrin semblerait bien marquer la détermination d’Alidor à ne plus aimer son amante, Angélique, et à la céder à son ami Cléandre. Cette volonté fut mise à exécution par deux duperies successives: à l’Acte II, 1-2, où Polymas, valet d’Alidor, à la demande de ce dernier, apporte un billet à Angélique affirmant qu’elle est soi-disant trompée par Clarine. Si elle le repousse, non sans souffrance (II,3), elle se tourne alors plutôt vers Doraste, frère de son amie Phylis, que Cléandre. Ainsi, les Actes III-IV voient Alidor se consacrer à «l’enlèvement d’Angélique«, le jour du bal de célébration de son futur hymen avec Doraste, pour qu’elle appartienne définitivement à Cléandre. Sauf qu’il joue de malchance à cause de la nuit
: il montre Phylis au lieu d’Angélique à son ami. L’Acte V est la conclusion logique de l’Acte IV: Doraste perd sa soeur parce qu’elle contraint Cléandre au mariage (V, 1-2), mais aussi Angélique puisqu’il se sent trahi étant donné que cette dernière supercherie prouve, selon lui, qu’elle préfère Alidor (V, 4-5-6) et met donc un terme à sa relation. Par là-même, Angélique perd ses deux prétendants, l’un trahissant, l’autre trahi, et «Un cloître est l’objet de mes désirs« (V, 7, v.1556). Seule Phylis semblerait s’en sortir le mieux.
Même Alidor est perdant: Echouant à marier Cléandre avec Angélique, cet échec le ferait aimer à nouveau par ironie tragique. Son monologue de l’Acte V, 3 apparaît ainsi comme un coup de théâtre: «La honte et le remord rallumèrent ma flamme«. Mais ce monologue est ambigüe à un double titre : d’après la fonction de l’Acte V, fonction de dénouement, ne devrait-on pas parler d’un faux coup de théâtre ? Comment affirmer qu’il l’aime à nouveau sous le coup du sort alors qu’il le remet en cause ?
A travers ce monologue d’Alidor, c’est avant tout le sous-titre de la pièce La Place royale ou l’amoureux extravagant qui est illustré. Non content de reconstruire ses intentions de ses actions pour qu’elles soient toujours en sa faveur au moment présent, il se pose comme une «victime« du destin. Dès lors, bien loin de clarifier sur son amour, il ne fait que le rendre plus impénétrable que jamais.
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Ce monologue d’Alidor justifie pleinement le sous-titre, l’amoureux extravagant et supplante pendant le temps d’une scène le titre de la pièce. En effet, extravagant signifie «dont la raison, l’imagination sont déréglées«. Dérèglement de la raison parce qu’elle dépasse dialectiquement l’échec de ses projets pour la réussite. Et, dérèglement de l’imagination parce qu’il la prend pour une réalité. Compris ainsi, le monologue s’apparenterait à une rhétorique du mensonge qui servirait avant tout à essuyer les échecs successifs d’Alidor.
Ainsi, cette position victorieuse ne renverrait à aucune réalité, mais elle serait une construction fondée autant sur une reconstruction des intentions de ses actions passées que sur un futur plié à son imagination. En effet, l’ironie tragique permet de transformer les échecs de ses projets passés en une réussite amoureuse. Ceux-ci n’ayant plus pour finalité la victoire de la liberté sur l’amour, mais la victoire de l’amour sur la liberté. Cette justification du renversement est aussi bien symbolique que rationnel. «Aveugle, cette nuit m’a redonné le jour« reprend le topos du devin aveugle, exprimé sous forme d’oxymore, qui voit mieux que le voyant. Puis, en guise de conclusion, il invoque l’argument axiologique: «Aussi j’en fus honteux, et confus dans mon âme / La honte et le remord rallumèrent ma flamme«. Or, il est problématique car quand bien même Alidor dans ses précédents monologues (IV,1-5) effleurait la question, cela ne l’empêcha pas de continuer. Cette idée d’ironie tragique factice peut se justifier quant à l’issue de son futur. Des deux solutions qu’il se propose à lui-même, Alidor choisit celle qui lui convient le mieux, c’est-à dire celle entièrement tournée du côté de l’imagination: «Nous savons les chemins de regagner son coeur«. Il prend son imagination pour une réalité.
Cette rhétorique du mensonge est clairement visible lorsque sa propre loi est renversée. Le vers 1361 «Et que malaisément on rompt de si beaux fers« s’oppose parfaitement au vers 212 de l’Acte 2, scène 2 «Je veux que l’on soit libre au milieu de ses fers«. En aucun cas, Alidor n’hésite à dire le contraire. D’abord, l’adverbe «malaisément« contraste au «je veux« qui renvoie à cette facilité du langage illocutoire. Quant à l’intensif «si« et l’adjectif antéposé «beaux« donne au nom «fers« un aspect mélioratif contrastant à son précédent aspect péjoratif parce qu’opposé à «libre«. Enfin, l’opposition est musicale: nous avons affaire à une cadence majeure exclamative qui insiste sur «fers« (effet de suspension), l’acteur devrait donc retranscrire cette parole passionnée. Alors que précédemment, nous avions affaire à un alexandrin affirmatif, donc la protase, «je veux«, et l’apodose, «fers«, s’équivalaient. Cette égalité de ton participe de cette liberté conditionnelle.
Le comique naît donc à la fois du décalage entre la volonté et la découverte d’Alidor et ce que sait d’avance le spectateur : ce qui est un «coup de théâtre« pour lui n’est pour nous qu’un faux coup de théâtre. Bien que nous avions affaire précédemment à un alexandrin qui exprimait la volonté d’Alidor d’être «libre« et son opposition à «ses fers«, leur position même, tout deux situés à l’hémistiche, révèle simultanément une menace de cette volonté par un état de fait: être amoureux. Entre le rythme binaire et l’antonymie des deux termes, le spectateur est en droit de douter quant à la réussite de l’amant. Cette intuition est progressivement confirmée puisque la tension est croissante dans les deux autres monologues (Acte IV,1-5) d’Alidor jusqu’à celui-ci qui en est le résultat. Cette subversion n’est donc que la conclusion logique du verbe «vouloir« conjugué au conditionnel, et non pas au présent catégorique. Corneille joue donc avec l’extravagance d’Alidor. Nous jouissons du trompeur trompé. Ce jeu, avec l’omniscience du spectateur, étant poussé ici à son paroxysme puisqu’ayant montré qu’il s’était trompé en voulant soumettre une situation à sa volonté, Alidor reproduit la même erreur en choisissant la réponse qui lui convient le mieux pour satisfaire sa «flamme«. Par là-même, les deux réponses qu’il propose à ses deux questions peuvent se lire comme des prolepses. Dans ce cas, Alidor reste néanmoins le trompeur trompant, et Corneille joue aussi avec le désir du spectateur: la première possibilité affirme l’intuition du spectateur pour mieux le faire douter statim avec la seconde. En effet, la rhétorique du mensonge contamine le spectateur lorsque le personnage use de la première personne du pluriel : «entrons«, «dérobons«, «nous savons«. Il laisse sous-entendre de façon parodique qu’il à déjà eu affaire à la colère d’Angélique à l’Acte 2, scène 2 et a réussi à la surmonter à l’Acte III, scène 6. De plus, il l’a même reconquise. Ainsi, qu’est ce qui l’empêcherait dans sa nouvelle tentative ?
Ainsi, c’est la fonction même du soliloque qui est subvertie. Au lieu de transcrire directement la suite des états de conscience et sentiments qu’Alidor est censé éprouver, il ne fait que les troubler encore plus dans la mesure où Alidor se persuade qu’il est victime d’une ironie tragique et donc à nouveau amoureux. Autrement dit, quand bien il serait de fait à nouveau amoureux, la manière dont il l’exprime ne peut que nous faire douter.
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A supposer qu’un amour sincère semble bel et bien exister, celui-ci reste inaccessible au spectateur car il supposerait qu’Alidor reconnaisse ses échecs. Or, homme orgueilleux, il préfère se déresponsabiliser. Pour cela, il se pose comme celui qui aurait refusé d’être une victime de l’amour. Il use donc de la conception précieuse de l’amour: l’amour en tant que fatalité. Et, cet amour serait la cause de son malheur puisqu’il pourrait perdre Angélique. Reste que cette posture de victime est minée par l’utilisation même de ce langage tragique. Ainsi, extravagant signifierait ici «qui provoque l’étonnement, la surprise à cause de l’excès«.
La structure du monologue est la désillusion. Elle se décompose en trois temps: d’abord des vers 1352-1359 qui portent sur la prise de conscience ou la construction d’une ironie tragique. Puis des vers 1360-1377 qui portent sur son impuissance à échapper à l’amour ; et organisés ainsi: l’argument précieux ( v.1360-1373 ) et sa conséquence : la reconnaissance de l’extravagance de ses actes passés. Enfin, des vers 1378-1397 qui portent sur sa possible incapacité à s’unir de nouveau avec Angélique ; et réparties comme suit: deux questions (v.1378-1381) suivies de deux réponses contraires : l’une «tragique« (v.1382-1389), le dénouement se conclut sur la perte d’Angélique ; l’autre «comique« (v.1390-1397), le dénouement se conclut sur une réconciliation, ou une alliance. La tonalité tragique est bien présente parce que son espoir naît de l’ironie tragique, d’une désillusion: son impossibilité à ne pas aimer. Mais elle est aussi présente avec le champs lexical du langage tragique marqué par les allitérations en [r] et la récurrence de certains termes: «perfidie« (x2), «regret«, «ingrat« (x2), «trahissais« (x2), «honteux« (x2), «confus«, «les lâches complots«, «rebelle«, «misérable«. Des formules qui rendent compte musicalement d’une «âme« tiraillée par une crise morale comme «Que dis-je ? misérable ! ah ! c’est trop me méprendre«. C’est un alexandrin ternaire irrégulier: 2-4 / 1 / 3-2. De même, les exclamatives et interrogatives participent du langage tragique.
A ce dernier s’ajoute une fatalité de l’amour. Amour issu de la conception précieuse, c’est-à-dire conçu comme un démiurge, personnifié ici en «tyran secret« (v.1368), dont son arme serait la nécessaire attirance de l’homme pour la beauté. Dès lors, la réflexion s’organise autour du paradigme de l’impuissance de l’homme face à la puissance du désir. Cette impuissance et ce désir sont particulièrement sensibles des vers 136-1365: le présentatif met en valeur l’anaphore «C’est en vain qu’on résiste aux traits d’un beau visage« qui intègre un oxymore: «en vain à son pouvoir refusant son courage / On veut éteindre par ses yeux un feu allumé« et se conclut sur une rime léonine : «Et ne le point aimer quand on se voit aimé«. Rime qui marque le renversement des voix : le sujet est passif car même si son action est à la voix active, celle-ci est annihilée par la formule restrictive. Quant au complément d’agent, il est actif bien que son verbe soit à la voix passive. En un mot, le sujet aimant est pris au piège du désir. Il n’y a qu’a voir les nombreuses litotes ou hyperboles: «Il jette dans nos coeurs une trop douce amorce / Et ce tyran secret de nos affections / Saisit trop puissamment nos inclinations«.
