Commentaire Sophocle Antigone
Publié le 03/10/2015
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Commentaire de texte
Antigone - Sophocle
Introduction
« Oserons-nous dire que ces lois sont injustes, ou plutôt qu’elles ne sont pas des lois? Car à mon avis, une loi injuste n’est pas une loi. » C’est ainsi que Saint-Augustin dans Traité du Libre Arbitre, chapitre V, énonce sa conception de la loi injuste, en contradiction avec la loi morale, qui ne constitue donc pas, à ce titre, une loi et peut donc être dérogé.
Dans Antigone, tragédie grecque de Sophocle, dont la date de création se situe en 442 ou 441 avant J.C, Antigone désobéit au décret du roi Créon et donne une sépulture à son frère Polynice, tué par son autre frère Etéocle lors d'une bataille où chaque frère voulait la mort de l'autre pour devenir roi de Thèbes.
Cette tragédie rédigée au 5ème siècle avant Jésus Christ permet de refléter le droit et la loi dans la Grèce antique et de révéler déjà un questionnement sur le légal et le légitime. Antigone estime qu'accomplir les rites funéraires est un droit et un devoir divin, qu'aucune loi même celle d'un roi ne peut interdire. Elle représente ainsi la légitimité (fondé sur la raison et la justice) alors que Créon incarne la légalité (fondé sur la loi).
Cette tragédie s’inscrit également dans la période Socratique. Accusé de corruption de la jeunesse, de négation des dieux ancestraux et d'introduction de divinités nouvelles, Socrate est condamné à mort par le tribunal de l’Héliée à Athènes. Platon vécut cela comme une véritable injustice permettant ainsi l’émergence d’un questionnement: comment Socrate a t-il pu être condamné à mort alors que c’était injuste?
Le texte de Sophocle oppose ainsi le droit naturel au droit positif et pose la question de l’origine du droit positif qui idéalement découlerait du droit moral. Cependant, ces derniers peuvent également s’opposer. C’est dans cette logique que nous pourrons nous demander dans quelle mesure pouvons-nous désobéir aux lois humaines.
Dans un premier temps, nous étudierons le droit positif édicté par Créon, puis, dans une seconde partie, nous verrons le droit naturel ou légitime issu des Dieux dans l’Antiquité incarné par Antigone.
I- Le droit positif édicté par Créon
Ce texte met en lumière l’importance des rites funéraires dans l’antiquité (A). Cependant, malgré cet attachement, l’édit de Créon nie ce droit à Polynice et impose ainsi un droit positif auquel Antigone refuse d’obéir (B).
A/ L’importance des rites funéraires dans l’antiquité
Cet extrait représente l’importance des rites funéraires dans l’Antiquité. A cette époque, celui qui ne recevait pas l’obole était condamné à errer éternellement sur le rivage du styx. Ces rites funéraires prennent donc une importance cruciale au niveau social et religieux et se retrouvent dans toute la Grèce antique: même en temps de guerres les deux camps venaient chercher leurs morts pour leur offrir une sépulture. Enfin, c’est quand l’humanité commença à enterrer ses morts que la religion apparu. L’importance de ces rites funéraires est telle que Antigone est prête à braver l’interdiction émise par le décret du roi Créon d’inhumer son frère et ainsi risquer sa propre mort « Si j’avais du laisser sans sépulture un corps que ma mère a mis au monde, alors j’aurais souffert ».
B/ Une loi imposé par Créon
Les lois définissent les droits et devoirs de chacun dans une société donnée. Elles sont édictées d’après une certaine idée de la justice et marquent la limite entre ce qui est permis et ce qui est prohibé. Choisir de désobéir aux lois, comme le fit Polynice et Antigone, c’est, par généralisation, risquer de faire disparaître toutes les règles et toute justice, et ainsi de retomber dans l’état de guerre.
Créon interdit par un décret à Antigone d’accomplir les rites funéraires pour son frère considéré comme un traitre: il est allé à l’encontre de la loi qui érigeait son frère ainé en tant qu’héritier du trône. Polynice s’est donc opposé à l’édit du roi Créon, c’est à dire à un ensemble de lois positives édictées par une autorité ici incarné par Créon.
Créon estime avoir le droit d’édicter des lois d'origine non divine, pour autant qu'elles servent le bien de la cité dont il est le roi, et que ces lois doivent être respectées par tous les habitants de la cité.
Or, bien que le roi ait le pouvoir d’édicter des lois, il est soumis à une autorité supérieure: celle des dieux. C’est à cette autorité que se réfère Antigone « Ce n’est pas Zeus qui les a proclamées, et la Justice qui siège auprès des dieux de sous terre n’en a point tracé de telles parmi les hommes » (l2-3). Ici Antigone marque bien l’opposition entre le droit positif incarné par Créon et le droit naturel qui pour les grecques est issu de dieux.
A ce droit positif incarné par Créon s’oppose un droit naturel et légitime issu des Dieux dont Antigone en est la représentante.
II- Le droit naturel / légitime issu des Dieux
Antigone oppose au droit positif un droit naturel ou légitime issu des Dieux (A) et soulève à cet égard la question du devoir moral (B).
A/ Un droit issu des Dieux
Antigone oppose les termes d’ « édits » (l3) à « lois divines » (l4). L’édit n’est que représenté par les hommes tandis que loi divine est supérieure, non écrite, issu d’une transcendance. Antigone oppose donc aux lois que posent les hommes, des lois qui ne sont pas écrites mais qui s’imposent à eux à condition d’écouter leur conscience. Ce sont des lois divines. D’où l’idée d’un droit naturel, d’un droit par nature et non par convention. Ce ne sont pas les conventions humaines qui décident du juste et de l’injuste mais une entité supérieure, divine et transcendante.
La loi des hommes peut être faillible, erronée et corrigée par opposition à la loi supérieure morale issu des Dieux qui est parfaite, idéale. Ces lois divines en accord avec la morale sont donc caractérisées par la perfection et l’universalité « Ce n’est pas d’aujourd’hui ni d’hier, c’est de toujours » (l5) par opposition à celles des hommes relatives au temps, à l’espace, et issu des hommes, donc faillibles.
Antigone défend donc un point de vue religieux et divin du droit. Le décret politique des hommes ne peut être supérieur et prendre le dessus sur les lois divines en accord avec la morale humaine. Créon, qui reflète la plus haute autorité politique, n’exige pas seulement l’obéissance à son décret mais la soumission que Antigone refuse au nom d’une justice supérieure divine et en accord avec son devoir moral.
Ce sont donc les lois divines qui sont la limite entre le juste et l’injuste contrairement aux lois humaines qui sont faillibles, erronées. Antigone estime qu'accomplir les rites funéraires est un droit et un devoir divin, qu'aucune loi même celle d'un roi ne peut interdire.
B/ La question du devoir
Cependant, bien qu’ayant dérogé au décret du roi Créon, Antigone accepte la loi de ce dernier: elle accepte d’être puni pour sa faute et se résout à devoir mourir. Néanmoins elle ne cautionne pas cette loi. Elle n’est donc pas dans la rébellion a vouloir modifier la loi. Elle a respecté la décision, la punition, mais elle souhaite respecter avant tout la loi divine qui s’impose à elle. Elle estime qu'accomplir les rites funéraires est un droit et un devoir divin, qu'aucune loi même celle d'un roi ne peut interdire. Cette possibilité de mourir après avoir accompli un devoir moral montre ainsi la crainte des Dieux, plus importante que la crainte humaine qu’elle ressent à l’égard du roi Créon. La loi légitime est donc soumise aux Dieux. Les lois positives ne sont que des conventions humaines, mais entrent en confrontation permanente avec la loi morale dite naturelle. Antigone pose donc la question du rapport entre justice supérieure et justice humaine, entre le légal et le légitime. Cette question se pose dès l’antiquité et permet la construction d’une loi positive bonne grâce à une réflexion menée par de nombreux philosophes sur ce sujet. Le dramaturge grec estime donc qu’il ne suffit pas de suivre les lois humaines pour être juste. Il faut obéir en priorité à la justice divine avant d’obéir aux lois humaines.
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