Devoir de Philosophie

Comtesse de Ségur, Un bon petit diable (extrait).

Publié le 07/05/2013

Extrait du document

Comtesse de Ségur, Un bon petit diable (extrait). Contraint de vivre avec sa cousine et tutrice, l'acariâtre Mme Mac'Miche, le jeune Charles, âgé de douze ans, lui en fait voir de toutes les couleurs. Fréquemment battu, mis au régime au pain sec et à l'eau, il trouve une aide précieuse en Betty, la bonne, qui vient de lui doubler ses vêtements pour amortir les coups qu'il reçoit en nombre. Dans ce passage, le jeune garçon réussit à se nourrir au nez et à la barbe de l'avaricieuse marâtre, provoquant sa fureur -- et le rire du lecteur : la vivacité du récit vient de sa forme théâtrale, où prime le dialogue. Un bon petit diable de la comtesse de Ségur (chapitre 6, « Audace de Charles ; précieuse découverte «) Le lendemain, jour désiré et attendu par Charles, ce lendemain qui devait lui apporter la satisfaction d'une demi-vengeance, ce lendemain qui devait être suivi d'autres lendemains non moins pénibles, arriva enfin, et Charles revêtit avec bonheur la culotte doublée, cuirassée par Betty. C'était bien ! Un coup de massue eût été amorti par ce reste providentiel des casquettes du cousin Mac'Miche, mort victime de la contrainte perpétuelle que lui imposait l'humeur belliqueuse de sa moitié. Une maladie de foie s'était déclarée. Il y succomba après quelques semaines de rudes souffrances. Charles entra rayonnant à la cuisine, où l'attendait son déjeuner, au moment où la cousine entrait par la porte opposée pour faire son inspection matinale. Charles salua poliment, prit sa tasse de lait et plongea la main dans le sucrier ; la cousine se jeta dessus. MADAME MAC'MICHE Pourquoi du sucre ? Qu'est-ce que cette nouvelle invention ? Vous devriez vous trouver heureux d'avoir du lait au lieu de pain sec. CHARLES Ma cousine, je serais bien plus heureux d'y ajouter le morceau de sucre que je tiens dans la main. MADAME MAC'MICHE Dans la main ? Lâchez-le, monsieur ! Lâchez vite ! « Charles lâcha, mais dans sa tasse. « Voleur ! brigand ! s'écria la cousine. Vous mériteriez que je busse votre lait. CHARLES Comment donc ! Mais j'en serais enchanté, ma cousine ; voici ma tasse. « Charles la présenta à sa cousine stupéfaite ; la surprise lui ôta sa présence d'esprit accoutumée ; elle prit machinalement la tasse et se mit à boire à petites gorgées en se tournant vers Betty. Charles, sans perdre de temps, saisit la tasse de café au lait qui chauffait tout doucement devant le feu pour sa cousine, mangea le pain mollet qui trempait dedans, se dépêcha d'avaler le café et finissait sa dernière gorgée, quand sa cousine, un peu honteuse, se retourna. MADAME MAC'MICHE Tu mangeras donc du pain sec pour déjeuner ? CHARLES Non, ma cousine, j'ai très bien déjeuné ; c'est fini. MADAME MAC'MICHE Déjeuné ? Quand donc ? Avec quoi ? CHARLES À l'instant, ma cousine ; pendant que vous buviez mon lait, je prenais votre café au lait avec le petit pain qui mijotait devant le feu. MADAME MAC'MICHE Mon café ! mon pain mollet ! Misérable ! rends-les moi ! Tout de suite ! CHARLES Je suis bien fâché, ma cousine ; c'est impossible ! Mais je ne pouvais pas deviner que vous les demanderiez ; je croyais que vous preniez mon déjeuner pour me laisser le vôtre. Vous êtes certainement trop bonne pour manger les deux déjeuners et me laisser l'estomac vide ! MADAME MAC'MICHE Voleur ! gourmand ! tu vas me le payer ! « La cousine saisit Charles par le bras, l'entraîna près du bûcher, prit une baguette, jeta Charles par terre comme la veille, et se mit à le battre sans qu'il fit un mouvement pour se défendre. De même que la veille, elle ne s'arrêta que lorsque son rhumatisme à l'épaule commença à se faire sentir. Charles se releva d'un air riant ; les visières l'avaient parfaitement préservé ; il n'avait rien senti. Il cru pouvoir s'en aller, mais non sans avoir lancé une phrase vengeresse. « Je vais aller me faire panser chez M. le juge de paix, ma cousine. MADAME MAC'MICHE Imbécile ! Je te défends d'y aller ! CHARLES Pardon, ma cousine, M. le juge me l'a recommandé : et vous savez qu'il faut se soumettre à l'autorité. Il m'a recommandé de venir me faire panser chez lui à la première occasion. MADAME MAC'MICHE Serpent ! vipère ! Je te défends d'y aller. « Charles ne répondit pas et sortit, laissant sa cousine stupéfaite de tant d'audace. « C'est qu'il ira ! s'écria-t-elle au bout de quelques instants après être rentrée dans sa chambre. Il est assez méchant pour le faire ! Quelle malédiction que ce garçon ! Quel serpent j'ai réchauffé dans mon sein ! Coquin ! Bandit ! Assassin ! Et tout juste, je l'ai battu tant que j'ai eu de bras ; il doit en avoir de rudes marques ; avec ça qu'hier je ne l'avais pas ménagé et qu'il doit en rester quelque chose. Mon Dieu ! M. le juge ! que va-t-il dire ? lui qui n'était déjà pas trop content hier ! Il m'a dit des choses que je n'attendais pas de lui, que je ne lui pardonnerai jamais... Et comment a-t-il su que ce petit gredin de Charles avait de l'argent placé chez moi par son père ? J'ai bien juré mes grands dieux que c'était une invention infernale, une atroce calomnie, mais il n'avait pas trop l'air de me croire. Pourvu qu'il n'aille pas lui en parler ! De vrai, il me coûte bien cent à cent vingt francs par an ! Mais je profite du reste ; c'est une compensation des ennuis que me donne ce garçon que je déteste. « Ce ne fut qu'au bout de quelques minutes qu'elle eut la pensée de courir après Charles et d'empêcher de vive force sa visite chez le juge de paix ; mais il était trop tard : quand elle descendit à la cuisine, Charles n'y était plus. MADAME MAC'MICHE Où est-il ? Où est ce brigand, cet assassin ? BETTY Quel brigand, Madame, quel assassin ? Je n'ai rien vu qui y ressemblât. -- Il est ici, il doit être ici ! continua Mme Mac'Miche hors d'elle. -- Au voleur ! à l'assassin ! cria Betty en ouvrant la porte de la rue. Au secours ! on égorge ma maîtresse ! « Plusieurs têtes se montrèrent aux portes et aux fenêtres ; Betty continua ses cris malgré ceux de Mme Mac'Miche, qui lui ordonnait de se taire. Betty riait sous cape, car elle avait bien compris que le voleur, l'assassin, était Charles. Quelques voisins arrivèrent, mais, au lieu de voleurs et d'assassins, ils trouvèrent Betty aux prises avec Mme Mac'Miche, qui l'agonisait de sottises et qui cherchait de temps en temps à donner une tape ou un coup de griffe, que Betty esquivait lestement ; les voisins riaient et grommelaient tout à la fois pour avoir été dérangés sans nécessité. Source : Ségur (Sophie Rostopchine, comtesse de), Un bon petit diable, 1865. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« MADAME MAC’MICHE Imbécile ! Je te défends d’y aller ! CHARLES Pardon, ma cousine, M.