Cependant, cette posture de victime peut-être considérée comme factice. Factice parce qu’elle est subvertie de l’extérieur par la figure de l’hyperbole et de la répétition. Mais aussi subvertie de l’intérieur parce qu’Alidor adopte une position qu’il a lui-même raillée précédemment, notamment à l’Acte II, scène 2. Cette figure de l’hyperbole peut se caractériser par la répétition de termes: redondance d'adjectifs, de substantifs, d’adverbes: «j’en fus fus honteux, et confus (...)«, «La honte et le remord«; les adverbes facilement identifiables et déstabilisant les alexandrins: «Et que malaisément on rompt de si beaux fers« (1-1-4 / 1-1-1-1-1-1) ou «Saisit trop puissamment nos inclinations« (2-1-3 / 1-5). Pour ce dernier vers, l’adverbe antéposé «trop«, marque même de l’excès, renchérit l’adverbe de quantité «puissamment«, lui-même excessif. Plus largement, l’adverbe «trop« est répété six fois dans ce monologue. La surenchère se caractérise aussi par la litote qui disqualifie ce sentiment de victime. Tout en participant au renversement de la maxime originelle aux vers 1361 et 1375, elle le disqualifie en même temps autant par sa présence unique, emploi stratégique qui vise à l’ironie, que par sa fonction hyperbolique qui démonte les adjectifs mélioratifs antéposés: «(...) de si beaux fers !«, «(...) si belle chaîne«. Outre la surenchère, le langage tragique est aussi subvertie par la répétition. Cette répétition peut se lire comme une connaissance limitée du langage tragique qu’a Alidor du fait qu’il est un personnage de comédie. Aussi, le langage tragique est en-soi comique. Soit parce qu’Alidor emploie les même termes tragiques qu’Angélique qu’il avait raillés à l’Acte II, 2. Voici ce qu’il disait du «ciel vengeur« (v.1391) : «Vraiment le ciel a tort de ne vous pas donner / Lorsque vous tempêtez, son foudre à gouverner / Il devrait avec vous être d’intelligence« (v.383-385). De même qu’«une juste rigueur« (v.1396)« renvoyant à «Vous traitez du papier avec trop de rigueur« (II, 2, v.387). Soit parce qu’il nie la fatalité tragique. Cette dénégation est présente lorsqu’il choisit le «dénouement comique« au «dénouement tragique«. Néanmoins, ce comique n’enlève rien au sérieux du sujet, il le traite plutôt de façon légère. D’ailleurs, au regard de l’ensemble de l’acte V, cette scène est la seule qui se caractérise par l’idée de succès. Dernière subversion: la transcendance. A la différence de Racine où «C’est Vénus tout entière à sa proie attachée« (Phèdre, I, 3, v.306), Alidor tente de faire passer son amour pour transcendant alors qu’il n’est qu’immanent, désir naturel de l’être-humain. En clair, le conflit naît de son opposition à sa passion. C’est Alidor qui est son propre obstacle, l’amour obstacle à l’amour. Par là-même, la force de cette pièce résiderait dans ce noeud tragique autosuffisant.
Ainsi, l’ironie tragique est bien créée de toute pièce puisqu’elle sert à justifier ses échecs, mais aussi à justifier et se déresponsabiliser de son attitude désinvolte, «ingrate«, envers Angélique. Donc, se serait par amour qu’il l’humilierait. Dans ce cas, Alidor renverserait le principe de l’amour précieux : la femme est l’objet. Mais, ce renversement interroge quant au caractère de son amour: pour qui aime t-il ? Pour Angélique ou pour lui-même ?
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Un jeu avec le désir du spectateur s’instaure à nouveau car ce monologue déjoue les attentes du fait qu’Alidor justifie plutôt moralement ses actions qu’il ne révèle ses états d’âme. En justifiant ses actes, non seulement on peut s’interroger quant au caractère de son amour et aussi quant à la psychologie du personnage. Cette fois-ci, extravagant signifie «qui dévie par rapport aux normes reçues de la vie sociale«.
Cette déviation est présente par la subversion de la posture précieuse. D’une part, il joue avec les valeurs précieuses: il universalise son expérience. Derrière le pronom personnel «nous« (v.1360) et l’impersonnel «on«, ne faudrait-il pas y voir un «je« ? D’autre part, il renverse la conception de l’amour précieux selon lequel l’homme devrait être l’objet de la femme. En effet, il la désigne en l’abêtissant «sa proie« (v.1354), puis en la chosifiant. Cette objectivation est particulièrement sensible aux vers 1355-1357 qui forment un chiasme fondé sur des propositions subordonnées comparatives à structures corrélatives opposant les clitiques «Je« / «tu«. En fait, chacun est l’objet de l’autre: Angélique subit le projet d’Alidor, Alidor subit l’amour d’Angélique. Néanmoins, dans ce rapport de domination sur l’autre, il semblerait qu’Alidor s’en sorte le mieux: «Et mes desseins d’accord avecques mes désirs / A servir Angélique, ont mis tous mes plaisirs«. Angélique est perçue comme un objet pris au piège de la rime plate «mes désirs« / «mes plaisirs«. Quant à «A servir« peut être aussi compris comme «asservir« (paronomase). Si Alidor est dominé, ce n’est que par lui-même: il est son propre bourreau.
De cette subversion, on peut donc conclure qu’Alidor est sadique envers Angélique. En effet, il semblerait qu’Alidor ne puisse aimer que dans la culpabilité: «La honte et le remords rallumèrent ma flamme«. Sauf qu’au lieu de l’amener vers un repentir, il n’en garde que la jouissance. Le discours axiologique est renvoyé au temps de l’accompli alors même qu’à aucun moment il n’en a été question, ou s’il en a été, comme à l’Acte IV, 5, elle n’a jamais été assez forte pour l’arrêter. A ce discours, s’oppose celui du désir qui lui est au temps de l’inaccompli. En fait, cette relation sadomasochiste n’est que l’assouvissement d’une jouissance égoïste, la recherche de son amour-propre, la satisfaction de son narcissisme dont Angélique ne serait que le moyen pour y parvenir.
En ce sens, on peut définir Alidor comme un pervers, autant d’une sexualité qui s’écarte de la normalité, que d’un individu qui est dépourvu de sentiments et de morale, qui est enclin et aime faire du mal. Effectivement, cet amour du mal se retrouve dans sa joie du malheur des autres: «Quand je sus que Cléandre avait manqué sa proie / Que j’en eus de regret, et que j’en ai de joie !« Etrange compassion de la part d’un ami. Cette perversité s’étend à la manipulation de l’auteur et du spectateur: en effet, le dernier vers montre la volonté d’Alidor de changer le cours de la pièce. Mais des deux, ce sera bien Corneille qui aura le dernier mot. Quant au spectateur, il est perdant comme les personnages: il est frustré de ne pas avoir de réponse définitive quant à la véracité de son amour pour Angélique puisque nous avons jamais accès à son «âme« mais toujours à des justifications. En ce sens, le désir du spectateur s’inscrit parfaitement bien dans cet échec, déception, désillusion de l’Acte V.
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En conclusion, l’acte V, 3 de la Place royale ou l’amoureux extravagant illustre parfaitement bien le sous-titre de la pièce. Personnage fantasmagorique, manipulateur, sadique, refusant l’échec, ce monologue révèle les qualités d’Alidor. Pourtant, il échappe bien à l’essentiel, au saisissement des états d’âme d’Aidor, plus précisément à la véracité de son amour pour Angélique. En effet, nous avons proposé une tentative de résolution quant à cette question et avons répondu en expliquant qu’il préférait lui-même à Angélique. Cette supposition repose sur le postulat selon lequel les différentes formes de subversions distancent le langage tragique et précieux. Mais, il ne faut pas oublier que nous sommes dans une comédie et qu’Alidor est un personnage de comédie. Il est donc normal qu’il ne puisse s’exprimer autrement que par le rire. Autrement dit, derrière ses feintes, se cacherait un véritable amour inaccessible au spectateur, voire elles seraient le produit d’un amour inavoué.
En fait, ce monologue intérieur ne fait qu’obscurcir la situation du personnage dans l’Acte V au lieu de la clarifier, notamment sur l’interprétation que l’on doit donner au dénouement d’Alidor: en posant une maxime contraire à celle de l’originelle, Alidor ne peut que réussir: s’il perd Angélique alors il s’en tient à sa première maxime; s’il regagne Angélique alors il réalise sa seconde maxime. Quelque soit l’issu du dénouement, Alidor est gagnant même si c’est une victoire à la Pyrrhus.
Corneille, La Place royale, V, 3, 1356-13971 (commentaire)
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