le juge me l’a recommandé : et vous savez qu’il faut se soumettre à l’autorité.

Il m’a recommandé de venir me faire panser chez lui à la première occasion. MADAME MAC’MICHE Serpent ! vipère ! Je te défends d’y aller.

» Charles ne répondit pas et sortit, laissant sa cousine stupéfaite de tant d’audace. « C’est qu’il ira ! s’écria-t-elle au bout de quelques instants après être rentrée dans sa chambre.

Il est assez méchant pour le faire ! Quelle malédiction que ce garçon ! Quel serpent j’ai réchauffé dans mon sein ! Coquin ! Bandit ! Assassin ! Et tout juste, je l’ai battu tant que j’ai eu de bras ; il doit en avoir de rudes marques ; avec ça qu’hier je ne l’avais pas ménagé et qu’il doit en rester quelque chose.

Mon Dieu ! M.

le juge ! que va-t-il dire ? lui qui n’était déjà pas trop content hier ! Il m’a dit des choses que je n’attendais pas de lui, que je ne lui pardonnerai jamais...

Et comment a-t-il su que ce petit gredin de Charles avait de l’argent placé chez moi par son père ? J’ai bien juré mes grands dieux que c’était une invention infernale, une atroce calomnie, mais il n’avait pas trop l’air de me croire.

Pourvu qu’il n’aille pas lui en parler ! De vrai, il me coûte bien cent à cent vingt francs par an ! Mais je profite du reste ; c’est une compensation des ennuis que me donne ce garçon que je déteste.

» Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes qu’elle eut la pensée de courir après Charles et d’empêcher de vive force sa visite chez le juge de paix ; mais il était trop tard : quand elle descendit à la cuisine, Charles n’y était plus. MADAME MAC’MICHE Où est-il ? Où est ce brigand, cet assassin ? BETTY Quel brigand, Madame, quel assassin ? Je n’ai rien vu qui y ressemblât. — Il est ici, il doit être ici ! continua Mme Mac’Miche hors d’elle. — Au voleur ! à l’assassin ! cria Betty en ouvrant la porte de la rue.

Au secours ! on égorge ma maîtresse ! » Plusieurs têtes se montrèrent aux portes et aux fenêtres ; Betty continua ses cris malgré ceux de Mme Mac’Miche, qui lui ordonnait de se taire.

Betty riait sous cape, car elle avait bien compris que le voleur, l’assassin, était Charles. Quelques voisins arrivèrent, mais, au lieu de voleurs et d’assassins, ils trouvèrent Betty aux prises avec Mme Mac’Miche, qui l’agonisait de sottises et qui cherchait de temps en temps à donner une tape ou un coup de griffe, que Betty esquivait lestement ; les voisins riaient et grommelaient tout à la fois pour avoir été dérangés sans nécessité. Source : Ségur (Sophie Rostopchine, comtesse de), Un bon petit diable, 1865. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Tous droits réservés.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles